Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.
La méthode des fondateurs était-elle la bonne ?
La recherche en urgence de moyens nouveaux de financement pour contrer l’offensive des marchés financiers contre l’euro (voir L'UE partagée sur la création d'un fonds d'urgence - Le Monde, 9 mai) occupe l’emploi du temps des dirigeants politiques ce jour anniversaire de la construction européenne (voir La fête de l'Europe célébrera les 60 ans de la déclaration de Robert Schuman).
Hier, j’ai proposé un article qui aborde plusieurs façons de traiter le problème de l’euro (voir Crise systémique de l'euro : le système européen est aussi en cause - 8 mai 2010).
Aujourd’hui, voyons comment la naissance de la construction européenne, il y a 60 ans, est commentée et perçue. C’est très divers, selon l’appréciation portée à l’égard de l’Europe. Trois catégories : les supporters inconditionnels, les supporters critiques, les opposants.
- Première catégorie : Ouest-France, Le Monde.
Une déclaration qui ouvre la voie à la construction européenne. Cinq ans après une terrible guerre qui a ravagé l'Europe, la déclaration du ministre français des Affaires étrangères, Robert Schuman, prononcée au Quai d'Orsay, à Paris, propose la création d'une organisation européenne chargée de mettre en commun les productions françaises et allemandes de charbon et d'acier. Le texte est fortement inspiré par Jean Monnet, premier commissaire au Plan de l'après-guerre. Il fait écho à un discours resté célèbre, prononcé en 1946, à Zurich, par Winston Churchill. Le Premier ministre britannique avait énoncé l'idée « d'une sorte d'États-Unis d'Europe » où régnerait paix et prospérité de « l'Atlantique à l'Oural ».
Un appel entendu. Il débouchera sur la signature, le 18 avril 1951, du Traité de Paris qui fonde la CECA, la Communauté européenne du charbon et de l'acier entre six États européens (France, Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Luxembourg, Italie).
Son impact. La force de cette déclaration fut l'écho enthousiaste qu'elle rencontra auprès des dirigeants politiques français et allemands, dans le contexte d'une guerre froide naissante. La réconciliation des frères ennemis autour d'un projet de coopération économique fut, véritablement, le moteur de l'Europe pacifiée de 1950. Cette préfiguration d'une Europe unie est l'oeuvre de ceux qu'on appelle aujourd'hui les « Pères de l'Europe ».
Les « Pères de l'Europe ». Ce sont des dirigeants des six pays engagés dans la CECA. Il s'agit, pour la plupart, de démocrates-chrétiens, d'hommes âgés qui ont connu les deux guerres mondiales et d'hommes de frontières qui ont été en contact avec plusieurs cultures européennes. Offrir à l'Europe la perspective de s'unifier un jour est le rêve audacieux qu'entretiennent ces « pères de l'Europe ».
Les étapes suivantes de la construction européenne. Le 25 mars 1957, les six pays regroupés dans la CECA signent à Rome deux traités : le premier crée la Communauté économique européenne (CEE) ; le second crée la Communauté européenne de l'énergie atomique (CEEA, ou Euratom). Ces deux traités sont entrés en vigueur le 14 janvier 1958.
L'actualité de l'appel de Robert Schuman. L'approche visant, par des « réalisations concrètes », à créer des « solidarités de fait », est toujours restée le fil conducteur de la construction européenne, estime Philippe Étienne, ambassadeur, représentant permanent de la France auprès de l'Union européenne. On le voit, tous les jours, à travers la définition de politiques communes, même si la principale d'entre elles, la politique agricole commune (Pac), est aujourd'hui sérieusement ébranlée. En revanche, la vision humaniste de Robert Schuman, autour d'une économie européenne au service de l'homme, n'est pas encore vraiment entrée dans les faits.
60 ans de l'Europe : "Avec la volonté politique, l'Europe peut faire face aux crises qu'elle traverse" (Le Monde, 9 mai)
- Deuxième catégorie : Jacques Delors, Jean Quatremer.
Grèce : Jacques Delors dénonce l'Union européenne (Marianne2, 22 avril)
Dans une interview à Paris-Match, le père de Martine Aubry se déclare «meurtri» par le fait que le FMI ait dû intervenir pour renflouer la Grèce.
