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Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.

Lucien Bourgeois, dans la revue POUR : la PAC reste contre l'emploi

Le dogme de la restructuration toujours d’actualité

 

La politique agricole de l’Union européenne inquiète au plus haut point les éleveurs (voir cet article Philippe Chotteau : la PAC met sur le même plan éleveurs et céréaliers - 30 juillet 2013).

 

Pour sa part, Lucien Bourgeois* met en cause le dogme de la restructuration qui a pour effet de continuer à faire baisser les emplois en agriculture.

* Rappel : Le commerce extérieur agroalimentaire, analysé par Lucien Bourgeois - 18 juillet 2013 

Lucien Bourgeois et l'efficacité du système productif agricole français - 23 mai 2013       

MARS : débat sur les marges de manoeuvre pour la France dans la PAC - 22 mai 2013

Agriculture : L Bourgeois compare l'histoire de la France et de l'Allemagne - 21 mai 2013

 

Colloque agriculture Res Publica 71111 151 TLucien Bourgeois, qui fut longtemps l’économiste des Chambres d’agriculture, m’a communiqué son projet d’article, daté du 5 juin 2013, à publier prochainement par le GREP dans la REVUE "POUR" (voir Revue Pour : numéros disponibles).

 

La PAC à contre-emploi

 

Les rapports sur la nouvelle PAC 2014-2020 sont légions. Toutes les organisations professionnelles, les institutions ou les ONG ont produit un document. L’Assemblée nationale a même produit plusieurs rapports en fonction des Commissions qui s’y sont intéressé. Il en est de même au niveau de chaque pays et au niveau des instances européennes. De nombreux sujets sont abordés mais l’emploi agricole est malheureusement très souvent absent. Chacun semble admettre la nécessité « inéluctable » de la baisse de l’emploi agricole. Qui plus est, le système des aides est un encouragement financier à cette baisse. En période de chômage croissant, n’y a t-il pas à réinterroger ce dogme ? Ce n’est pas parce qu’il est admis par tous qu’il est nécessairement pertinent.

 

Les nouvelles propositions dans la droite ligne de la réforme de 1992

 

Les nouvelles propositions de la Commission européenne pour la période 2014-2020 se situent dans la droite ligne de la réforme de 1992. Il faut que la politique agricole soit neutre par rapport au fonctionnement normal du marché. Les prix des produits agricoles à l’intérieur de l’UE doivent s’aligner sur ceux du marché mondial. Les aides accordées ne doivent pas avoir d’impact sur la production réalisée par les agriculteurs. C’est pour cette raison que les aides ont été découplées. Toute l’attention est désormais focalisée sur un plus grand verdissement de ces aides et sur la possibilité d’améliorer la convergence entre les pays de l’UE.

Reste à trouver des critères pour assurer cette convergence. Il est étonnant que cela ne soit pas l’occasion de redéfinir les objectifs de la PAC en tenant compte de l’expérience acquise depuis que la crise économique frappe l’UE. Les chefs d’Etat et de Gouvernement semblent avoir trouvé un accord sur le budget agricole au Sommet de début Février.

 

Mais il est étonnant qu’on ne mette pas plus en relation les évolutions en cours sur l’emploi agricole et les statistiques du chômage. L’UE à 27 a perdu près de 5 millions d’emplois mesurés en Unités de travail agricoles (UTA) de 2000 à 2012. Le nombre des actifs agricoles était de près de 15 Millions d’UTA en 2000 et il n’est plus que de 10,1 Millions en 2012.

Il est vrai que plus de la moitié (58%) des emplois perdus l’ont été en Roumanie, Bulgarie et

Pologne. Mais, là encore, il est intéressant de constater que l’évolution a été radicalement différente entre la Roumanie et la Bulgarie d’une part et la Pologne d’autre part. Dans les deux premiers pays, on a assisté en fait à un véritable effondrement avec des effectifs divisés par deux en 12 ans. Ce sont 2,5 millions d’emplois qui ont ainsi été supprimés dans ces deux pays. En Pologne en revanche, les emplois agricoles ont beaucoup mieux résisté et ont diminué deux fois moins rapidement que pour la moyenne de l’UE à 27. Ce pays est devenu le premier employeur de main-d’oeuvre agricole de l’UE avec 2,1 millions d’UTA soit plus de 20% du total européen alors que sa surface agricole ne représente que 9% du total.

