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Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.

Lucien Bourgeois et l'efficacité du système productif agricole français

La France est exportatrice de matières premières agricoles

 

La question de l’efficacité du système productif agricole français n’a jamais été traitée à fond. C’est la comparaison avec l’Allemagne qui oblige à voir la réalité en face. Ce n’est pas par hasard que Lucien Bourgeois, économiste, membre de l’Académie d’Agriculture de France, a intitulé sa contribution « L’agriculture française et le syndrome allemand ». Ce texte a été publié dans La Revue politique et parlementaire (janvier-mars 2013).

 

Colloque agriculture Res Publica 71111 151 TVoir aussi Agriculture : L Bourgeois compare l'histoire de la France et de l'Allemagne - 21 mai 2013 (dernière partie) et MARS : débat sur les marges de manoeuvre pour la France dans la PAC - 22 mai 2013 (1ère partie). 

 

Voici la 3ème partie (médiane) de ce texte, qui présente les forces et faiblesses de l’agriculture française en Europe, dans le cadre de l’évolution de la Politique Agricole Commune (PAC).

 

Les limites de la PAC réformée en 1992

Depuis 1992, l’UE a changé de politique agricole. L’objectif était d’accélérer la baisse des prix agricoles pour diminuer puis supprimer la différence antérieure entre le prix du marché européen et les prix observés sur les marchés mondiaux. Pour éviter les chutes du revenu agricole, des aides directes ont été accordées. Elles permettent de compenser les différences de contraintes de production.

L’avantage incontestable de cette nouvelle politique a été de stabiliser les dépenses budgétaires au même niveau qu’en 1994.

Cela fait maintenant trente ans que le budget européen pour l’agriculture n’a pas augmenté.

Comme le budget total a progressé dans cette période, la part des dépenses agricoles est passée de 70 % à 40 % du total. Le moyen le plus simple de mesurer l’effort collectif est de calculer les dépenses agricoles en points du PIB européen. En trente ans, les dépenses agricoles sont passées de 0,6 % à 0,4 % du PIB total de l’UE à 27. Mais ce point positif sur le budget doit être relativisé par des évolutions préoccupantes de certains indicateurs. Cette politique a eu pour résultat une pression à la baisse sur les prix agricoles qui a duré jusqu’en 2007. Cela a été un des éléments du déclenchement de la crise alimentaire de 2008 avec l’irruption de la demande de maïs pour la fabrication d’éthanol aux États-Unis et la décision de supprimer les stocks stratégiques dans l’UE et aux USA. Depuis 2007, la volatilité des prix s’est très sensiblement accrue et a entraîné des variations très heurtées du revenu agricole. Les aides dites « découplées » sont par définition sans rapport avec les prix des produits. Ces aides sont donc insuffisantes pour assurer le revenu quand les prix des produits agricoles sont bas comme en 2009 et superfétatoires pour certains producteurs quand les prix des céréales atteignent des niveaux historiques très élevés comme en 2011 et 2012. La politique d’aides directes a facilité le financement des investissements agricoles.

Leur part dans le revenu agricole s’est accrue notablement. Elle constituait le tiers du revenu brut au début des années 80. Elle en constitue quelquefois la moitié dans les années récentes. Le revenu net diminue donc rapidement au point qu’en 2009, il est devenu inférieur aux aides. Une telle situation n’est guère durable. Or les tendances actuelles vont dans cette direction. On peut difficilement imaginer un système dans lequel les aides directes soient durablement supérieures aux revenus. D’autant que la plupart des États européens devront faire des économies budgétaires pour faire face à l’endettement public excessif.

Par ailleurs, il faudra trouver des solutions pour freiner la croissance rapide du chômage. Est-il opportun de continuer à encourager l’agrandissement des exploitations par la distribution d’aides de l’État à l’ha (DPU) alors que désormais la part de l’emploi agricole est tombée en France à des niveaux parmi les plus bas du monde ?

