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Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.

Office du lait, gestion européenne de l'offre, contrats avec les laiteries

L’Apli passe à l’offensive face à la contractualisation

 

En conclusion d’une série de réunions avec les producteurs de lait du 18 au 21 janvier, les dirigeants de lASSOCIATION NATIONALE DES PRODUCTEURS DE LAITS INDEPENDANTS (Apli) ont proposé deux réunions dans la Manche, le 21 janvier, dont celle de Saint-Hilaire-du-Harcouët, à laquelle j’ai participé.

Trois orateurs à chaque fois : le suisse Paul Ecoffey (voir Réunions Apli : Paul Ecoffey, producteur de lait en Suisse, a témoigné - 22 janvier 2011), Paul de Montvalon (Apli 49), président de l’Office du lait et Pascal Massol, président de l’Apli.

 

La France est le premier Etat de l’Union européenne à s’être engagé dans la voie de la contractualisation pour encadrer les relations entre les producteurs et les acheteurs de lait (industriels et les coopératives, membres de l’interprofession laitière). C’est le système qui est en place en Suisse, au grand dam des producteurs, selon le témoignage de Paul Ecoffey.

 

L’évènement provoque des interrogations dans le monde agricole. François Lemarchand, journaliste à Ouest-France, en a rendu compte dans deux articles récents :

- Contrats laitiers : les producteurs s'organisent (Ouest-France, François Lemarchand, 14 janvier)

- Lait : l'Apli lance la bataille des contrats (Ouest-France, François Lemarchand, 22 janvier).

 

Apli-StHilaireduHarcouet-210111-005-T.jpgVoici l’intervention de Paul de Montvalon à Saint-Hilaire-du-Harcouët, le 21 janvier 2011.

 

« La Suisse a été un laboratoire pour l’Europe dans la gestion de la filière laitière dans le cadre de la contractualisation. Maintenant, c’est au tour de la France. On a rendez-vous avec l’Histoire. Cela peut paraître prétentieux de s’exprimer ainsi, mais nous, producteurs de lait, sommes placés devant l’alternative : changer la donne ou être condamnés à mort ».

 

En 1983-84, lors de la mise en place des quotas, cela s’est bien passé mais on a laissé la gestion des volumes aux transformateurs. Si on ne fait rien, on se condamne. Il faut enrayer cette machine infernale qui met dans nos assiettes des aliments indigestes.

Office du lait : 20 personnes y ont travaillé (accord EMB pour toute l’Europe). La France est la première à s’engager dans la contractualisation. Il y a une faille dans le système : la signature. Il faut s’organiser. Convaincre les producteurs, pas se faire la guerre. Notre projet est totalement européen (les autres sont franco-français, contre les allemands). Seule issue : un projet européen.

 

La situation dans deux autres pays :

 

Danemark : 90% du lait est collecté par une Coopérative. Les producteurs sont heureux, selon les économistes : 1 million de litres de lait produits par UTH. Toutefois, les frais financiers sont très élevés du fait de l’endettement : 120 euros les 1000 litres (France : 35) sur un prix de 280 €, il ne reste que 160 €. Investissement : 3 € par litre. Comment en sont-ils arrivés là ? A cause de la marchandisation des quotas, qui ont fait augmenter leurs prix. Les terres ont été exigées en caution par les banques.

Toute la filière lait sur le fil du rasoir. C’est comme la crise des subprime en 2007 aux USA : si le prix du lait baisse, le prix du foncier va baisser. Si faillites, effondrement de la filière (actuellement, des prêts à court terme pour avoir de la trésorerie, en l’absence de revenu). Augmentation de la durée des prêts. Pas de capital remboursé. On paie seulement les intérêts. Investir un cercueil à deux places…

 

USA : Pratiques libérales. Troupeaux de 2000 à 8000 vaches laitières. Ces exploitations n’y arrivent plus. Reprise du système de gestion de l’offre. Pénalités en cas de dépassement des volumes. En Europe, on arrête les quotas et ce sont ceux qui régulent qui sont pénalisés.

