Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.
Désaccords sur les bienfaits du libre-échange en agriculture
Cet été, j’ai fait connaissance avec le Gers et, notamment, avec cette petite localité proche des Hautes-Pyrénées qu’est Marciac. Ce qui m’attirait, ce n’était pas le festival de jazz mais les Controverses, nouvelle appellation donnée à l’université d’été de l’innovation rurale.
Voici le programme des 17e Controverses de Marciac : La future PAC à l’épreuve des grands bouleversements du Monde, les 3 et 4 août 2011.
Les Controverses de Marciac (Université d’Eté de l’Innovation Rurale) sont un rendez-vous national au coeur de l’été dans l’ambiance particulière du festival de "Jazz in Marciac" et des territoires ruraux du Sud-Ouest, pour instruire et débattre des sujets qui interpellent fortement notre société : le futur de l’agriculture, l’évolution de notre alimentation, la transformation des territoires ruraux, les relations urbain-rural, le rôle des sciences du vivant. Un rendez-vous annuel où se côtoient des scientifiques, des enseignants, des élus, des professionnels, des acteurs issus du monde économique, associatif, culturel et du grand public. Renseignements : Valérie Péan ou Lucie Gillot, Mission Agrobiosciences.
La régulation ou les marchés ? L’UE et l’OMC
Une controverse entre Aurélie TROUVE, Maître de conférences en économie et politique agricoles et alimentaires à l’ENESAD, co-présidente d’Attac France, membre de la commission Europe de cette organisation et du Forum Social Local 21 et Philippe CHALMIN, professeur d’économie, spécialiste du marché des matières premières. Fondateur du Cercle Cyclope, qui publie chaque année depuis 1986 un rapport complet sur l’état et les perspectives des marchés mondiaux de matières premières.
Controverse animée par Valérie Péan
Les marchés ou la régulation ?
Aurélie Trouvé : La libéralisation des marchés est une exception dans l’histoire et dans le monde. Ce sont les intérêts économiques des multinationales de services qui s’expriment à travers les positions de l’Union européenne dans l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). C’est du dumping à grande échelle ; il s’agit de diminuer les droits de douane pour exporter au-dessous des coûts de production.
Philippe Chalmin : C’était vrai au début, mais on ne peut dire maintenant que c’est fait pour les multinationales. L’OMC, c’était un alibi pour réformer la PAC sous la contrainte mais l’agriculture a bloqué les accords. Il n’y a plus vraiment d’Europe, plus vraiment de vision agricole de l’Europe. Les accords de Lomé étaient une convention de coopération entre les pays dans le but de stabiliser les prix des matières premières agricoles. Tout cela a été balayé par l’OMC qui a décrété qu’il ne pouvait y avoir d’avantages consentis à certains membres de l’OMC sans qu’ils soient élargis à tous. Dans ces conditions, l’Europe ne pouvait plus avoir une politique économique, comme c’était le cas de la PAC. Dans le secteur laitier, il n’était plus possible de maintenir un système de régulation de l’offre (exemple canadien). Cela ne passe pas chez les idéologues de Bruxelles.
Valérie Péan : sortir l’agriculture de l’OMC ou pas ?
Aurélie Trouvé : L’Europe est embringuée dans l’idéologie néolibérale. Comment refonder l’Europe politique ? L’OMC est traversée par une contradiction en raison de l’affirmation que le cycle de Doha, celui du libre-échange, est un cycle de développement. Or, le libre-échange n’est pas forcément le développement. Au contraire, le libéralisme a contribué à détruire les agricultures vivrières.
Sortir l’agriculture de l’OMC ?
On ne peut rien attendre du G 20, qui recherche un accord de libéralisation des marchés à l’OMC. Il faut refonder l’OMC pour l’incorporer à l’ONU (qu’il faut réformer), la justice commerciale relevant des droits fondamentaux. Le monde a besoin de coopération et de solidarité, pas de libre-échange et de guerre commerciale. Il faut respecter le droit à la souveraineté alimentaire et la PAC, au lieu de la désastreuse suppression des quotas, devrait se tourner vers la gestion de l’offre.
Philippe Chalmin : Oui au droit à la souveraineté alimentaire. Même Pascal Lamy est ouvert à la discussion sur ce point. L’OMC n’est pas un obstacle au développement des pays du tiers monde. La FAO fonctionne mal et l’ONU n’a aucune efficacité. L’OMC fonctionne bien mais donner au cycle de Doha le nom de cycle du développement relève de l’escroquerie intellectuelle. Le vaste mouvement de libéralisation des échanges a été un facteur positif pour le développement économique (croissance de 5% dans le monde), ce qui a permis à 3,5 milliards d’humains de décoller du sous-développement. L’ORD, organe de règlements au sein de l’OMC, fonctionne. Le cycle de Doha sera-t-il achevé fin 2011, ce qui bénéficierait aux pays les moins avancés ?