 

Un excédent record du commerce extérieur depuis deux ans

Depuis les années 70, la France est devenue un pays exportateur net de produits agroalimentaires.

Dans les années 2000, l’excédent restait aux environs de 8 Mrd par an. En 2009, cet excédent est tombé à 5 Mrd €. Mais la situation s’est redressée en 2010 en retrouvant le niveau antérieur. Qui plus est, l’excédent a fait un bond de 45 % en 2011 pour atteindre près de 12 Mrd €. Les résultats 2012 viennent de confirmer ce résultat avec une petite hausse qui en fait un nouveau record historique. Il se confirme donc que le mauvais résultat de 2009 a été un accident conjoncturel dû en grande partie à l’effondrement du commerce mondial après la crise financière avec en particulier une forte baisse des achats de vins et boissons sur les marchés d’Amérique et d’Asie.

Cela confirme que l’agroalimentaire reste incontestablement une valeur sûre des exportations françaises. C’est le deuxième excédent après l’aéronautique (+ 20 Mrd € en 2012).

Ces performances dans l’aéronautique et l’agroalimentaire sont bien utiles pour limiter le déficit global de la balance commerciale. En 2012, ce dernier a légèrement régressé mais il atteint néanmoins 67 Mrd €. C’est moins mal qu’en 2011 (74) mais un tel niveau parait difficilement durable sans que cela n’affecte la valeur de la monnaie.

 

L’atout majeur des vins et boissons

Le secteur phare de l’agroalimentaire français est le secteur des vins et boissons. Son excédent annuel est bien souvent égal à l’excédent total de l’agroalimentaire. En 2012, il représente 10,84 Mrd € sur un total de 11,9. Hors vins et boissons, l’excédent agroalimentaire français serait presque inexistant ! Rappelons que ce secteur n’est pas concerné par les aides directes de la

PAC. On ne compte plus les études alarmistes sur le manque de compétitivité de la viticulture française. La majeure partie de ces études font des comparaisons en hectolitres et oublient que l’élément prix est essentiel pour la valeur ajoutée. Or, la France a un quasi monopole mondial sur les vins de qualité. La diversité des appellations et des centres de décision est souvent critiquée mais les bons résultats à l’exportation montrent que cette diversité peut aussi être un atout quand elle s’appuie sur des interprofessions efficaces. Celle du Champagne est un exemple emblématique des possibilités de création de valeur ajoutée et de répartition adéquate entre les acteurs économiques.

Mais on pourrait aussi citer l’exemple de la filière Cognac dont la très grande majorité de la production est exportée en Asie et en Amérique du Nord. Sur les marchés mondiaux, la suprématie de ce secteur est très nette. Le solde « vins et boissons » est de 7,2 Mrd. C’est plus que le solde total et 5 Mrd de plus que pour les céréales.

 

Sur les marchés mondiaux, très peu de céréales françaises

Et pourtant le solde positif des céréales reste important avec 6,2 Mrd € en 2012. Mais les deux tiers de ce résultat sont réalisés sur nos partenaires de l’UE. Cela nous amène à relativiser les idées toutes faites à ce sujet.

L’excédent 2012, pour les céréales vendues sur Pays tiers, n’est que de 2,2 M€ alors que les prix n’ont jamais été aussi élevés. Comme les céréales servent surtout à l’alimentation animale, il faudrait déduire les importations de soja et produits végétaux divers. En fait le solde positif des produits végétaux de grandes cultures ne dépasse pas les 2 Mrd € sur les marchés mondiaux. C’est une performance désormais inférieure à celle des produits animaux (produits laitiers, viandes et animaux vivants) dont la balance positive est de 2,2 Mrd €.

