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Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.

La France et l'Europe tombent dans le piège de la dette : l'austérité

Refonder le système fiscal pour le rendre juste

 

La France, comme l’Allemagne et les autres pays européens, met en œuvre les recommandations de la Commission de Bruxelles (Le Monde, 13 mai : Europe, la course à la rigueur). Le président Sarkozy s’aligne sur la Chancelière afin de maintenir la fiction de l’unité franco-allemande (Marianne2, 18 juin : Comment Sarkozy est redevenu le petit Nicolas face à Angela).

 

Ce qui est cocasse et lourdement symbolique, c’est la façon de s’adresser aux financiers par le canal du quotidien économique britannique, le Financial Times, ce 21 juin (Le Monde : Guéant annonce la rigueur à la presse anglo-saxonne).

Le président de la République, tétanisé par les agences de notation, n’explique pas sa politique de rigueur aux citoyens en France. Il se sert de l’organe de la finance mondialisée pour présenter les mesures d’austérité qui seront prises, en espérant convaincre les marchés financiers.

 

Pourtant, il pourrait tenir compte de l’avis d’un expert (Le Monde, 22 mai) :

Joseph Stiglitz : "L'austérité mène au désastre").

Joseph Stiglitz, 67 ans, Prix Nobel d'économie en 2001, ex-conseiller économique du président Bill Clinton (1995-1997) et ex-chef économiste de la Banque mondiale (1997-2000), est connu pour ses positions critiques sur les grandes institutions financières internationales, la pensée unique sur la mondialisation et le monétarisme. Il livre au Monde son analyse de la crise de l'euro.

 

Il est vrai que tous les économistes américains ne partagent pas cet avis (Le Monde, 7 juin) :

Nouriel Roubini : "Nous sommes dans une zone dangereuse"

Nouriel Roubini, professeur à l'université de New York, est l'un des rares économistes à avoir vu venir la tempête financière de 2008. Invité de la conférence de Zermatt (Suisse) sur le thème "Humaniser la mondialisation", il livre son analyse sur la crise actuelle de l'euro (…).

 

Certains économistes français sont de l’avis de Stiglitz.

 

Mathieu Plane : « l'Europe fait de la surenchère dans l'austérité » (Les Echos, 20 mai).

L'Europe ne parvient pas à agir sur la croissance, et mise sur la réduction des dépenses, estime l'économiste de l'OFCE. L'inscription dans la constitution de la réduction des déficits publics n'est pas en soi gage de bonne gestion, prévient-il (…).

Comment sortir du piège de la dette ? (Bertrand Groslambert, doyen de la recherche à la Skema Business School, Le monde, 21 juin)

Vouloir y répondre par la rigueur est un contresens économique dramatique. Les seules options restantes sont l'augmentation ciblée des recettes fiscales et la croissance nominale du PIB.

Partout dans les médias c'est le même discours : les Etats doivent impérativement se serrer la ceinture. A les écouter, il n'y a pas d'autres alternatives : il faut à tout prix rembourser les dettes, sans quoi, les marchés sans pitié se chargeront de nous ruiner. C'est une erreur majeure (…).

Les travaux de Muriel Pucci et Bruno Tinel* (voir Réductions d’impôts et dette publique : un lien à ne pas occulter, CES, mai 2010 - voir aussi budget et fiscalité) méritent notre attention. Leur point de vue est présenté sur le site du quotidien Le Monde, ce 21 juin.

 

Pourquoi et comment faut-il réduire la dette publique ?

 

Seule une augmentation des recettes fiscales peut permettre de réduire le poids de la dette, tout en maintenant un service public de qualité et en soutenant l'économie par les dépenses publiques.

 

Que l'on parle de rigueur ou d'assainissement des finances publiques, la contraction des dépenses publiques est partout brandie comme le remède à la dette. Ainsi, alors que l'Allemagne annonce un plan de rigueur exceptionnel, en France le premier ministre vient d'annoncer une forte réduction des dépenses et envisage l'inscription du déficit "zéro" dans la constitution.

