Les engagements électoraux interprétés différemment
Avant d’en venir aux différends entre les alliés du second tour des élections régionales de mars 2010, il importe de situer le décor. Dans un article paru le 21 janvier 2010 dans Ouest-France, Gaspard Norrito - avec Marc Lambrecht - mène l’enquête.
Le projet d’aéroport qui fait parler depuis 40 ans, chance de développement ou folie des grandeurs ?
L’idée de créer un nouvel aéroport a presque un demi-siècle. Le choix de Notre-Dame-des-Landes, à 22 km au nord de Nantes, naît dans les années 1970. Le Département achète progressivement un millier d’hectares. Le projet resurgit de loin en loin. Les intentions se précisent en 2000 lorsque Lionel Jospin, Premier Ministre, donne son feu vert. La phase d’enquête publique est ouverte en 2002. Le 9 février 2008, le Conseil d’Etat reconnaît l’utilité publique du projet.
581 millions ou 2 milliards ?
Le nouvel aéroport, livrable dans cinq ans, empiéterait sur quatre communes. Conçu pour accueillir jusqu’à 9 millions de voyageurs, il sera doté de deux pistes parallèles (Nantes Atlantique en a une). L’aéroport et les dessertes devraient engloutir 1650 hectares de terres, surtout agricoles. L’Etat, maître d’ouvrage, estime son coût, hors infrastructures routières et ferrées, à 581 millions d’euros HT, valeur 2006. Ses contradicteurs, s’appuyant sur des extensions similaires, le situent à 2 milliards.
Qui paiera l’aéroport, les routes et le rail ? Combien d’argent public sera finalement mobilisé ? Les compagnies low-cost, seules à progresser, accepteront-elles de payer les taxes aéroportuaires ? Comment se fera la répartition entre fonds publics et privés ? Nul n’est en mesure de répondre à ces questions… décisives.
Qui est pour, qui est contre ?
« C’est un transfert », insistent les défenseurs du projet, signifiant ainsi qu’il est conforme au Grenelle de l’environnement. Ce que contestent les opposants. Jean-Marc Ayrault, député-maire PS de Nantes, est le plus ardent défenseur de Notre-Dame. Il se prononce pour la disparition de l’actuel aéroport et la création, dans les 300 ha libérés, d’une zone d’activités économiques. Le patron de Nantes-Métropole entraîne dans son sillage les maires de gauche de l’agglomération.
Egalement favorables au projet, Jacques Auxiette, président PS de la Région, Patrick Mareschal, président PS de Loire-Atlantique et l’UMP, dont le Premier Ministre sarthois, François Fillon.
Parmi les opposants, le maire de Notre-Dame, Françoise Verchère, conseillère générale Parti de Gauche et ancien maire de Bouguenais, site de l’actuel aéroport, ainsi qu’Europe-Ecologie, le MoDem, Cap21… Et 500 élus de Loire-Atlantique et au-delà.
Les raisons d’un choix ou d’un rejet ?
L’Etat, maître d’ouvrage, est soutenu par les grandes collectivités et la Chambre de commerce. Les promoteurs du projet mettent en avant deux motivations : la saturation à terme de l’aéroport actuel, des contraintes d’espace et le danger de survol de Nantes. Raisons auxquelles s’ajoutent la volonté d’aménagement de l’île de Nantes, située dans l’axe de la piste, et le ras-le-bol des riverains.
Les opposants affirment que la saturation n’est pas pour demain. L’actuel équipement peut accueillir 4 millions de passagers et l’avenir du transport aérien est incertain, du fait de la raréfaction de l’énergie et des orientations en faveur du climat. Ils dénoncent la destruction de terres arables et la facture pour le contribuable, au détriment d’autres dépenses, sociales et d’aménagement, estimées prioritaires. Enfin, ils considèrent que l’aménagement de la piste actuelle et le recours à une technologie de guidage adaptée pourraient éviter le survol partiel de Nantes.
Voir aussi : le Projet d'aéroport du Grand Ouest
Et L'aéroport Notre-Dame-des-Landes (Novethic)
Les discussions entre le PS et Europe Ecologie après le premier tour des élections régionales dans les Pays de la Loire avaient débouché sur un accord de liste commune pour le second tour (voir Régionales 2ème tour en Pays de la Loire : Auxiette favori face à Béchu - 20 mars 2010).
