Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.
Ne pas jouer le droit individuel contre le droit collectif
Comme l’an passé, j’ai reçu les vœux de mon ami Jean Rivon, accompagnés d’un texte de réflexion sur nos relations avec la société. Ces pensées pour 2011 sont, comme en 2010, « un encouragement au réalisme et au dynamisme » qui caractérise ce blog, selon Jean qui le lit attentivement, notamment les questions liées à l’agriculture et l’environnement.
Il faut dire que nous nous connaissons depuis notre entrée à l’Ecole Nationale Supérieure Agronomique de Rennes, en 1967 (aujourd’hui AGROCAMPUS OUEST). Nous étions quelques-uns (Jean, Madeleine, François et moi) qui, pendant les évènements de mai et juin 1968, voulaient que cela change concrètement l’enseignement magistral qui nous était dispensé.
Spécialiste du droit et des comptes dans sa carrière professionnelle (auprès des coopératives agricoles), il constate que la place croissante de l’individu dans notre société se fait au détriment de l’organisation collective, alors que les deux doivent aller de pair. Voici son texte.
Vœux 2011
Dans mes voeux pour 2010 (voir Jean Rivon a écrit pour 2010 des voeux originaux qui méritent réflexion - 24 janvier 2010), j’évoquais le début de réalisation d’une utopie que beaucoup ne voient pas encore, affolés par les bouleversements économiques actuels de nos sociétés. Qu’en est-il début 2011 ? Cette réalisation me semble aller bon train malgré le matraquage de nos marchands d’émotions qui nous bombardent de titres effrayants. Pour 1,5 € je reçois de mon quotidien préféré ma ration d’« alertes à Malibu » qui devraient me faire me précipiter toutes affaires cessantes avec ma petite bouée vers les drames qui se nouent.
Dernier en date : les français sont le peuple le plus pessimiste de la Terre ! Vite ! Que puis-je faire pour mon peuple ? Derrière le titre-sirène, l’article : une enquête mondiale révèle que 70% des français sont inquiets pour leur emploi alors que 20% seulement des vietnamiens le sont.
Catastrophe ? Voyons un peu !
- chaque matin 70% des français vont au travail en se disant qu’il faut se démener pour être plus efficaces et sauver leur emploi alors que 80% des vietnamiens se mettent au boulot en sifflotant naïvement, est-ce une si mauvaise nouvelle ?
- si nous sommes si nombreux à être conscients qu’il faut se bouger pour préparer l’avenir alors que nos concurrents pensent que tout va bien, nous devrions bien vite être capables de réduire l’écart de nos coûts, pour peu que nos managers nous montrent la voie et nous donnent les moyens, en veillant à préserver notre équilibre mental que les marchands d’émotions ont bousculé.
Suis-je trop optimiste en réagissant ainsi ? L’optimisme et le pessimisme n’ont plus rien à faire dans nos comportements. Nous savons qu’ils ne sont que des leurres que nous fabriquons pour échapper à l’effort de compréhension de notre monde ; c’est le contraire de la contemplation. Les spéculateurs nous ont beaucoup amusés, puis gravement abusés, encore récemment en maniant ces leurres maquillés de scientisme, de même que le faisaient les charlatans d’autrefois avec des moyens plus rudimentaires. Ils savent bien que leurs prédictions seront vérifiées un jour ou l’autre, il suffit d’attendre que le balancier des équilibres naturels revienne dans leur sens, peu importe quand.
Les véritables investisseurs au contraire ne font pas de prédictions ; ils travaillent constamment pour réduire les risques de notre existence : catastrophes naturelles, crises économiques, faillites d’entreprises, maladies et handicaps…
Ils élaborent patiemment les précautions qui éviteront :
- de nous trouver sans préparation face aux intempéries,
- de laisser la panique s’emparer des acteurs économiques,
- de produire des biens dont les consommateurs ne veulent plus,
- de rester démunis face aux déséquilibres de notre organisme…
L’incertitude, les risques, la volatilité, qui nous font si peur, ont toujours existé mais nous avions essayé de les ignorer, les cacher, les masquer derrière des croyances, des dieux, la Nature, le pur libéralisme, qui ne nous aidaient en rien à les réduire.
Nous pouvons nous réjouir de ce que nous, et nos responsables, les voyons de plus en plus en face tels qu’ils sont, que nous allons donc nous y attaquer de plus en plus efficacement et donc bénéficier de conditions de vie moins risquées, moins aléatoires et moins volatiles. Bien sûr tout ne va pas aussi vite que certains le voudraient… sans faire grand chose pour que cela avance.