 

Pour une filière laitière européenne équitable

 

La régulation a fait l’objet d’un accord superficiel sur la base de l’équilibre du marché. Ce n’est pas notre définition de la régulation, qui est la gestion des volumes en fonction des demandes des consommateurs et des possibilités des industriels. On veut nous imposer une régulation spéculative, le maximum de lait étant mis sur le marché afin de faire baisser les prix, de façon à ce que les industriels achètent le lait le moins cher possible (stocks publics, stocks privés, double, triple ou quadruple quota).

Sur le marché à terme, les producteurs n’ont pas le droit d’y aller (contrairement au blé). C’est le privilège des industriels et des financiers. Conséquence : la volatilité des cours et aucune lisibilité. C’est ingérable. Tout est basé sur les prix de la poudre de lait et du beurre. Quel sera le prix en avril 2011 ? L’objectif, c’est un système de prix durables, permettant aux exploitations de dégager des revenus.

 

Canada : la  référence, c’est le système canadien de régulation par la gestion des volumes sous le contrôle des producteurs, avant l’intervention des industriels, afin de produire quand on en a besoin et en récupérant une part de la valeur ajoutée. Pas d’excédents, pas besoin de subventions publiques. Chaque pays est souverain. L’Europe doit produire pour satisfaire ses besoins alimentaires. A noter qu’au Canada, certains ne veulent plus de la régulation, au moment où elle intéresse les Etats-Unis.

 

Quand il est question de régulation, il faut demander le sens de ce mot. Actuellement, on attribue des quotas supplémentaires à ceux qui ont dépassé leur quota et on pénalise ceux qui ont fait la grève des livraisons.

Une vraie régulation nécessite un projet au niveau européen : un office du lait et une agence de régulation européenne. Avec l’aide de juristes, l’Apli a réalisé elle-même ce projet, qui est le seul existant. L’agence devra gérer les volumes européens en instituant une mutualisation des prix sur l’ensemble des producteurs (agir sur le prix plancher pour produire plus, sur le prix plafond pour produire moins).

Le projet EMB est soumis à la Commission et au Parlement européens. Il s’adresse à tous les pays de l’Union européenne. Il n’est pas question de modifier les statuts de l’Office du lait (voir Apli : les statuts d'un Office du lait ont été déposés le 7 mai à Angers- 18 mai 2010).

 

L’Office prendra la place de l’interprofession laitière quand il sera reconnu d’utilité publique.

Pas question de parler séparément aux coopératives et aux industriels. Ils seront ensemble dans le collège des transformateurs. A eux de s’entendre. Les filtrages aux entrées des usines ont été efficaces, ils ont permis de détecter l’entrée de composants non autorisés. Il faudra s’en servir.

Les collèges des distributeurs et des consommateurs (absents, actuellement, de l’interprofession laitière) compléteront le dispositif. Tous les consommateurs pourront adhérer à l’Office. Les pouvoirs publics, qui ont une fâcheuse tendance à se dédouaner de la production agricole, ont été élus pour intervenir dans la filière. Ils devront faire leur travail et s’y investir.

L’organisation de producteurs se met en place au niveau national (France Milkboard) avec, au niveau européen une plateforme de tutelle (Milkboard United) sur les organisations nationales. Elle a vocation à rassembler tous les producteurs, sans considération de nature syndicale ou politique. Le fonctionnement est entièrement démocratique, avec interdiction du cumul de mandats et incompatibilité avec les mandats dans les coopératives. Le nombre de pouvoirs par personne sera limité. La démocratie et l’indépendance impliquent l’engagement des producteurs (vote responsable).

Les industriels et les coopératives veulent mettre en place le système suisse (voir Réunions Apli : Paul Ecoffey, producteur de lait en Suisse, a témoigné - 22 janvier 2011), à base de concurrence entre laiteries (Lactalis, Danone, Bongrain). Les coopératives et groupements des industriels iront vers le système avec double quota et double prix. Pourquoi les factures approvisionnement ne comporteraient-elles pas aussi trois parties (nationale, européenne, mondiale) ?...

