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Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.

Crise systémique de l'euro : le système européen est aussi en cause

 

Changer les règles pour restaurer la croissance

 

Les contradictions européennes éclatent au grand jour sous l’effet de l’action des marchés financiers (voir La Grèce, talon d'Achille de l'Europe : l'aide n'éteindra pas l'incendie - 4 mai 2010).

Les menaces sont telles pour l’économie que les dirigeants européens, réunis en urgence hier, ont esquissé un mécanisme d’assistance financière aux pays en difficulté. Il semble bien que la pression de Barack Obama sur Angela Merkel n’ait pas été étrangère au revirement de l’Allemagne.

 

Voir la dépêche de l’agence Reuters, publiée sur le site du quotidien Le Monde, ce 8 mai : Sous l'effet de la crise, la zone euro entame une révolution

 

Alors que la crise grecque est devenue une menace systémique pour l'économie mondiale, la zone euro a décidé de frapper un grand coup en se dotant d'un mécanisme de gestion de crise reposant sur une garantie financière de l'ensemble de ses membres.

Ce dispositif, encore inimaginable il y a trois mois, permettra à la Commission européenne de s'endetter sur les marchés financiers, avec la garantie des Etats membres de l'UE et de la Banque centrale européenne, afin de prêter à un pays rencontrant des difficultés à se refinancer.

La mesure, à laquelle la déclaration finale du sommet européen de la zone euro fait référence sans l'expliciter, avait été exclue à la création de l'euro en 1999 pour éviter qu'un pays ne soit tenté de laisser filer ses déficits publics en escomptant un soutien communautaire.

En Allemagne, le pivot de la zone euro, la création d'une telle facilité a toujours été un tabou dans la mesure où Berlin considérait avoir déjà fait un compromis historique en permettant aux pays du "Club Med" (Grèce, Italie, Espagne, Portugal) d'adopter la monnaie unique.

Mais la gravité de la crise grecque et les risques de propagation à d'autres économies fragilisées ont conduit à une révision des concepts (…).

 

Lire aussi Sarkozy parle d'une "crise systémique" dans la zone euro (Nouvel Observateur, 8 mai).

 

Lors de la réunion, le 5 mai, du secrétariat national du Mouvement Républicain et Citoyen, nous avons débattu de cette question. Voici la position de notre collègue, Yves Le Hénaff, spécialiste de la finance, qu’il a formalisée dans un texte transmis le 7 mai. Le retour à la monnaie commune serait une solution de repli en cas de refus d’adoption de nouvelles règles de gouvernement économique de la zone euro. Le secrétariat national du MRC en débattra lors de sa prochaine réunion.

 

Crise de la Grèce, Crise de l’euro

 

La crise grecque était inscrite dans les traités de Maastricht et de Lisbonne dont les lacunes étaient connues : en l’absence de coordination des politiques économiques, l’eurozone laissée aux seules mains de la Banque Centrale Européenne, ne pouvait qu’être traversée de tendances centrifuges entre ses différentes économies et était totalement démunie pour réagir aux chocs externes dont les effets asymétriques ne pouvaient qu’accentuer les risques de divergence.  

 

La politique mercantiliste et non coopérative allemande* a accentué les pressions déflationnistes, déjà encouragées par le soutien à l’euro fort de la BCE. Déjà entre 2000 et 2008, les prix à la production grecs avaient crû de 18 % au-delà des prix allemands. Les prix espagnols étaient à 13 %, les français encore à 5 %, au-dessus de la référence allemande.

 

Ces pressions ont accru les déséquilibres entre les pays européens et se sont finalement traduites par les déséquilibres de balance des paiements, ignorés d’une façon coupable dans les Traités européens au profit d’une focalisation purement idéologique sur les comptes publics. Le choc de la crise financière a fini par être fatal à cette construction artificielle.

 

1 / Une dévaluation financière

 

La priorité est naturellement maintenant au redressement des économies attaquées. La réponse de l’eurozone à la crise grecque n’est pas crédible. La cure d’austérité infligée au peuple grec est encore beaucoup plus brutale que les plans du FMI qui avaient fini par faire l’unanimité contre eux.

Cette cure est incompatible avec un redressement de la croissance dont dépendent les rentrées fiscales et le redressement des comptes publics.

La longue histoire des crises financières nous apprend qu’il n’y a pas de salut sans participation des créanciers à l’effort partagé par le débiteur. La dette grecque sera fatalement restructurée, comme le pronostiquait Paul Krugman (Prix Nobel d’économie) il y a un mois déjà**. Plus vite elle le sera, moindre sera le coût global de l’opération. Les prix des marchés intègrent déjà une décote de 30 % de la dette grecque. Les créanciers de la Grèce doivent effacer au moins 30 % de la dette.

 

Les créanciers sont essentiellement les banques et assurances européennes, notamment françaises et allemandes. En aidant facialement la Grèce, les Gouvernements vont en réalité une nouvelle fois au secours de leurs banques et assurances. Celles-ci ont bénéficié des taux déjà élevés payés par la Grèce. Elles doivent maintenant assumer le risque qu’elles ont pris et celles qui n’en seront financièrement pas capables devraient être nationalisées. L’eurozone devrait être une zone de solidarité, c’est un groupement de créanciers qui protège avant toute chose leur système financier.  

