Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.
Capitulation devant le lobby financier, faute politique
Le Collectif « Pour un Pôle public financier au service des Droits ! », qui comprend de nombreuses organisations syndicales représentant les salariés des secteurs bancaire et financier, ainsi que diverses associations politiques plus généralistes, vient de publier ses réflexions concernant l’action du président de la République au premier anniversaire de son entrée à l’Elysée.
Voir Le Pôle public financier fait le bilan de la première année de Hollande - 2 mai 2013.
* Notre collectif est, pour une grande part, le successeur d’un autre collectif : le collectif « Pas touche au Livret A ! » qui s’est mobilisé, en 2007 et 2008, contre la banalisation de ce livret et pour le financement du logement social. Ce collectif était lui-même issu de l’intersyndicale du secteur semi-public économique et financier créée en octobre 1995, qui, forte d’une trentaine d’organisations syndicales, a porté pendant près de 15 ans une revendication unique : la mise en place d’un pôle public financier.
Cette intersyndicale a lutté au côté des personnels de différents établissements contre les logiques de démantèlement mises en œuvre par différents gouvernements : tentative de liquidation du Crédit Foncier de France, abandon du statut à « but non lucratif » des Caisses d’épargne, tentative de filialisation des activités et de démantèlement du statut du personnel de l’IEDOM, restructuration du réseau de la Banque de France …
Ces logiques sont toujours à l’oeuvre : absence de toute garantie sur l’avenir du personnel de DEXIA aujourd’hui en faillite, plan de réduction de 12% des effectifs du Crédit foncier, suppression programmée de 2 500 emplois à la Banque de France, projet en suspens de filialisation des activités de l’Agence française de développement en Outre-mer …
Voici, dans ce document*, la partie concernant la réforme bancaire :
- Un engagement solennel de François Hollande
- Un projet de loi a minima
- Un Président de la République et un gouvernement sous l’influence du lobby bancaire et de la technostructure
- Quand Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances, appelle le Parlement à ne pas « moraliser » le secteur bancaire
- Un danger pour la démocratie
La réforme bancaire
Un engagement solennel de François Hollande
Le 22 janvier 2012, dans son discours du Bourget, François Hollande déclarait : "Maîtriser la finance commencera ici par le vote d'une loi sur les banques qui les obligera à séparer leurs activités de crédit de leurs opérations spéculatives." Une promesse détaillée dans un entretien au Nouvel Observateur : "Je veux séparer au sein de chaque établissement les activités de crédit, de dépôt et celles dites de spéculation. Il n'y a pas besoin de séparer les établissements. Des produits financiers seront interdits : les CDS [crédit default swap] à nu et les produits détachés de l'économie réelle. Aucune activité de placement spéculatif ne pourra être financée à partir des dépôts des Français."
Dans le septième de ses 60 engagements de candidat (voir les-60-engagements-pour-la-france-de-francois-hollande), il promettait de s'attaquer aux banques en les surtaxant de 15 % et en séparant le bon grain de l'ivraie (les activités utiles des opérations spéculatives). C’est en grande partie sur cette promesse, celle d’une réappropriation collective de la finance au service de l’intérêt général, que François Hollande est parvenu à constituer une majorité autour de sa candidature, ce qui l’a porté à la Présidence de la République en mai 2012.
C’est cette volonté d’une réappropriation collective de la finance au service de l’intérêt général qui constitue le « ciment » qui rassemble les organisations associatives et syndicales, membres du Collectif « Pour un Pôle public financier au service des Droits ».
« Mon véritable adversaire, c’est le monde de la finance », clamait François Hollande dans une formule restée comme le marqueur de sa campagne. Un an plus tard, que reste-t-il de cette volonté de réformer le secteur bancaire à l’origine des crises de ces dernières années ?
L'axe central proposé par le candidat Hollande était d’obliger les banques à ne plus mélanger leurs deux grands métiers : financer l'économie réelle grâce au crédit et aux comptes des particuliers, d'une part ; placer de l'argent des spéculateurs sur les marchés financiers à leurs risques et périls, d'autre part.
Un projet de loi a minima
En réalité le projet de loi présenté par le gouvernement et adopté par le Parlement ne sépare quasiment pas les activités de banques de crédit et de dépôt avec les activités des banques de marché. La majorité parlementaire, après avoir fait mine de se rebeller, est rentrée – comme toujours – dans le rang. Ce qu'a d'ailleurs reconnu le porte-parole du groupe PS à l’Assemblée nationale, Thierry Mandon. Interrogé par Le Monde, mercredi 6 février, il assurait : "Il y a eu quelques crises d'acné [mais] on a appelé à la sagesse. Il n'y aura pas de psychodrame. Les amendements acceptés resteront cosmétiques. On n'a pas la volonté de charger la barque des banques".
Un Président de la République et un gouvernement sous l’influence du lobby bancaire et de la technostructure
Effectivement la barque des banques n’a pas été chargée. Dans les semaines qui ont suivi le discours du Bourget, avant même les élections présidentielles, le patronat bancaire soutenu par le Gouverneur de la Banque de France et la direction du Trésor (dont tous les responsables, nommés par le pouvoir Sarkoziste, ont été maintenus en place) ont fait le siège des principaux dirigeants du Parti socialiste et sont parvenus à leur fin : vider de sa substance l’engagement solennel pris par le Président de la République vis-à-vis de nos concitoyens.
Dès le 8 novembre 2012, et alors que le texte élaboré par le gouvernement n’est pas encore connu, Frédéric Oudéa, patron de la Société générale « se félicite de la bonne compréhension du gouvernement », révèle L’Express.
