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Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.

Crise alimentaire : les leçons de la crise de 2008 n'ont pas été tirées

Le rapport de la CNUCED (ONU) met en cause le libéralisme 

 

Le libre-échange et la dérégulation des marchés ont leur avenir derrière eux, si l’on en croit le rapport 2010 de la Conférence des Nations Unies pour le Commerce Et le Développement, qui préconise de revenir à l’intervention des Etats et aux politiques agricoles. Il était temps et l’on peut espérer que cela fera réfléchir les autres organisations internationales.

La menace d’une crise alimentaire grave dans certains pays est à l’origine de ce revirement stratégique. Le rapporteur spécial à l’ONU pour le droit à l’alimentation, Olivier De Schutter, le dit clairement dans cet article paru sur le site des Echos (Marie-Christine Corbier, 11 janvier) :

Olivier de Schutter : «Vers une nouvelle crise alimentaire» 

 

Trois ans après l'électrochoc de 2008, le rapporteur spécial pour le droit à l'alimentation de l'ONU s'inquiète de la volatilité des prix des matières premières. Pointant la spéculation sur les marchés dérivés, il prône plus de transparence et une meilleure gestion des stocks (…).

Comment combattre la volatilité des prix, un sujet dont la France a fait l'une de ses priorités dans le cadre du G20 ?

Le problème, c'est la spéculation sur les marchés dérivés. Au départ, elle permettait au producteur de vendre sa récolte à l'avance pour s'assurer contre un risque de prix trop bas et à l'acheteur d'acheter à l'avance pour s'assurer contre un risque de prix trop haut. Mais, depuis 2005-2006 et la libéralisation des marchés de produits dérivés aux Etats-Unis, les investisseurs ont changé de nature. Fonds d'investissement, fonds de pension et autres fonds spéculatifs, qui ont une force de frappe financière considérable, ne sont pas des spécialistes des marchés agricoles. S'est alors développée une sorte d'économie casino avec une logique purement spéculative. Les fonds indiciels de matières premières qui investissent dans l'agriculture ne le font qu'à hauteur de 5% à 10% de leur portefeuille. Ils achètent par ailleurs du pétrole, des minerais, de l'or et des matières premières agricoles sans s'intéresser à la qualité des récoltes en Australie ou en Argentine. Cette bulle spéculative que les marchés dérivés ont tendance à former produit des effets nocifs pour les opérateurs sur les marchés physiques (…).  

Cécile Chevré (Moneyweek) a des explications concrètes. Voir Les céréales flambent : que devez-vous faire ? (11 janvier).  

Comment expliquer cette flambée ?

Quand les prix des céréales flambent – encore plus que pour tout autre actif – nous avons besoin de coupables. Car les conséquences sont souvent dramatiques. Les révoltes de la faim de 2008 sont encore dans tous les esprits.

Le premier coupable est la météo. Ou plutôt La Niña. Qu'est-ce que La Niña ? Un refroidissement anormal des eaux du Pacifique. Avec pour conséquences plus de sécheresse pour les climats secs et plus d'humidité pour les climats humides. Plus concrètement, l'Australie est confrontée à des inondations et l'Argentine connaît une des pires sécheresses de ces dernières années. Si le phénomène de La Niña ne s'essouffle pas, les Etats-Unis seront à leur tour menacés par la sécheresse.

Les conséquences sur l'agriculture sont évidemment importantes : trop d'eau ou pas d'assez et des récoltes entières sont détruites ou les rendements en berne. Ce phénomène vient après la grosse vague de sécheresse qui a frappé la Russie l'année dernière et qui avait poussé Moscou et l'Ukraine à stopper les exportations de blé.

Mais la météo n'est pas la seule en cause. On peut aussi citer :
- le cours relativement haut du pétrole ;
- la spéculation (l
'afflux de liquidité n'influence pas seulement les marchés actions mais aussi les marchés matières premières) ;
- les stocks (échaudés par les expériences des précédentes années, de nombreux producteurs ont décidé de stocker leurs récoltes) ;
- la faiblesse du dollar (la plupart des softs sont libellés dans cette devise) ;
- la concurrence des bioéthanols ;
- et enfin une demande croissante venant de la Chine.

 

Même l’Algérie est concernée. Voir L'Algérie face à la crise des produits alimentaires

La flambée des prix des produits alimentaires sur les cours mondiaux fait craindre le pire pour de nombreux pays, africains notamment.