 

Le risque de contagion est accentué par l’absence d’engagement de l’eurozone à soutenir d’autres pays***. Le même dispositif ne serait d’ailleurs pas applicable à des économies plus grandes en raison des volumes en jeu. La péninsule ibérique est laissée à elle-même, ce qui la désigne à la spéculation comme une cible privilégiée. Le seul plan de sauvetage suffisamment généralisable passe par des décotes imposées aux créanciers.

Pendant que se déroule la crise grecque, l’Argentine procède avec succès à une restructuration de sa dette en dollars avec une décote de 66,7 %, à comparer aux 30 % sur la Grèce. C’est là un exemple que les responsables européens devraient méditer. En cas de crise, l’impossibilité des dévaluations monétaires rend nécessaire des dévaluations financières des dettes nationales.

 

2 / De nouvelles règles pour un Gouvernement économique de l’Euro  

 

A la réponse à cette crise aiguë, devra succéder une révision des Traités pour transformer l’eurozone en un espace économique plus équilibré. La France et l’Allemagne ont proposé une révision du Pacte de stabilité sur des bases qui laissent craindre le pire : la surveillance budgétaire accrue et la compétitivité sont des objectifs qui, ainsi énoncés, préparent des politiques déflationnistes généralisées !

 

La soutenabilité de l’euro passe surtout par la restauration d’une croissance dynamique et équilibrée de l’eurozone. Cet objectif nécessite une coordination des politiques économiques qui ne parait toujours pas envisagée. Pour sauver l’euro, il faut que l’Allemagne, qui dégage plus de la moitié de ses excédents commerciaux sur la zone euro, accepte de renoncer à sa politique de déflation compétitive et soutienne sa demande intérieure.

 

Comme l’a affirmé Jacques Delors (La Tribune - 7 mai 2010), il faut changer les règles du jeu de la zone euro en surveillant aussi le niveau des dettes privées. In fine, ce sont les échanges de la zone euro qui doivent être équilibrés : la coordination des politiques économiques pour assurer l’équilibre des  balances des paiements, solde des endettements de tous les agents économiques (Etat, Ménages, Entreprises), devrait remplacer les critères relatifs aux finances publiques.

La coordination économique devrait reposer sur des mesures naturellement restrictives dans les pays déficitaires mais aussi sur des mesures expansionnistes dans les pays excédentaires pour soutenir la croissance européenne. Ce serait la tâche d’un Gouvernement économique de l’eurozone d’assurer une telle coordination coopérative.

 

La révision de Traité devrait aussi prévoir la révision des objectifs assignés à la BCE en adjoignant la croissance et l’emploi à l’objectif de stabilité des prix et devrait permettre l’émission de grands emprunts européens pour le financement de grands travaux. Pour asseoir la compétitivité de l’Europe au-delà des déflations compétitives, cette révision devrait aussi prévoir la définition de politiques industrielles européennes auxquelles les règles de concurrence seraient subordonnées.

 

3 / Une alternative : la monnaie commune

 

A défaut d’un accord pour une telle révision des Traités européens, l’euro dans sa définition actuelle ne serait pas soutenable. L’introduction de monnaies nationales non convertibles parallèles à l’euro, transformé en monnaie commune convertible et réservé aux échanges extérieurs, permettrait de retrouver la flexibilité d’ajustement absolument nécessaire aux Etats européens tout en sauvegardant un acquis communautaire essentiel : l’affirmation d’une monnaie européenne sur la scène mondiale.

 

Les salaires, les dettes domestiques, les prix des biens et services seraient exprimés en monnaie nationale, les marchés financiers et les échanges entre pays seraient exprimés en euro. L’Europe a connu cette situation entre 1999 et 2002. A la différence de cette période, les taux de change entre les monnaies nationales et l’euro seraient ajustables en fonction des déséquilibres de compétitivité et de balance de paiements constatés entre pays européens dans un système analogue au SME mais protégé des mouvements spéculatifs par l’inconvertibilité des monnaies nationales.

 

Cette monnaie commune, soutenue en son temps par les britanniques, offrirait donc une flexibilité interne dont l’intérêt serait, outre une stabilité retrouvée, d’ouvrir la voie à un élargissement de la zone euro à toute l’Union européenne, du Royaume-Uni à la Bulgarie. Les pays en difficulté pourraient ajuster le taux de change de leur monnaie nationale contre l’euro en fonction de la situation économique interne.

 

Dans le cadre d’un remodelage du système monétaire international, un tel euro pourrait même être élargi à des monnaies associées dans le cadre d’accords commerciaux régionaux, aux pays de bassins méditerranéens, voire aux pays du Golfe.

 

* Voir Chevènement et la zone euro : l'Allemagne détient la clé de la solution - 15 avril 2010

** La Grèce sera contrainte de sortir de l’euro, par Paul Krugman (Contre Info, 7 mai)

*** Ce texte était écrit avant la décision des Chefs d’Etat et de gouvernement hier soir.

 

Voir aussi Les travaux de la Fondation Res Publica sur la zone euro 

 

Cet article est le 59ème paru sur ce blog dans la catégorie France et Europe.

 

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