Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.
La France et l’Europe dans les tenailles de la Chine et des USA
Les actes du colloque du 18 janvier 2010 sont disponibles en ligne sur le site de la Fondation Res Publica. Actes du colloque de la Fondation Res Publica : La France et l'Europe dans les tenailles du G2 ?
Conclusion de Jean-Pierre Chevènement (extraits)
(…) Malgré tout ce que vous venez de nous dire, M. Brunet, en 2009, les Chinois ont accru leurs réserves de 300 à 400 milliards de dollars, principalement en actifs américains. J’aurais tendance à penser, comme M. Mistral, qu’ils n’ont pas acheté de bons du Trésor français ou allemands. Ils ont acheté 400 tonnes d’or, ce qui n’est pas énorme. Ils ont judicieusement acheté des matières premières (qu’on ne peut pas stocker au-delà d’un certain point) car, après un certain tassement, le prix des matières premières s’envole à nouveau.
Je pense que le G2 existe toujours, malgré les coups de semonce tout à fait réels que vous avez recensés, notamment la suspicion jetée par le vice-président de la Banque centrale de Chine sur le dollar comme monnaie de réserve pour l’avenir. Il a évoqué un panier de monnaies, une sorte de DTS, mais, pour le moment, c’est toujours le dollar ! Comme l’observait M. Mistral, le dollar remonte même un peu par rapport à l’euro, bien que j’aie tendance à considérer que, même à 1.45, l’euro reste surévalué. Nous en venons au sujet, « l’euro dans les « pinces » du G2 », car nous sommes « coincés » entre des pays dont les coûts salariaux sont extrêmement faibles. Vous évoquiez un rapport de 1 à 80 mais ne serait-il que de 1 à 20, nous aurions du mal à le soutenir !
Coexister avec la Chine, oui, mais dans des conditions acceptables !
Le rythme des délocalisations qui frappent nos pays, et particulièrement la France, est-il acceptable ? En 1982, 6 millions de personnes étaient employées dans l’industrie, il y en a 3,5 millions aujourd’hui. Il ne s’agit pas seulement de la Chine, le problème des pays à bas coût salarial est beaucoup plus général.
S’y ajoute la concurrence du dollar, face à laquelle nous sommes complètement désarmés par les statuts de la Banque centrale européenne et sa vision monomaniaque de la lutte prioritaire contre l’inflation indépendamment de toute considération relative à la politique de change.
Donc, nous sommes « coincés » par les pinces du G2 car il y a des facteurs de solidarité objective entre les États-Unis et la Chine. Il y a le marché que représentent les États-Unis pour la Chine. Il y a les produits à bas coût pour Walmart et toutes les multinationales.
Je voudrais introduire un facteur qui n’a été évoqué que par M. Brunet à propos de Walmart : Nos multinationales, qui ne disent rien des conditions dans lesquelles elles doivent travailler en Chine, soumises à des contrôles et à des exigences souvent léonins (transferts de technologies, domiciliation de la production en Chine), jouent objectivement le jeu de la désindustrialisation des États-Unis et de l’Europe. Elles ont des intérêts propres qui ne sont pas les intérêts de nos nations. Elles se sont affranchies dans une très large mesure de leur nationalité d’origine.
La Fondation avait organisé un colloque : « Entreprises et territoires » (7) où nous avions conclu, peut-être un peu rapidement, que les entreprises gardaient une nationalité. Ce n’est vrai que jusqu’à un certain point et ce point se déplace. On peut se demander si le loup n’est pas dans la bergerie. Il faut sans doute mettre en accusation la Chine sur le taux de change qu’elle nous impose, mais ne devrions-nous pas nous tourner vers nos propres multinationales, leur demander comment elles programment leur développement alors qu’elles réalisent déjà la plus grande partie de leur chiffre d’affaires (et surtout de leurs profits) dans des pays à bas coût comme, notamment, la Chine ? Il faut savoir que ces entreprises rapatrient encore 70% de la valeur ajoutée, c’est-à-dire que les pays à bas coût se contentent de 30% de la valeur ajoutée et, par le biais des brevets, des marges commerciales, les firmes multinationales confisquent la valeur. Cette vue doit exister, sinon on ne sait pas exactement dans quel monde on vit.
J’en reviens au problème que nous pose la Chine. Les entreprises européennes et occidentales installées en Chine doivent accepter des transferts de technologies de plus en plus importants. La Chine s’appropriera toutes les technologies occidentales dans un délai maximum d’une ou deux décennies. Elle va aussi s’approprier les technologies japonaises, coréennes, parce que ces pays sont désormais intégrés dans son orbite. Nos propres entreprises multinationales sont obligées de réaliser des transferts de technologies, de construire des usines (EADS fait construire un moyen-courrier en Chine). Les Chinois donnent une priorité à la formation et à la recherche. Il n’y a aucune raison pour qu’ils n’arrivent pas à maîtriser toutes les technologies dont nous avons la disposition.
Comment cette montée en concurrence peut-elle se poursuivre ?
Le recours à la planche à billets ne suffira pas à résoudre les problèmes des États-Unis. Les Chinois vont continuer à réaliser des excédents commerciaux, le dollar va continuer à s’affaiblir. Il y a là, à plus long terme, une contradiction systémique. C’est pourquoi si, à court terme, j’ai tendance à croire à l’existence du G2, je ne me prononcerai pas sur le long terme.
Peut-être avez-vous raison, M. Brunet, ce système n’est pas vraiment soutenable. La concurrence se manifeste déjà sur le marché des matières premières ; les Chinois ont pris des positions très importantes en Asie centrale, notamment au Kazakhstan, au Turkménistan, en Ouzbékistan, en Afrique, en Amérique latine mais ils ont échoué à prendre le contrôle de certains grands groupes occidentaux, comme, par exemple, Rio Tinto qui a préféré s’allier avec BHP Billiton (8). Il n’empêche que les Chinois ont d’ores et déjà de très grandes multinationales.
Sur les 500 premières entreprises multinationales, à l’échelle mondiale, 37 sont chinoises, une quarantaine sont françaises ou allemandes. C’est encore raisonnable mais étant donné l’immense base que constitue le marché chinois (et son développement, avec un taux de croissance de 8% à 9% par an), il est évident que ces entreprises vont grandir. On peut se demander comment tout cela va se résoudre (…).
Cet article est le 105ème paru sur ce blog dans la catégorie CHEVENEMENT.