L’Algérie, dont la sécurité alimentaire se fonde sur les ressources en hydrocarbures, est considérée par bon nombre d’experts en la matière comme un pays dont la vulnérabilité va crescendo. En effet, les besoins alimentaires de la population algérienne sont satisfaits grâce aux importations, lesquelles sont passées de 2,8 milliards de dollars US en 2000 à 4,8 milliards dollars en 2007. Avec une politique agricole qui a lamentablement échoué, l’Algérie renforce son insertion dans le marché mondial de l’alimentation, passant du slogan jadis en vogue de l’autosuffisance alimentaire à la sécurité alimentaire, plus que jamais d’actualité depuis la flambée des prix de l’or noir (…).

 

Révolution copernicienne en économie (Thierry Pouch, Pôle Economie et Politiques agricoles aux Chambres d’agriculture, Lettre économique, décembre 2010)

 

Trois ans après le déclenchement de la crise, il semble que l’heure soit aux bilans. Bilan de trente années de discours sur les vertus du libre-échange et de la dérégulation des marchés. En matière de bilan, celui dressé par la CNUCED dans son rapport 2010 traitant des pays les moins avancés (PMA) constitue un véritable réquisitoire contre les apôtres du libéralisme économique. Les recommandations que la CNUCED avance pour apporter des solutions aux maux économiques des PMA dans les dix années à venir ne devraient pas laisser indifférent les dirigeants des autres institutions internationales.

 

Pour l’historien des faits économiques, les années quatre-vingt auront été celles de la conviction selon laquelle la libération des forces jugées créatrices du marché aurait dû enclencher un cycle long de croissance et d’élévation du bien-être des nations. Les pays les moins avancés, autrefois nommés pays en voie de développement, devaient être les bénéficiaires de cette croyance en actes.

Quarante ans après, la crise actuelle agit comme un double révélateur. La libération des forces du marché n’a d’une part pas engendré pour les PMA une accélération de la sortie de la pauvreté. L’échec de la mondialisation a surtout et d’autre part incité les analystes de la CNUCED à recommander d’opérer une véritable révolution copernicienne, à savoir, rétablir l’interventionnisme étatique pour stimuler et rééquilibrer la dynamique de sortie du sous-développement.

 

Le dernier rapport de la Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement apporte une nouvelle contribution au débat qui fait rage depuis le début de la crise, en l’occurrence la légitimité d’une régulation des marchés. Et la démonstration se transforme parfois en un anathème jeté sur les partisans antérieurs du tout marché. Un retour de balancier en quelque sorte.

Outre les effets de contagion dus à la crise qui, par la voie des échanges commerciaux, ont pesé sur les exportations des PMA, c’est la chute des prix des produits de base à la fin de l’année 2008 qui leur fut particulièrement préjudiciable.

 

La CNUCED souligne à plusieurs reprises dans son rapport 2010 que le degré de dépendance des PMA vis-à-vis des exportations de matières premières est trop élevé (le fameux « syndrome hollandais »), et que leurs recettes apparaissent, quarante ans après, encore trop étroitement corrélées aux exportations de ces produits de base. C’est donc bien le modèle de croissance tirée par les exportations qui semble remis en cause dans le rapport. On se croirait revenu plus de soixante ans en arrière lorsque certains économistes « développementalistes » prônaient une stratégie de développement autocentré. La lecture du rapport livré par la CNUCED va d’ailleurs en ce sens lorsqu’il est dit que désormais les PMA doivent tirer les enseignements de la crise et restaurer le rôle d’impulsion économique du ressort de l’État.

 

Bien plus, il est suggéré, voire recommandé, de rétablir dans les PMA une politique «développementaliste» dont la logique de financement et d’accompagnement soit placée sous la tutelle de l’État. Au moment même où le G20, sous présidence française, va s’efforcer durant un an à trouver les instruments et les compromis favorables à une stabilisation des marchés des produits de base, l’approche de la CNUCED semble converger.

 

L’institution de New York et de Genève estime en effet d’une part qu’un « mécanisme international de financement contra-cyclique » soit rapidement mis en place afin de corriger les périodes de forte volatilité des prix, et que la spéculation sur les marchés des produits de base d’autre part soit taxée.

Cette résurgence de l’idée de régulation pilotée par la puissance publique laisse toutefois perplexe. Car ce sont bien les États qui ont, il y a quarante ans, laissé – voire encouragé – se constituer la mondialisation. De ce fait, auront-ils, au-delà de la déclaration d’intention, la force de reprendre ce qu’ils ont accordé hier aux marchés ?

 

Cet article est le 201ème paru sur ce blog dans la catégorie AGRICULTURE et PAC.

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