Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.
Aller à l’idéal et comprendre le réel, socle de la politique
Celle et ceux qui étaient présents au Centre de Rencontres de Saint-Berthevin le 2 février n’avaient pas eu peur d’affronter le froid et le vent de ce soir d’hiver (voir Rencontre CiViQ : Jean Jaurès (JP Fourré) à St-Berthevin le 2 février - 26 janvier 2012).
Ils en ont été récompensés par la remarquable prestation de Jean-Pierre Fourré, qui a su faire connaître et aimer Jaurès. Jean-Pierre Fourré avait été ingénieur dans une PME avant de devenir député de Seine-et-Marne (trois mandats, de 1981 à 1993).
Après la vie politique, le théâtre amateur avec la compagnie « Mots en scène » - voir Mots en Scène - Compagnie théâtrale (77 Noisiel) et l’interprétation du rôle de Jaurès dans « La dernière journée de Jean Jaurès », dont des représentations au Café du Croissant (Paris 2ème) et à Carmaux (Tarn).
Lors de la précédente élection présidentielle, Sarkozy avait cité abondamment Jaurès, considérant que celui-ci avait été abandonné par les socialistes. Raison suffisante pour relire Jaurès et retrouver dans ses textes ce qui a rapport avec l’actualité. D’où l’idée du livre, programme électoral pour un futur président et JP Fourré dans la peau d’un directeur de campagne.
Avec 30 thèmes d’actualité, en tenant compte de la chronologie. Jaurès évolue, selon ses rencontres. Il a commencé sa vie politique parmi les républicains « opportunistes », à la droite des radicaux. C’est en entendant Jamel Debbouze dire à la télévision « Je voterai Jaurès » que l’idée du titre est venue.
Jean Jaurèsémaillait ses discours de petites phrases qui introduisaient une perspective, une ligne directrice. Les vrais candidats ont reçu le livre. Certains ont répondu en indiquant ce que Jaurès représentait pour eux, aujourd’hui. Voir le site JAURES candidat - élection présidentielle 2012
Réponses de Nicolas Dupont-Aignan (qui fait le lien avec de Gaulle), Dominique de Villepin (la hauteur de vue de Jaurès), Jean-Pierre Chevènement (qui voit un Jaurès modeste), François Hollande (deux pages de commentaire), Jean-Luc Mélenchon (qui a pris Jaurès à son compte depuis longtemps).
JP Fourré a créé les éditions Matignon (du nom de sa ville natale, en Côtes-d’Armor, qui a donné son nom à l’Hôtel Matignon, résidence du Premier Ministre). « De Matignon à l’Elysée » : raccourci amusant.
La vie de Jaurès
Il est né à Castres (Tarn) le 3 septembre 1859 et est mort à Paris le 31 juillet 1914, assassiné par Raoul Villain. Très brillant à l’école, il est détecté par ceux qui recherchaient les meilleurs élèves de la République dans les écoles des villages. A 14 ou 15 ans, il a eu une prise de parole remarquée face au préfet du Tarn. Après les classes préparatoires, il est reçu 1er au concours d’entrée à l’Ecole Normale.
A 26 ans, il est élu député sur une liste républicaine. C’est un monde inconnu qu’il découvre à l’Assemblée nationale, où il n’est pas à l’aise. Il intervient peu. Non réélu en 1889, il devient professeur à l’université de Toulouse et commence, en parallèle, une carrière d’éditorialiste.
Maire-adjoint de Toulouse, il vit dans cette région où il connaît bien les milieux paysan et ouvrier, tout particulièrement les mineurs et verriers.
En 1893, sa vie politique change avec le combat des mineurs de Carmaux, qui font grève pour s’opposer au licenciement de leur leader, Jean-Baptiste Calvignac. Celui-ci avait été élu maire de Carmaux en 1892 et s’était absenté de son travail en raison de ses obligations municipales (voir Jean Jaurès). Le licencier était remettre en cause le suffrage universel et les droits réels de la classe ouvrière à s’exprimer en politique.
La grève et Jaurès feront pencher l’arbitrage du gouvernement en faveur du maire salarié, contre le patron de la compagnie des mines, le baron Reille, leader de la droite dans le département. Son gendre était le député de la circonscription, le marquis Ludovic de Solages, qui démissionne pour protester contre la décision du gouvernement.
Choisi par les ouvriers pour être leur candidat à l’élection partielle, Jaurès est élu en tant que socialiste indépendant et siège parmi les socialistes à l’Assemblée. Il sera l’homme de l’unité des socialistes. Il est sur une ligne non marxiste, contrairement à Jules Guesde. Mais il sera sensible aux idées de Marx. Sa pensée est très originale. Elle a du sens, y compris dans la société d’aujourd’hui.
