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Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.

Conférence Emmanuel Filhol Laval (AMAV) : les Tsiganes en France en 1939-46

L’AMAV en Mayenne contre l’oubli et la discrimination

 

L’Association mayennaise d’action auprès des Gens du voyage (AMAV 53) agit depuis 40 ans pour l’amélioration de la vie des Gens du voyage, leur accès aux services de droit commun, leur insertion socio-économique, la scolarisation de leurs enfants et une meilleure coexistence avec les populations sédentaires (voir Ouest-France, 8 mars, Hommages aux Tsiganes internés en Mayenne en 1940).

La loi du 5 juillet 2000, dite loi Besson, reconnaît dans son article 1er la caravane comme habitat, non comme habitation : « Les communes participent à l’accueil des personnes dites gens du voyage et dont l’habitat traditionnel est constitué de résidences mobiles ».

 

L’AMAV organise, de mars à octobre 2011, en Mayenne, diverses actions sur le thème « L’internement des Tsiganes en France pendant la Seconde Guerre mondiale » afin de lutter contre l’oubli et la discrimination (voir Plaquette Memoire Française AMAV).

 

AMAV-53-tsiganes-120311-003-T.jpgPrésentation par Bernard Cossée, président de l’AMAV :

Contre l’oubli et la discrimination.

En France, de 1940 à 1946, de nombreuses familles (plus de six mille hommes, femmes, vieillards, enfants) furent internées dans des camps gérés par l'administration française, au seul motif qu’elles étaient Tsiganes, on disait alors Nomades, on les nomme aujourd’hui Gens du voyage.

Nos livres d'histoire n’en disent rien. Les camps eux-mêmes ont disparu et la reconnaissance de ces faits n'a jamais eu lieu, ou si peu. Les Tsiganes sont restés absents de la mémoire collective française.

Alors que les derniers témoins vont se taire à jamais, il est urgent de mobiliser toutes les énergies pour mettre à jour les faits avec la plus grande précision, en montrer les mécanismes, et conduire dans le respect des victimes la restauration d'une mémoire presque perdue.

L’AMAV (Association Mayennaise d’Action auprès des Gens du Voyage) a décidé de promouvoir en Mayenne cette démarche de mémoire, d’y faire appréhender la spécificité du traitement imposé aux « Nomades » en France durant la Seconde Guerre mondiale, ses origines ainsi que le contexte plus général du génocide tsigane en Europe. Il s’agit de porter à la connaissance d’un large public ces faits trop souvent occultés et de rendre hommage aux victimes.

 

Dans ce cadre, j’ai participé à la conférence-débat salle Jean Monnet à Laval le 12 mars, de 16h à 18h, sur le thème L’internement des Tsiganes en France (1939-1946) : histoire et mémoire par Emmanuel Filhol, historien, enseignant-chercheur à l’université de Bordeaux1, coauteur du livre “Les Tsiganes en France - Un sort à part (1939 – 1946)”.

Voir, par ailleurs, pour info, une autre conférence La France contre ses Tsiganes par Emmanuel Filhol ? (5 août 2010).

 

AMAV-53-tsiganes-120311-006-T.jpgL’exposé de Monsieur Filhol



L’auteur insiste sur le double aspect de l’enquête : l’aspect historique, avec des documents d’archive accessibles à tous (archives nationales et départementales) et l’aspect mémorial, comme le soulignait Pierre Nora, avec une dimension plus politique (rapport à la société française, mémoires plurielles : communes et écoles, Etat, drames vécus par les familles tsiganes).

Il tient à préciser les termes. Sa préférence va à Tsiganes (le terme le moins inadéquat). La France ne reconnaît pas les minorités ethniques, les textes parlent donc de nomades, mais il est clair que les Tsiganes étaient les plus nombreux parmi les internés. Le terme Tsigane est également utilisé par les Allemands (Zigeuner).

L’internement des Tsiganes en France pendant la seconde guerre mondiale (voir Les Tsiganes en France) a eu plusieurs phases : l’assignation à résidence, l’internement et, pour certains, la déportation des vers les camps d’exterminations allemands.