Encore déterminée, Karine Berger, députée PS nommée rapporteur du projet, promet que le Parti socialiste imposera « la réforme structurelle dont ils ne veulent pas ». Mais, selon L’Express, le directeur du Trésor, Ramon Fernandez, aurait « laissé entendre que les modalités d’application, sujet trop technique, pourraient relever du superviseur, l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP), et non pas du débat législatif ».
Au final, le projet de loi bancaire français apparaît à de nombreux observateurs comme le pire de tous. Il «cumule les faiblesses de tous les projets existants» à l'étranger, juge le chercheur Gaël Giraud. Il est qualifié de « non-réforme bancaire » par Attac. Dans un entretien au Monde du 18 décembre 2012, Thierry Philipponnat, secrétaire général de l'association internationale Finance Watch, a critiqué le projet de loi de réforme bancaire. Pour l'ex-banquier spécialiste des produits financiers complexes –ancien d'UBS, BNP Paribas et Euronext, il s’agit d’un projet « en trompe l’oeil » et il ajoute : « Le président de la République, François Hollande, avait promis d'isoler les activités de crédit des activités spéculatives. Le texte parle désormais d'isoler les activités utiles à l'économie des activités spéculatives. Quel glissement sémantique ! Sous l'apparence du bon sens – l'utilité –, on a vidé la réforme de sa substance. »
Le 20 décembre 2012, le président du directoire de la BPCE, François Pérol, estimera que la réforme bancaire envisagée par le gouvernement était une «bonne réforme », ce qui surprendra certains observateurs. On comprendra mieux quelques semaines plus tard. En effet, le 30 janvier 2013, devant la Commission des finances de l’Assemblée nationale, Frédéric Oudéa, PDG de la Société générale, reconnaîtra l’évidence : la loi bancaire préparée par Bercy impactera moins de 1% de l’activité bancaire. Une goutte d’eau dans l’océan des profits bancaires.
Quand Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances, appelle le Parlement à ne pas « moraliser » le secteur bancaire
Le 26 février 2013, devant la commission des Finances du Sénat, Pierre Moscovici déclarait : « Le Gouvernement avait proposé un plafonnement des frais pour les populations fragiles : c'était ma préoccupation centrale. L'Assemblée nationale a étendu ce plafonnement à tous les clients et à toutes les commissions d'intervention. A vous d'intervenir, sachant qu'il s'agit d'un enjeu économique important pour les banques : le chiffre de 1,8 milliard d'euros, qui a été évoqué, est le bon. On peut déplorer cette structure de financement, quoique notre rôle ne soit pas de porter des jugements moraux mais de nous assurer que le système financier fonctionne. Ayons aussi en tête la situation de l’emploi. Je vous invite à chercher un équilibre respectant l’objectif du Gouvernement. Un plafond unique risque d’être trop bas pour certains et trop haut pour d'autres : mieux vaut laisser la détermination des montants à la discrétion du pouvoir réglementaire. »
Pierre Moscovici obtiendra satisfaction sur ce point et le Sénat adoptera, à son tour, en première lecture le projet de loi, improprement appelé, de séparation et de régulation des activités bancaires, qu'il a durci notamment en matière de paradis fiscaux et de rémunération des banquiers.
Un mois auparavant, Pierre Moscovici publiait sur son blog personnel : Mon interview dans le Monde : « Nous sommes les premiers à entreprendre pour moraliser la finance ».
Sans commentaire …
Un danger pour la démocratie
Les banquiers français ont fait feu de tout bois pour empêcher une mise en cause de leur modèle économique. Les dispositions arrêtées par le gouvernement leur ont donné satisfaction. C'est une régulation a minima des activités spéculatives qui a été finalement avalisée par le Parlement.
Une micro régulation qui ne garantit absolument pas que demain il ne soit pas fait à nouveau appel au contribuable pour renflouer le secteur bancaire qui n’a été quasiment en rien découragé dans ses activités spéculatives. Dans son interview au Monde du 18 décembre 2012, M. Philipponat déclarait à propos des banques françaises : « Ce n'est pas parce que les banques ont résisté par le passé à un choc financier, qu'elles résisteront toujours. Quand un système fait faillite, ce sont deux générations de contribuables qui paient la facture. On le voit au Royaume-Uni, où la dette publique a augmenté de 50 % après le sauvetage des banques en 2008-2009. »
Cette absence de contrôle du secteur bancaire s’inscrit dans un cadre qui fragilise l’économie mondiale et la cohésion économique et sociale de notre pays avec les conséquences absolument désastreuses que l’on connaît :
- resserrement du crédit au détriment de l’économie réelle et de la satisfaction des besoins économiques, sociaux et environnementaux,
- augmentation du chômage et de la précarité,
- priorité absolue accordée aux politiques d’austérité afin de satisfaire les attentes des marchés financiers,
- renoncement aux idéaux de justice et de progrès social qui constituent les fondements historiques et idéologiques des partis de la gauche gouvernementale,
- sentiment d’abandon voire de trahison des électeurs et des forces sociales qui ont permis l’alternance politique (présidentielles et législatives de 2012) ce qui ouvre vraisemblablement la voie à de futurs choix très éloignés des valeurs républicaines.
Avoir laissé le patronat bancaire, la direction du Trésor et le Gouverneur de la Banque de France, tous dépourvus de légitimité démocratique, dicter au Président de la République et au gouvernement le projet de loi qui a été présenté et validé par le Parlement, constitue incontestablement une capitulation en rase campagne devant le lobby financier et une faute politique gravissime, très lourde de conséquences économiques, sociales et politiques.
Rappel : Collectif pour un Pôle public financier et Crédit Immobilier de France - 3 mai 2013
Réforme bancaire : elle a été votée sans opposition par le Sénat - 22 mars 2013
Cet article est le 120ème paru sur ce blog dans la catégorie Travail Economie