Sortir l’agriculture de l’OMC ? Non, ce fut une bonne idée de mettre l’agriculture dans l’OMC. Aujourd’hui, que l’agriculture soit dans l’OMC ou non, c’est un problème secondaire. Le vrai problème, c’est la sécurité alimentaire mondiale.
Aurélie Trouvé : Au commerce, il faut incorporer les défis sociaux et écologiques. Les débats à l’OMC montrent qu’il y a d’énormes problèmes de gouvernance et, surtout, l’OMC permet le dumping à grande échelle. Avec la complicité de la Banque mondiale et du FMI, l’OMC a légalisé la boîte verte (aides publiques aux agriculteurs), ce qui est fondamentalement la cause des problèmes des pays pauvres.
Le libre-échange est impliqué largement dans la faim dans le monde et dans la crise écologique. Il faut arrêter le discours sur le libre-échange considéré comme un modèle. La réalité, c’est la volatilité des prix, la suppression des stockages et des politiques agricoles. Ce qu’il faut, c’est de la régulation.
Philippe Chalmin : La volatilité des prix, c’est normal en économie de marché, de même que les prix variables en raison de l’offre agricole qui est liée aux aléas de la nature. Cependant, l’instabilité des marchés est le souci des économistes. Après la crise de 1929, la régulation était nécessaire. La PAC en fut la suite logique. Aujourd’hui, les agriculteurs se sont modernisés ; ce n’est pas la bonne réponse. Le marché a ses avantages ; il fait l’équilibre entre différents éléments (climat, demande…). Quand les prix flambent, on accuse les horribles spéculateurs mais il faut écouter le message du marché. La réalité, c’est que, depuis 20 ans, tout le monde se fout de l’agriculture. Dans les pays pauvres, on supprime les politiques agricoles. On a abandonné l’agriculture. C’est une erreur. Sur deux générations, il va falloir payer les paysans car il faudra doubler la production pour nourrir le monde. La libéralisation est supportable par les céréaliers mais pas dans le tiers monde. Qui devra financer, entre les consommateurs et les contribuables ? Ce ne sera pas possible de faire appel à l’aide internationale.
Débat avec les gens dans la salle
Mohamed Elloumi pense que le curseur se déplace vers le développement. Le succès de l’agriculture viendra des marchés intérieurs.
Thomas Lines considère que le spécialiste des marchés, Philippe Chalmin, fait de l’idéologie pure et dure. En fait, il y a nécessité de la protection. La Chine a décidé en 1991 la libéralisation quand la base de son développement était réalisée. L’OMC ne fait rien pour protéger les agriculteurs dans chaque pays et sa gouvernance est de la pure manipulation (mensonges aux pays en développement, jamais de vote, consensus manipulés, pressions illégitimes des grandes puissances).
Gérard Tubéry constate les conséquences catastrophiques de la volatilité des prix sur les agricultures du nord et du sud. Son collègue syndicaliste reproche à Philippe Chalmin son optimisme et la confusion qu’il fait entre croissance et développement. Il faut parler des 15 000 actifs agricoles en moins chaque année en France et des 400 suicides. Dans le tiers monde, de nombreux paysans meurent de faim. Un ancien agriculteur critique les intellectuels nébuleux et les bureaucrates incompétents qui gèrent la PAC.
Valérie Bouveri, professeur d’économie (suit les questions d’économie européenne depuis près de 30 ans). On nous a fait croire que le libéralisme et le libre-échange allaient permettre de construire l’Europe. On est toujours rivés à l’indice de croissance économique, mais qui s’intéresse à l’incidence du bien être des gens ? Tout être humain sur terre a le droit de manger à sa faim et d’avoir un travail.
Philippe Chalmin se décrit comme un économiste plutôt libéral et un historien. Le développement implique la liberté d’entreprise. C’est ce qu’on appelle le libéralisme. Il y a une légitimité « agriculturelle » pour permettre le développement. Le Royaume Uni est importateur. Il achète sur les marchés mondiaux et n’a donc pas de problème de prix garantis. Nous devons nous aligner sur les marchés mondiaux. Dans les secteurs du lait et de la viande bovine, c’est légitime de refermer l’Europe mais avec des conséquences possibles pour les exportations. On peut se référer au droit des peuples à se nourrir eux-mêmes, mais la vraie question, c’est qui finance les politiques agricoles ? Les paysans du sud sont affamés par les prix trop bas.
Aurélie Trouvé, observant la crise de 1929, constate une corrélation avec la dérégulation. La stabilisation des prix est une nécessité. On ne peut pas tout vouloir. Il faut se protéger et aller vers l’autonomie alimentaire (sans aides aux exportations) en relocalisant les productions. C’est incompatible avec le libre-échange.
Voir les Actes des Controverses de Marciac
Cet article est le 248ème publié sur ce blog dans la catégorie AGRICULTURE et PAC.