Le ministre français de l’agriculture a la même conception de la régulation que Trichet, c’est la baisse des prix. Il faut abattre ce schéma qui va écraser les producteurs. Ce sont des fondations pourries. Il faut tout raser. France Milkboard met les producteurs au centre du débat, face aux industriels et aux coopératives. Les groupements de producteurs continuent d’exister. A côté d’eux, les producteurs auront la possibilité de choisir France Milkboard, dont l’indépendance ne l’empêchera pas de reconstruire un lien avec les laiteries. Dans les coopératives, les producteurs ne payant pas la cotisation FNPL se constitueront en associations, qu’il ne sera pas possible, juridiquement, d’interdire.

Les industriels et les coopératives veulent conserver la facturation pour garder la maîtrise des volumes. France Milkboard facturera les paies de lait (prix de base) afin de connaître les volumes collectés. C’est un combat difficile car il s’agit de se libérer d’un esclavage. Les petites coopératives et petits industriels sont d’accord avec l’Apli, dont le système les sauverait, mais ne veulent pas le dire, car ils ont peur des réactions des gros autour d’eux.

Concernant les contrats, le décret est sorti. L’acheteur de lait propose au producteur un contrat (5 ans, renouvelable chaque année) à signer. Le producteur peut le refuser (il n'est pas obligé d’en proposer un autre avant la date limite du 1er avril 2011, selon une déclaration du ministre de l'agriculture à la France agricole, le 20 janvier, qui contredit les informations antérieures). Il peut saisir l'opportunité de présenter un contrat France Milkboard. Ce sera l’amorce de la gestion de l’offre (système canadien).

Concernant les coopératives et la possibilité pour elles de se constituer en organisation de producteurs (OP), le décret n’est pas sorti (report à fin 2011, voire 2012). Donc, dans l’immédiat, les coopératives sont seulement des groupements de producteurs. Le démarchage auprès des producteurs pour leur proposer d’adhérer à une OP peut se faire. On se souvient que 20% des producteurs avaient signé une promesse d’adhésion à l’Office du lait.

EMB Fougères 13 09 10 009 TPaul de Montvalon répond aux questions de la salle.

Comment faire pour constituer un groupement de producteurs ? En créant une association (minimum deux personnes, un secrétaire et un trésorier).

Comment expliquer la précipitation de la France pour la contractualisation ? Dans l’Union européenne, la contractualisation n’est pas obligatoire. Chaque pays est libre. La France aurait pu choisir la régulation des volumes au lieu d’accepter celle des marchés. L’organisation de producteurs peut remplacer l’interprofession laitière. France Milkboard se constitue en OP. Elle doit créer un index de fixation des prix avec coûts de production. Plus les producteurs seront nombreux à faire ce choix, meilleur sera le rapport de forces.

Dossiers CVO ? France Milkboard récupérera la CVO (cotisation volontaire obligatoire). La forme juridique sera décidée par les adhérents. Sur ce point, la question des CVO lait sera traitée par le tribunal de Rennes le 14 février 2011. La décision sera connue six semaines plus tard.

Transfert de propriété des quotas ? Il faut laisser aux agriculteurs la propriété des quotas.

La Confédération paysanne a toujours été pour la régulation. Vous nous encouragez à signer les contrats des laiteries ? Signez à France Milkboard d’abord. Le décret OP ne sortira pas avant un an. Aucune OP ne sera reconnue. Au ministère de l’agriculture, à la commission européenne, au parlement européen, il y a des gens qui sont d’accord avec nous. Notre OP sera en place avant l’échéance du 1er avril. Faites votre association de producteurs dans votre laiterie afin d’être reconnus distinctement des groupements de producteurs. Ce sera l’OP qui négociera les contrats avec les industriels et les signatures se feront dans une démarche collective. Le quota n’étant pas aboli, l’industriel a l’obligation de collecte.

Cet article est le 204ème publié sur ce blog dans la catégorie AGRICULTURE et PAC.

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