Cessons de faire comme si nos sociétés devenues si compliquées et d’une complexité démultipliée par la mondialisation, il n’y avait plus rien à y comprendre et que chacun n’avait qu’à se débrouiller pour survivre, s’enrichir et s’éclater sans vergogne, sans s’embarrasser de considérations de justice sociale, de redistributions qui ne feraient qu’embrouiller l’évolution inéluctable du monde.
En fait de très nombreux auteurs, de plus en plus facilement accessibles (Internet), ont, sur tous ces sujets, dégagé des notions claires, peu contestables même si elles sont perfectibles. Il est vrai que ces notions sont spécialisées sur une petite parcelle de notre univers du fait du travail approfondi qu’elles exigent pour être fiables. Mais il existe aussi des auteurs qui rassemblent ces notions et avec la même rigueur les articulent entre elles pour faire un état des lieux assez clair pour que chacun puisse trier entre ce qui est suffisamment abouti pour agir et ce qui doit être laissé pour l’instant à l’approfondissement des experts.
Sur ces bases solides, chacun peut se donner une ligne de conduite de ses pratiques personnelles permettant à notre société et aux autres sociétés, toutes liées maintenant, d’exprimer leurs potentialités et d’améliorer les conditions d’existence de tous.
Le fil conducteur est d’agir en ayant conscience que nos besoins individuels ne peuvent être satisfaits que dans une organisation collective ; trop nombreux sont ceux qui, bénéficiant indirectement des structures collectives patiemment accumulées par nos états-nations, ont le sentiment qu’ils n’ont pas besoin de ces structures et que leur financement est trop lourd (pour exemple la tentation du déni qui fait rage actuellement chez les conservateurs américains).
Le moins de pouvoir social possible pour le plus de liberté personnelle possible est une illusion qui conduit à plus de pouvoir pour chacun mais, pour finir, à aucun pouvoir de tous.
Sachant que nous portons tous des lunettes subjectives, nous pouvons ajuster notre regard en prenant en compte nos tendances et tentations. Cet effort d’élucidation n’a rien de désagréable car il nous allège et fait tomber des monceaux de fureurs, d’indignations et d’incompréhensions bien inutiles et bien fatigantes. Depuis que les droits de l’homme sont devenus les fondements incontournables de la plupart des sociétés, cet effort d’élucidation n’a plus grand-chose d’héroïque et ne nous expose plus au rejet de notre famille, de nos amis ou collègues.
Nous pouvons donc contribuer à rendre cette élucidation plus complète, plus claire et aider à concrétiser les structures qui en résultent. Et si le champ à labourer est infini, cela ne justifie pas de ne pas y travailler ; parmi les urgences, repérer et dénoncer les extorsions économiques qui se pratiquent au nom du droit, de la procédure ou de la norme (voir les détournements des petits dictateurs de la planète ou les accaparements de grands banquiers).
Jouer le droit de l’individu contre le droit du collectif ne peut conduire qu’à la destruction du droit qui n’aurait alors plus aucun fondement. Cette tentation a pollué nos lois et un gros travail d’évaluation puis d’épuration nous attend.
Des difficultés, certes, nous attendent et 2010 nous a beaucoup appris. Deux exemples :
· Aux USA, le verbe d’OBAMA ne s’est pas fait chair dans tous ses propos, et c’est tant mieux car le chiendent du nouveau messie qui rôde dans nos neurones pour nous faire croire qu’un homme providentiel peut tout résoudre sans que nous n’ayons rien à faire, est toujours prêt à repousser. Ce qui aurait relégué dans les oubliettes les efforts patients de ceux qui s’attachent à comprendre et à résoudre les monstrueux déséquilibres de ce grand pays.
· En Europe, nous avons déjà réussi une coexistence pacifique après s’être tant fait la guerre, grâce à la reconnaissance de nos similitudes et de notre communauté d’idéaux. Inutile donc de chercher dans nos différences historiques ce qui s’opposerait à une vie commune future. Nous cherchons la même chose par des moyens historiquement différents, donc nous pouvons harmoniser nos efforts vers l’atteinte des mêmes buts. Les hésitations actuelles, parfois bien longues, de nos responsables européens ne sont que le temps nécessaire à cette harmonisation et brûler les étapes ne nous rapprocherait pas du but. Reconnaissons que l’Europe essaie pour la première fois dans l’histoire de répondre à la question : « Comment des communautés qui se gouvernent elles-mêmes se gouvernent-elles ensemble ?».Ce que le reste du Monde observe avec grand intérêt.
En espérant avoir contribué à conforter votre réalisme et votre dynamisme habituels pour faire de 2011 une bonne année.
Cet article est le 12ème paru sur ce blog dans la catégorie Personnalités.