Cet exemple montre une grande diversité dans les évolutions pour des pays que l’on croyait semblables. Il serait intéressant d’en chercher les causes et de s’interroger pour savoir si les systèmes de petites exploitations que la Pologne avait su conserver avant la chute du Mur de Berlin se sont révélés beaucoup plus efficaces pour le maintien de l’emploi agricole que les systèmes de grandes fermes des deux derniers pays de l’élargissement.

 

Mais on s’aperçoit aussi à la lecture de ce tableau** que la diminution du nombre des emplois agricoles ne concerne pas que les pays de l’élargissement. Dans l’ancienne UE à 15, le taux de diminution a été de 22% en 12 ans. En France, le taux est un peu supérieur à la moyenne avec 25%. Le nombre des emplois détruits pendant cette période a été de 254 000 UTA soit plus de 20 000 emplois par an. Mais on voit aussi sur ce tableau la situation très originale de l’Irlande qui a créé des emplois agricoles pendant cette période. On voit aussi que les emplois ont diminué moins rapidement que la moyenne en Italie et au Royaume-Uni.

Pour mieux comprendre les différences existantes, il suffit de rapprocher le nombre des emplois de celui de la Surface agricole utilisée. On constate alors qu’au Royaume-Uni ou en Suède, il suffit désormais de moins de deux actifs pour cultiver 100 ha alors qu’il en faut 15 en Pologne ou en Slovénie. La moyenne européenne se situe à 6 et la moyenne française est tombée désormais à 2,8.

Cela veut dire concrètement que si l’UE choisissait le modèle anglais ou suédois, il suffirait de 3,5 Millions UTA au lieu de 10 Millions. Avec le modèle français, le chiffre passerait à moins de 5 Millions !

Mais il convient de s’arrêter sur le cas du Royaume-Uni. Non seulement l’emploi y a baissé deux fois moins rapidement que dans l’ensemble de l’UE mais le nombre n’a plus diminué depuis la crise de 2008. Cela pose la question de savoir s’il n’y aurait pas une limite basse à la baisse. Cela fait désormais une vingtaine d’années que le nombre des exploitations agricoles ne baisse plus aux Etats-Unis.

 

Le dogme de la restructuration est il toujours d’actualité ?

 

Le tableau des évolutions de main d’oeuvre agricole est très intéressant à observer car il permet de s’interroger sur le dogme de la nécessaire restructuration de l’agriculture européenne. Le postulat de départ est resté le même depuis la fin de la seconde Guerre mondiale. Il n’a pas changé au moment de la Réforme de la PAC de 1992. L’agriculture européenne n’est pas compétitive sur les marchés mondiaux car on trouve très souvent des produits agricoles à des prix inférieurs sur les marchés mondiaux. C’était le cas des pays d’Océanie comme l’Australie et la Nouvelle Zélande. C’est le cas des pays d’Amérique du Sud qui disposent de réserves de terres agricoles considérables. L’exemple le plus emblématique est celui du Brésil. Ce pays a donné l’impression pendant de nombreuses années d’avoir vocation à devenir la Ferme du Monde, au même tire que la Chine prétendait devenir l’atelier industriel du monde. En se fondant sur ce constat, l’UE a décidé, depuis 1992, d’aligner les prix du marché européen sur ceux du marché mondial et de donner des aides « compensatrices » pour assurer le revenu de ses agriculteurs sous forme d’aides directes au revenu. Ces aides ont été calculées en fonction du nombre d’ha ou d’animaux. Cette aide est devenue une aide au capital détenu.

 

Peu de travaux d’évaluation sur la façon d’appliquer la PAC en France

 

Ces réflexions sur la PAC et l’emploi nous montrent une curieuse carence dans le fonctionnement de la PAC. A chaque réforme, il y a une multitude de travaux pour montrer les conséquences des changements de montant des aides sur le revenu des agriculteurs selon leurs systèmes d’exploitation. Mais il y peu de travaux d’études sur le bilan de la politique mise en oeuvre depuis 1992. Cela fait 20 ans que l’UE a changé de politique agricole et adopté le système des aides directes au revenu. Alors que pour toute aide, même minime, on fait systématiquement une évaluation, il y a eu peu de travaux pour faire le bilan de la politique des aides directes menée depuis 20 ans dans les différents pays de l’UE.

Mais il n’y en a pas eu beaucoup non plus sur la responsabilité éventuelle de cette nouvelle

PAC sur la crise de 2008 et la volatilité croissante des prix des produits agricoles et alimentaires qui s’en est suivie depuis lors dans l’ensemble du monde.

