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Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.

Les jeunes au Maghreb : l'avenir, c'est la démocratie, pas l'islamisme

Sami Naïr voit l’émergence d’un nouveau cycle politique

 

La Tunisie prend le chemin de la démocratie avec un bel élan. Ce sont les jeunes qui ont lancé le mouvement. Voir Tunisie libérée : la révolution de jasmin a débuté dans le monde rural - 18 janvier 2011. Extrait.

« Les jeunes nous ont vraiment surpris et ô combien agréablement. Nous leur devons une fière chandelle. C’est vraiment la jeunesse qui a tout fait, soutenue et encadrée par deux organisations seulement : les avocats, qui se sont faits avoir au moment de l’affaire de Gafsa (2), en 2008, et l’Union Générale des Travailleurs Tunisiens (UGTT). Personne n’y croyait ! Personne ne s’attendait à une telle rapidité.

Les manifestants ont obtenu un gouvernement vraiment renouvelé, à part le premier ministre qui assure la transition entre l’ancien régime et la démocratie. Voir Tunisie : un universitaire et des chefs d'entreprise entrent au gouvernement (Le Monde, Isabelle Mandraud, 28 janvier).

 

L’Union européenne a bien aidé Ben Ali - voir C'est à l'ombre de l'Europe que l'autoritarisme a perduré en Tunisie (Le Monde, Michel Camau, professeur émérite des universités, 19 janvier) - mais on peut penser que l’ouverture de la Tunisie sur l’Europe a contribué à préparer le peuple à la démocratie.

 

Les observateurs ont porté leur regard sur le Maghreb dans son ensemble, sans occulter les différences importantes entre les pays qui le composent.

Le Maghreb s'enflamme (Le Point, Mireille Duteil, 8 janvier). Au Maghreb, les jeunes manifestent violemment contre une situation économique insupportable dans un contexte politique en crise.

Belfort-6-09-08-011JPC-et-Andre-Brie--Die-Linke---copie-1.jpgSami Naïr, ancien député européen, professeur à l’université Pablo de Olavide, Séville (photo, lors de l'université d'été à Belfort, le 6 septembre 2008, pendant une conversation entre Jean-Pierre Chevènement et Andre Brie - Die Linke), a publié le 18 janvier sur le site Mémoire des luttes sa réflexion sur ce qui se passe au nord de l’Afrique.

On doit prendre au sérieux la révolte des jeunes qui secoue le Maghreb depuis plusieurs semaines. Elle est pleine d’enseignements sur le renversement des valeurs et des rapports de force dans ces pays. Tout d’abord, les manifestants avancent partout les mêmes revendications : ils veulent du travail, des logements, des opportunités de mobilité sociale qui correspondent à leurs qualifications, en même temps que la liberté de pouvoir s’exprimer sur la situation dans leurs propres pays. Ces aspirations sont exprimées par des actes violents, précisément parce que ces jeunes n’ont pas le droit de le faire démocratiquement. C’est donc l’absence de démocratie qui est la cause de la violence, et non pas une quelconque manipulation ou une méchanceté innée de « voyous » désespérés.

Les régimes dominants ces pays se sont appuyés, depuis plus de vingt cinq ans, sur des couches moyennes qui se sont formées depuis le milieu des années 1980. Or, le processus de formation de ces couches dirigeantes est bloqué depuis le début des années 2000, et la plus grande partie des générations nées dans les années 1990, est désormais dans l’impossibilité d’accéder au marché de l’emploi et donc à un minimum d’intégration socioprofessionnelle.

De façon plus générale, même les vieilles classes moyennes des années 1980 ont subi, ces dernières années, des processus d’érosion et d’appauvrissement très importants. Mais, à la différence des nouvelles générations, ces vieilles couches bénéficient déjà d’une situation, fût-elle précaire, à l’intérieur du système social, alors que même la situation de précarité est refusée à des jeunes pourtant diplômés et en mesure d’entrer dans le marché de l’emploi.

Autrement dit, l’économie de ces pays, traditionnellement divisée entre un secteur plus ou moins légal (où la corruption, le piston, le népotisme règnent en maîtres à côté d’un mince filet de légalité administrative) et un vaste champ de marginalité où les classes pauvres, populaires, vivotent dans des activités en général informelles ou régulières mais très mal rémunérées, --- cette économie d’ensemble est désormais devenue insupportable et paraît plus dangereuse même que la mort que des jeunes peuvent encourir en cassant tout devant et autour d’eux.

Le fait que certains préfèrent se brûler plutôt que continuer à vivre dans cet enfer de l’impossible, est extrêmement significatif. Il traduit à la fois le désespoir et le refus absolu de l’injustice, exprimé par un acte qui transcende toute violence et qui renvoie au pouvoir l’image radicale de sa propre cruauté : celle de la dénégation radicale de toute vie humaine.

Le second point important à relever est que ces révoltes ouvrent une nouvelle période dans la protestation collective au Maghreb. En gros, depuis le début des années 1980, l’on a vu l’islamisme se constituer comme la caisse de résonance du refus de la dualisation sociale et de la marginalisation politique. Sa stratégie, en confessionnalisant la conflictualité sociale, consistait à organiser des prestations sociales parallèles, et cela en développant des formes de solidarité et de soutien à vocation caritative : hôpitaux, écoles de quartier, petits emplois, etc. L’objectif était de réoccuper un espace social abandonné par l’Etat en créant à la fois une organisation para-politique et une contre- société, supposée préfigurer la société religieuse promise. Or cette stratégie ne parvient visiblement plus à capter les aspirations élémentaires des jeunes générations. Les revendications avancées par ces jeunes en colère sont totalement laïcisées : ils veulent des droits sociaux, civiques et politiques, pour assurer eux-mêmes leur vie ici-bas.

L’islamisme n’apparaît pas comme une solution, car il n’est pas parvenu à changer la situation ces vingt dernières années. Plus : beaucoup de jeunes, notamment en Algérie, se plaignent de ce qu’ils sont pris entre deux systèmes, certes antagoniques mais concrètement complices : celui du pouvoir et celui, tout aussi fermé et tout aussi corrompu, de la contre-société islamiste. Leur revendication principale est devenue claire : la démocratie, la liberté d’expression. C’est là un tournant majeur, qui vide de sa substance l’argument avancé par les régimes autoritaires selon lequel toute contestation de leur domination ferait le jeu des islamistes. Ils vont bien sûr tout faire pour « islamiser » cette contestation afin de la réprimer plus facilement aux yeux des couches moyennes et de l’Occident. Car leur hantise, c’est que ces couches moyennes rejoignent la révolte des jeunes déshérités. Ils seront de toute façon dans l’obligation de faire revenir l’armée au premier plan et nul ne sait ce qu’elle fera. Mais rien ne dit qu’elle appuiera des régimes autoritaires aussi gravement délégitimés. En tout état de cause, cette révolte des « va-nu-pieds » signe l’émergence d’un nouveau cycle politique au Maghreb.

Cet article est le 18ème paru sur ce blog dans la catégorie Afrique.

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<br /> Blog(fermaton.over-blog.com), No-7,- THÉORÈME DES BOUQUETS.- L'avenir des jeunes.<br />
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