 

La carte prometteuse des produits laitiers

Il y a d’autres secteurs excédentaires. Signalons en particulier celui des produits laitiers dont les exportations ont presque rattrapé celles des céréales avec 6,1 Mrd € contre 6,9. Mais comme les importations sont plus importantes, le solde positif des produits laitiers est inférieur de moitié à celui des céréales. L’excédent atteint 3,1 Mrd € en 2012 et se répartit à moitié sur l’UE et sur les pays tiers.

Le secteur du sucre dégage aussi un excédent important de 1,5M€ dont l’essentiel (80 %) est réalisé sur nos partenaires de l’UE.

Mais il y a aussi des postes très déficitaires.

Le poste « poissons et crustacés » connaît un déficit croissant (-2,5 Mrd en 2012). Le poste « fruits » a désormais un déficit de 2 Mrd € suivi par le déficit « café cacao » (1,6 M€)

 

Dans l’UE, la France vend ses céréales et ses animaux vivants

Dans nos échanges avec l’UE, l’excédent le plus important est celui des céréales avec 4 Mrd auquel il faut ajouter les produits de minoterie et les oléagineux soit plus de 5 Mrd € pour le secteur des grandes cultures. Si l’on ajoute à cela un excédent de 1,2 Mrd € sur les animaux vivants, on voit clairement que la France s’est spécialisée sur la fourniture de matières premières au reste de l’Europe.

Cela nous revient en produits transformés avec un déficit croissant sur les viandes (1,2 Mrd € en 2010 et 1,6 en 2012). Il faudrait y ajouter les préparations de viandes soit au total un déficit d’environ 2 M€.

Cet examen détaillé des résultats de notre commerce extérieur agroalimentaire de l’année 2012 montre que la France dispose de nombreux atouts. Mais pour les valoriser, il convient de réfléchir aux stratégies les plus pertinentes pour l’avenir. Il est alors utile de mieux comprendre la peur récente de la concurrence allemande.

 

Le déficit agroalimentaire allemand augmente et atteint 13 Mrd € en 2011

Les inquiétudes sur la pérennité de notre excédent extérieur agroalimentaire a été au centre des préoccupations depuis la chute de l’excédent observée en 2009. En effet, au moment où nous connaissions des difficultés, l’Allemagne a augmenté ses exportations de produits agroalimentaires au point de dépasser la France en parts de marché. En 2011, les exportations allemandes ont été de 56 Mrd € contre 55 pour la France. La différence en faveur de l’Allemagne est surtout le fait des produits transformés (46 Mrd contre 40 pour la France). En revanche, pour les produits agricoles bruts, la France reste en tête avec 15 Mrd contre 10. Les progrès allemands sont parfaitement visibles sur les marchés français dans le secteur des viandes et celui des produits laitiers. Une chose est sure, l’excédent agroalimentaire français sur l’Allemagne a fortement diminué depuis 2007.

Cette situation nouvelle réveille un sentiment d’infériorité par rapport aux performances économiques de ce pays en particulier dans le domaine du commerce extérieur.

Ce sentiment est si profond que l’on a souvent oublié de regarder aussi les importations.

De fait, malgré ces bonnes performances à l’export, ce pays continue à être déficitaire de 13,3 Mrd € en 2011. De plus, ce dernier a augmenté ces dernières années. Force est de constater que la plus grande agressivité de notre voisin dans le domaine agroalimentaire n’a pas changé radicalement la situation antérieure de l’Allemagne sur le plan alimentaire.

Ceci étant, il est curieux que cette inquiétude sur les performances exportatrices de la France ne se soit manifestée que récemment. Cela fait plus de quarante ans que les Pays-Bas obtiennent des résultats meilleurs que ceux de la France alors qu’ils disposent d’un territoire agricole restreint. En 2011, leur excédent agroalimentaire a été de près de 25 Mrd €. Il aura fallu attendre les récentes performances allemandes pour qu’on se pose enfin des questions sur l’efficacité de notre système productif agricole.  

Cet article est le 392ème publié sur ce blog dans la catégorie AGRICULTURE et PAC.

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