Dans sa vie personnelle, Jaurès est marié à une femme très catholique. Leur fille, Madeleine, fait sa communion solennelle, ce qui lui vaut d’être attaqué par les anticléricaux et caricaturé en « traître ». En l’occurrence, il ne fait que respecter la décision de sa femme. Il résiste. En tant que philosophe, il fait très souvent référence à Dieu. Par exemple, sur la question de la peine de mort, il s’y oppose car « elle est contraire à la fois à l’esprit du christianisme et à l’esprit de la Révolution »… Son refus du dogme et de la religion, en tant qu’organisation, le conduit à être très ferme sur la laïcité.
En 1903, il devient vice-président de la Chambre des députés. De tempérament « bon vivant », costaud, il ne prend pas soin de son apparence, ce qui lui vaut d’être raillé par les journaux.
Le fait de présider l’Assemblée nationale (l’auteur en parle en connaisseur, il a été lui-même dans cette situation en 1985) lui fait prendre une nouvelle dimension - position gestuelle d’acteur qu’il cultive. Quand Jaurès parle, il se projette vers les gens, utilisant tous les moyens pour aller les chercher et convaincre son auditoire. C’est un tribun, qui parle occitan, la langue régionale. Il milite pour l’occitan en 2ème langue, laisser parler l’enfant car il faut faire évoluer son esprit et sa sensibilité. Mais, en tant que jacobin, attaché à la notion de nation, il veut que tous apprennent la langue nationale.
Il est constamment à la recherche du compromis afin de convaincre, ne supportant pas la violence. En 1899, il soutient Millerand (homme du cléricalisme et du militarisme), qui préside un gouvernement d’union, alors qu’il est contre le cléricalisme et le militarisme. La grande affaire, c’est l’affaire Dreyfus, qui était un militaire, grand bourgeois. Les socialistes ne le soutiennent pas, se référant à la lutte des classes (laissons-les régler leurs affaires entre eux). Jaurès prend la tête des dreyfusards, avec Charles Péguy (lequel n’hésite pas à faire le coup de poing contre les antidreyfusards).
En 1904, il crée le journal l’Humanité et rédige un éditorial chaque jour de la semaine. Il défend l’indépendance du journal, face aux grands groupes de presse. Il est partisan des coopératives ouvrières, avec des salariés actionnaires.
La prévention de la guerre a occupé les dernières années de sa vie. Il est ardemment pour la paix, mais sans faire preuve d’angélisme. Il a écrit un gros livre « L’armée nouvelle », dans lequel il présente, avec un grand souci du détail, l’organisation de la France. Sa conception de l’armée est l’armée de citoyens (Valmy). Il refuse le militarisme mais n’est pas antimilitariste. Les socialistes défendent la République, la France.
En 1913, il se bat contre la conscription de trois ans. A Pré-Saint-Gervais (célèbre photo), il fait un discours sur une butte devant 150 000 personnes (il avait des répétiteurs dans la foule). Il avait une trame dans la tête. Il préparait ses discours en marchant (pour cette raison, on le disait rêveur, il apparaissait chaleureux mais distant). D’abord philosophe, humaniste, il s’est forgé une pensée politique en apprenant de la vie, au quotidien. Il excellait dans les débats parlementaires sur des thèmes concrets (la situation des mineurs, le prix du vin).
Rien ne peut éviter la guerre. Le déclencheur est l’assassinat de François Ferdinand, l’héritier du trône autrichien. C’est l’union sacrée nationaliste. Les mentalités évoluent, la presse de droite et d’extrême droite est insultante et revancharde. Des gens comme Daudet, Maurras, écrivaient « Il faut fusiller Jaurès ». Péguy, lui-même, est pour la guerre. Raoul Villain, étudiant nationaliste mais non embrigadé, tire sur Jaurès, qui est attablé, fenêtre ouverte, au Café du Croissant, le 31 juillet 1914. « Ils ont tué Jaurès ! » (Jacques Brel).
L’assassin ne sera pas jugé tout de suite, en raison de la guerre. En 1919, il sera acquitté dans un contexte de fort nationalisme. Son épouse, partie civile, sera même condamnée aux dépens ! L’assassin sera fusillé en 1936 en Espagne par des anarchistes (sans savoir qui il était).
Enterré à Albi en 1914, Jaurès, qui ne le voulait pas (confidence faite à Aristide Briand), ira au Panthéon en 1934, porté par les mineurs.
Livre recommandé sur la vie de Jaurès : « Le grand Jaurès », de Max Gallo.
Dans une seconde partie de la soirée, Jean-Pierre Fourré parcourt son livre « Moi, Jaurès, candidat en 2012 » - mai 2011, Editions de Matignon (www.editionsdematignon.com) et commente les citations les plus remarquables.
Cet article est le 32ème paru sur ce blog dans la catégorie CIVIQ Rencontres CIVIQ