C’est l’histoire d’un papy qui retrouve son fiston et peine à le reconnaître : il avait tenté de lui transmettre la vocation et de le pousser à entrer dans les ordres. Et à quarante ans, le fiston est devenu un maq qui tient les trottoirs dans tout l’Est de la ville qu’il surveille à l’arrière de sa Lexus conduite par un chauffeur.
Papy hurle à la mort : est-ce pour passer à la caisse que je t’ai enseigné les bonnes manières ?
C’est écrit en toutes lettres dans Paris Match de cette semaine : Jacques Delors dénonce avec vigueur l’évolution de l’Union européenne. Il a même été « meurtri » de son comportement à l’égard de la Grèce.
Pour lui, l'Europe ne devait pas accepter de prêt du FMI, car d'une part, elle est en partie responsable des difficultés de la Grèce à cause d'un déficit de coordination des politiques économiques des états et d'autre part elle a largement les moyens de de résoudre la crise, ce qui serait au passage un bon moyen de démontrer la solidité de l'euro.
Le père du traité de Maastricht et de la monnaie unique n'hésite pas à expliquer le mauvais coton filé par ses successeurs : ils auraient trahi l'esprit du rapport du Comité Delors de 1997, lequel Delors dixit, donnait la priorité de l'économique sur le monétaire quand l'Union procède aujourd'hui exactement à l'inverse. « C'est le même pouvoir financier », tonne Jacques Delors, « que les Etats ont pourtant renfloué, qui actuellement spécule contre la Grèce. » Ce genre de sortie n'est pas totalement nouveau chez Delors : en 2000, lors d'un débat avec Jean-Pierre Chevènement consacré à l'Europe, il s'était déjà montré d'une grande sévérité à l'égard de son évolution.
Le pourfendeur de la PAC, qui considérait son poids comme exorbitant dans le budget européen, s'est aussi mué en ardent défenseur de la ruralité et de l'agriculture qu'il juge « indispensable pour l'équilibre de nos territoires. »
Dommage que Jacques Delors ait pris sa retraite. En vieillissant - et en s'éloignant des bureaux de l'Union - il se bonifie comme le bon vin et surtout accède à une vision plus réaliste de l'oeuvre politique de toute sa vie. Jusqu'à déshériter politiquement ses successeurs ? On aimerait bien voir ça.
Les médias désertent Bruxelles (Coulisses de Bruxelles, Jean Quatremer, 13 mars 2010)
- Troisième catégorie : JPierre Chevènement, le M’PEP (Mouvement politique d’éducation populaire)
Jean-Pierre Chevènement publie «La Faute de M.Monnet» (Fayard, 2006)
Jean Monnet écrivait d’Alger, en mai 1943, à Henri Hopkins, conseiller du Président Roosevelt : « Il faut le détruire », en parlant du général de Gaulle. La reconstitution des souverainetés nationales en Europe était la hantise de Jean Monnet. Dès cette époque, il pense l’organisation future de l’Europe contre l’idée de souveraineté. Prescience géniale de la nécessité de constituer l’Europe comme un grand marché régi par une autorité supranationale unique ou complot objectif contre le souveraineté populaire, qui est au principe de la République, au bénéfice d’un capitalisme euratlantique dominé par les Etats-Unis ?
Plus de soixante ans après, le 29 mai 2005, le peuple français a rejeté le projet de « Constitution européenne ». La « méthode Monnet », celle des engrenages et des faits accomplis, peut-être utile pendant un temps, a trouvé ses limites. Dans la « mondialisation », la République entend à nouveau faire entendre sa voix, celle des peuples.
C’est cette voie nouvelle, celle d’une autre Europe, que Jean-Pierre Chevènement propose d’explorer : comment articuler l’idée européenne et la souveraineté populaire, le progrès social et l’exigence démocratique ? Ne serait-il pas temps aussi de penser l’Europe dans sa grande dimension, jusqu’à la Russie, pour construire avec les peuples qui le voudront, l’acteur stratégique dont nous avons besoin au XXIe siècle ? Pour faire marcher ensemble l’Europe et la République, le moment est venu d’inventer, audacieusement.
Cet ouvrage est disponible à la Fondation, au prix de 10 euros (port compris). Vous pouvez le commander dès à présent dans la boutique en ligne de la Fondation.
60e anniversaire de la Déclaration Schuman : la débâcle (M’PEP, 8 mai)
Cet article est le 60ème paru sur ce blog dans la catégorie France et Europe.