 

L'argument repose sur une assimilation entre les comptes publics et le budget des ménages : lorsqu'on est trop endetté, il faut réduire son train de vie au risque de léguer une dette à ses enfants. Or, en 2008, les administrations publiques françaises sont endettées à hauteur de 1 685 milliards d'euros tandis que leur patrimoine financier s'élève à 822 milliards et leur patrimoine non financier à 1 450 milliards (dont 624 milliards de terrains, logements et équipements). Ce n'est donc pas une dette qu'elles lèguent aux générations futures mais un patrimoine net de 587 milliards, qui s'ajoute à la richesse humaine accumulée en particulier en éducation et en santé.

 

Le pacte de stabilité et de croissance postule que l'endettement est excessif quand la part de la dette dans le revenu national (PIB) dépasse le seuil arbitraire de 60 %. Or cette part, qui était d'à peine 21 % en 1980 et de 35,2 % en 1990, a atteint 55,5 % en 1995, 67,5% en 2008, et 78 % en 2009. De notre point de vue, s'il est crucial de réduire l'endettement public, c'est en raison de ses effets redistributifs des pauvres vers les riches. En effet, une part des impôts prélevés sur l'ensemble des contribuables servent en partie à payer la charge de la dette (39 milliards d'euros en 2009), alors qu'ils auraient pu être affectés à d'autres usages tels que la santé ou l'éducation, tandis que ces intérêts sont versés en partie aux contribuables rentiers qui détiennent 35 % de la dette publique. Les finances publiques servent donc d'intermédiaire à un transfert de revenu vers les ménages les plus aisés.

 

Pour trouver des remèdes à l'endettement excessif des administrations publiques, il faut chercher les causes profondes de l'augmentation continue du poids de la dette, avant même les effets récents de la crise. Certains avancent que c'est l'explosion des dépenses publiques qui est en cause, mais les chiffres démentent ce diagnostic : la part des dépenses publiques dans le PIB est relativement stable depuis 25 ans, passant de 52 % en 1985, à 54 % en 1995, et 53 % en 2008. En fait, la hausse de la part de la dette publique dans le PIB s'explique d'abord par le manque de croissance économique et les crises économiques de 1993 et 2008.

 

Ensuite, les taux d'intérêts très élevés que nous avons connus jusqu'au début des années 2000 ont gonflé le coût de la dette et provoqué un effet boule de neige, les administrations publiques devant s'endetter pour rembourser les intérêts de la dette.

 

Enfin, les réformes fiscales ont contribué à accroître le poids de la dette. La part des recettes de l'Etat dans le PIB n'a cessé de diminuer, passant de plus de 22 % en 1981 à 17 % en 2008. En parallèle, la structure des prélèvements a changé. Les nombreuses niches fiscales, les changements de barèmes de l'impôt sur le revenu et les défiscalisations de revenus du capital ont principalement bénéficié aux ménages aisés, tandis que la montée en charge de la CSG était supportée par l'ensemble des ménages. Ces évolutions de la fiscalité, en partie responsables de l'accroissement des déficits, n'ont pas eu les effets attendus sur l'emploi et la croissance. Les avantages fiscaux accordés aux ménages aisés leur ont permis d'épargner davantage, stimulant finalement assez peu la demande intérieure.

 

On peut donc s'inquiéter de l'opportunité des mesures de contraction des dépenses publiques annoncées. La crise n'est en effet pas terminée et cela risque d'affaiblir davantage la croissance. Il serait plus raisonnable de refonder le système fiscal de manière à ce que les ménages aisés, qui ont vu leurs revenus augmenter à la fois par les baisses d'impôt et par les intérêts de la dette, contribuent à nouveau au financement des administrations publiques par l'impôt plutôt que par leur épargne. Seule une augmentation des recettes fiscales peut en effet permettre de réduire le poids de la dette tout en maintenant un service public de qualité et en soutenant l'économie par les dépenses publiques.

 

* Muriel Pucci et Bruno Tinel, maîtres de conférences en économie à l'université Paris-I - Panthéon-Sorbonne

 

Cet article est le 64ème paru sur ce blog dans la catégorie France et Europe.

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