Essayons de passer ne revue les domaines qu’il serait intéressant d’analyser plus en détail pour faire ce bilan. La Réforme de la PAC de 1992 a eu des points positifs comme la maîtrise des dépenses budgétaires pour l’agriculture et l’apparent respect des règles de l’OMC pour le commerce international des produits agricoles. Mais ces points positifs ont des limites. Le budget global est effectivement resté le même depuis 20 ans mais comme, dans la même période, le nombre des exploitations agricoles a été divisé par deux, cela signifie que l’aide moyenne par exploitation a été multipliée par deux.

 

Au niveau international, on a réussi à supprimer les subventions à l’exportation dans presque tous les secteurs mais les aides directes sont dans certains secteurs une aide à l’exportation. Mais là n’est pas la chose la plus importante. Il faudrait s’interroger sur l’efficacité de ce système d’aides directes sur la valeur ajoutée du secteur, sa compétitivité sur les marchés mondiaux ou l’emploi. Signalons à ce sujet les travaux de Jacques Berthelot qui défend la thèse d’une politique d’aides qui tienne compte de l’emploi. Mais il est malheureusement un des seuls à travailler sur ce sujet.

 

Une étude rapide sur la compétitivité des produits français nous a montré que les aides de la PAC n’avaient pas été très efficaces. La France a le plus grand potentiel agricole de l’UE avec un sixième de la SAU (Surface agricole utile). Comme les aides sont accordées en fonction des hectares, la France est le premier pays bénéficiaire des aides. Mais notre pays n’est pas celui qui bénéficie du revenu agricole global le plus important (l’Italie) ni celui qui exporte le plus de produits agroalimentaires (l’Allemagne) ni celui qui a le solde positif le plus important du commerce extérieur (les Pays-Bas) et encore moins le pays où l’emploi agricole est le plus important (la Pologne). Si notre pays fait néanmoins bonne figure en matière de commerce extérieur, cela est essentiellement du à notre excédent dans le secteur des vins et boissons qui bénéficie très peu des aides de la PAC.

 

Depuis 2008, la volatilité des prix des céréales s’est beaucoup accentuée. L’UE a renoncé à se donner les moyens de réagir en renonçant à toute politique de stockage. A t-on fait le bilan de ce que cela a eu comme répercussions sur la compétitivité de l’élevage à cause de l’augmentation du prix des aliments du bétail. L’UE avait des industries agroalimentaires très puissantes. Une telle volatilité peut mettre en difficulté les entreprises concernées. Là encore, peu d’études d’impact. La volatilité montre clairement l’inadaptation du système actuel de découplage des aides. Rares sont les propositions pour faire évoluer ce système. Il y a longtemps que nos concurrents américains ont modifié leur système en adoptant des paiements contracycliques qui semblent plus adéquats.

 

La baisse de l’emploi agricole n’est pas une fatalité, même en France

 

On finirait par croire qu’il n’y a aucune marge de manoeuvre pour la mise en oeuvre de la

PAC. Les comparaisons dans les évolutions entre pays nous montrent que ce n’est pas le cas et qu’il est possible d’agir utilement. Il y a urgence car il ne faudrait pas beaucoup d’années comme 2012 pour ne conserver en France que les productions végétales. Les aides accordées pour ces systèmes sont de 300 € par ha. Comme il faut environ 5 heures pour cultiver un ha de céréales, cela revient à subventionner cette activité sur la base de 60 € de l’heure de travail. C’est dix fois plus que pour l’élevage. Les agriculteurs savent faire les comptes. Il n’est pas impossible qu’ils en tirent la conclusion que la PAC n’est vraiment pas encourageante pour l’emploi.

 

Si la France se transformait en un vaste champ de céréales et que le reste se transforme en bois ou en grandes exploitations d’élevage extensif, la population active agricole pourrait encore baisser beaucoup. Il ne reste plus que l’équivalent de 750 000 emplois à plein temps actuellement dans ce secteur. Dans un schéma principalement céréalier, 150 000 pourraient suffire ! La PAC a déjà perdu le sens de sa dernière initiale dans la mesure où elle est de moins en moins commune. Il faudrait attendre 2029 pour que les pays de l’élargissement puissent espérer bénéficier des mêmes aides que nous ! Mais il ne faudrait pas que ce qui reste de politique agricole perde toute vision stratégique pour se fondre dans une vaste politique du droit de la concurrence. Puisse la crise avec son cortège de mauvaises nouvelles sur le chômage et les déficits publics nous conduire à des choix moins incohérents et en particulier plus favorables à l’emploi agricole.

 

** Main d’œuvre agricole totale et SAU dans l’UE à 27 (tableau à consulter dans la revue)

 

Cet article est le 400ème publié sur ce blog dans la catégorie AGRICULTURE et PAC

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