La loi de 1912 relative aux professions ambulantes distinguait deux catégories administratives, d’une part les « forains » qui ont une activité économique et des ressources connues, et d’autre part les « nomades » présumés sans activité

 

La répression commence dès septembre-octobre 1939 dans plusieurs départements de l’ouest de la France. Mais le lancement se fait surtout à partir du décret du 6 avril 1940 de la 3ème République finissante qui assigne à résidence tous les nomades (les forains ne sont pas concernés, à ce stade, mais les journaliers agricoles et les vagabonds s’ajoutent aux Tsiganes et « bohémiens »).                                                                                                                       

Ce sont les « errants », qui risquaient de communiquer des informations à l’ennemi - accusations fantaisistes, dont le fondement renvoie à la 1ère guerre mondiale. Le terme est proche de « erratique » et « erreur ». Dans un premier temps, l’objectif est que les familles doivent s’immobiliser dans la commune où elles se trouvent. Mais de nombreux maires s’y opposent. Finalement, ordre est donné aux préfets de désigner plusieurs communes pour l’assignation à résidence près d’une brigade de gendarmerie, en dehors des villes importantes. Les familles doivent se débrouiller seules, dans un rayon délimité.

La mise en œuvre est échelonnée, selon les départements, jusqu’à la fin 1940, voire en 1941 (dans les deux zones, nord occupée et sud, dite libre). Les préfectures ne réagissent pas de la même façon, tenant compte des rapports des gardes-champêtres. Mais cette mesure est, clairement, une atteinte aux libertés et provoque des difficultés d’existence des familles concernées.

 

Sur ordre allemand du 4 octobre 1940, les autorités de Vichy (elles le font sans discuter) doivent interner les nomades dans des camps (voir Emmanuel Filhol), ceux-là même qui étaient assignés à résidence avec leurs familles. Les Allemands interviennent pour que les mesures d’internement s’appliquent aussi aux forains, marchands ambulants, vagabonds (dans l’Allemagne nazie, les Tsiganes sont majoritairement sédentaires, contrairement à la France).

Les camps sont créés dans l’improvisation, dans des lieux très divers (carrières ou gares désaffectées), où s’entassent les familles élargies aux cousins (familles au sens large des Tsiganes) dans des conditions matérielles désastreuses, certaines avec leurs roulottes.

 

En Mayenne, il y eut le camp de Grez-en-Bouère, puis celui de Montsûrs. Voir De 1940 à 1942, 80 Tsiganes internés(Ouest-France, Jean-François Vallée, 14 mars).

 

En France, il y eut 25 camps en zone nord et 2 créés par Vichy, pour 6500 personnes.

L’internement familial va durer après la guerre, dans des conditions dramatiques (bien souvent, enfants nus dans la boue). De nombreux décès de tout petit (à l’accouchement) et de vieux. Manque de nourriture et de soins, même s’il faut signaler que des instituteurs, des infirmières, des religieux également, ont fait preuve de beaucoup de dévouement afin d’améliorer les conditions.

 

En novembre 1941, les Allemands demandent aux préfets de région de réorganiser l’ensemble des camps d’internement pour nomades, en les régionalisant. Celui de Montreuil-Bellay (nord Maine-et-Loire) deviendra le plus grand de France (près de 1000 personnes). Les forains sont pour la plus part libérés. Certains nomades tentent de s’évader mais sont le plus souvent repris et sévèrement punis.

 

Les familles ne seront pas toutes libérées à la fin de la guerre. Par exemple, à Angoulême, le camp fermera fin mai 1946, par application de la loi qui met fin aux hostilités.

 

Quelques centaines de personnes internées dans les camps ont été déportées. Ceux qui ont pu en revenir ont été accueillis par une assignation à résidence !

 

Ensuite, ce fut le silence pendant des décennies. Les premières stèles furent érigées en 1985 à Poitiers, puis à Mérignac (mais sans nommer les Tsiganes et avec de nombreuses erreurs). Il a fallu attendre juillet 2010 pour qu’un secrétaire d’Etat évoque les internements dans des camps. Juste avant qu’un président de la République parle des Roms en d’autres termes …

   

Lire, à ce sujet Polémique Roms et Gens du voyage : Bernard Cossée répond au Céas 53 - 16 novembre 2010 et Polémique Roms et Gens du voyage : le récit de Bernard Cossée (2) - 17 novembre 2010.

 

Cet article est le 5ème paru sur ce blog dans la catégorie Culture langue histoire

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https://www.youtube.com/watch?v=zD_nNKdxNvw
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