La circulaire Auxiette présentait ainsi la question épineuse du nouvel aéroport :
L’union n‘efface pas les différences d’appréciation sur le projet de nouvel aéroport à Notre-Dame-des-Landes : associés dans la nouvelle majorité régionale, ses partisans comme ses adversaires continueront à défendre, hors et dans l’assemblée, leurs points de vue respectifs.
En cette matière comme pour le reste, l’Etat doit assumer ses responsabilités et ne pas chercher auprès des collectivités locales, dont il organise par ailleurs l’asphyxie budgétaire, des compléments de financements.
Nous partageons le souhait que les collectivités locales ne soient pas sollicitées sur le financement de la plateforme. Si elles l’étaient, « Europe Ecologie » maintiendrait son opposition résolue à toute forme de financement, « La Gauche en action » répondrait à cette sollicitation éventuelle suivant l’unique modalité d’avance remboursable à l’exclusion de toute subvention d’investissement ou participation au déficit d’exploitation de la plateforme.
Par ailleurs, en conséquence de ses choix prioritaires, la Région ne financera pas au cours de ce mandat de nouveaux programmes routiers, concentrant ainsi ses moyens sur le ferroviaire.
Dans son blog, Ouvrir le champ des Possibles (voir le Blog Christophe Clergeau), le premier vice-président de la Région des Pays de la Loire, qui était le directeur de campagne de Jacques Auxiette, faisait le point, le 17 juillet, de l’avancée du projet de nouvel aéroport.
L’aéroport de Notre-Dame-des-Landes en vue : Une nouvelle étape a été franchie vers la création de l'aéroport de Nantes et de l'Ouest à Notre-Dame-des-Landes. Après la déclaration d'utilité publique prise il y a déjà de nombreux mois, un accord sur le financement de la plateforme aéroportuaire et de ses accès a été conclu jeudi 15 juillet entre l'Etat et les collectivités locales … Pour lire la note entièrement, veuillez cliquer ici.
Dans Ouest-France daté du 24-25 juillet, Marc Le Duc fait état des réactions des élus d’Europe Ecologie au Conseil régional : Tension PS-Europe écologie à la Région - Le financement du futur aéroport de Notre-Dame-des-Landes suscite de vives tensions entre le PS et Europe écologie.
« Par tous les moyens », avertissent les élus d’Europe écologie, ils refuseront une « trahison » de l’accord signé avec le PS au lendemain du premier tour des élections régionales. La Région vient de s’engager, avec l’Etat, à financer le nouvel aéroport de Notre-Dame-des-Landes et sa desserte routière. Les écologistes ressortent l’accord électoral, tel qu’il fut alors exposé sur les estrades. « L’accord c’était : pas un euro pour la desserte routière ! » rappelle leur chef de file Jean-Philippe Magnen. « La Région ne financera pas […] de nouveaux programmes routiers », dit aussi le texte. Et pour Europe écologie, les dessertes routières de l’aéroport sont bien un nouveau programme routier.
Le socialiste Christophe Clergeau, premier vice-président, ne l’entend pas ainsi. « La décision de principe de financement des dessertes routières avait été prise bien avant les élections, et n’est donc pas concernée par l’engagement de ne pas enclencher de nouveaux programmes routiers. Les négociateurs écologistes en étaient parfaitement informés. Il n’y a donc là aucun manquement à l’accord », réplique Christophe Clergeau, dont les propos laissent « pantois » les élus écologistes. « Aucun document ne l’atteste, aucune délibération n’a été prise engageant le conseil régional à financer les dessertes routières », proteste Europe écologie.
Le risque d’une crise politique au sein de la majorité régionale ? Trois rendez-vous majeurs vont marquer les mois qui viennent : les cantonales de mars, les sénatoriales de septembre 2011, la présidentielle 2012. Personne n’a intérêt à engager un bras de fer.
Dans les coulisses des grandes collectivités, on parle aussi d’un possible « pot commun ». Les contributions respectives des régions Pays de la Loire et Bretagne, de la Loire-Atlantique et de Nantes Métropole (115,5 millions d’euros au total) pourraient être mises ensemble. Ce qui éviterait d’identifier tel ou tel contributeur lorsque serait financée la desserte routière…
Cet article est le 26ème paru sur ce blog dans la catégorie Régions info ouest.