Un mouvement de fond qui bouscule la FNSEA
Le mouvement européen de grève des livraisons de lait aux industriels, qui a duré deux semaines en septembre, n’a pas fini d’avoir des répercussions dans le monde paysan. C’est un mouvement nouveau qui se singularise par son approche à forte dominante économique (revendication d’un prix du lait assurant un revenu régulier aux producteurs, sans assistanat bureaucratique européen) reposant sur une démarche responsabilisante au niveau de chaque producteur.
Pascal Massol, président de l’association des producteurs de lait indépendants, insiste sur le fait qu’ils sont responsables de ce qui leur arrive. Si le prix du lait est tombé si bas au printemps 2009, c’est parce que les représentants des producteurs dans les différents organismes de cogestion de l’économie laitière n’ont pas fait leur boulot. Il faut donc repenser le système de décision, en visant le niveau européen, car c’est là que les décisions se prennent.
Cet agriculteur aveyronnais a su créer une dynamique au sein du monde agricole, parce qu’il met en avant des idées simples que d’autres peuvent s’approprier. Mais ce n’est pas si évident quand il s’agit de mener des actions sur le terrain. Les équipes départementales APLI, prévenues au dernier moment, ne réagissent pas de la même façon. Cela tient au tempérament, plus ou moins batailleur, des adhérents et responsables locaux.
La Mayenne est un bon exemple du temps nécessaire aux producteurs pour décider de s’engager concrètement. Ils réfléchissent avant de s’engager, mais quand ils le font, c’est sérieux. On a pu constater le retard à l’allumage des Mayennais dans le lancement des grèves de livraison du lait. C’était encore le cas quand, il y a une dizaine de jours, l’APLI a lancé l’action de filtrer l’activité des laiteries afin de voir les produits qui entrent et qui sortent. Des militants APLI du département d’Ille-et-Vilaine sont allés devant la Sofivo à Pontmain (Mayenne), alors que les militants mayennais n’ont pas bougé, par crainte de conflits avec les responsables des laiteries (source : l’avenir agricole, 20 novembre).
Un nouveau témoignage de Jean-Claude et Anita Aubry
Dans l’hebdomadaire d’informations régionales « l’avenir agricole », daté du 13 novembre, un article présente le témoignage de Jean-Claude et Anita Aubry, que les lecteurs de ce blog connaissent (voir Un couple d'agriculteurs 53 témoigne de son engagement dans l'APLI - 27 octobre 2009).
(…) « A l’APLI, j’ai trouvé des gens responsables qui parlent de prix de revient avec valorisation de la main-d’œuvre et des capitaux. En France, le prix de revient moyen est de 325 €/tonne. Avec rémunération de la main-d’œuvre et charges MSA, cela revient à 425 €. L’APLI demande 400 €/t. Nous souhaitons que tous les producteurs européens vivent décemment de leur métier. Cette année, les éleveurs français vont percevoir 280 €/t moins une flexibilité de 0 à 18 €. M’engager dans l’APLI m’a permis de rencontrer 20 000 à 25 000 producteurs français et européens, depuis le 10 septembre : nous avons tous le même problème ! (…)»
Les producteurs de lait très nombreux à Saint-Lô
Le 17 novembre, à Saint-Lô (Manche), 1 600 producteurs étaient présents pour entendre, notamment, André Lefranc, responsable départemental, Pascal Cousté, responsable breton, et Pascal Massol, responsable national de l’APLI et membre influent de l’EMB, qui regroupe les associations et syndicats de producteurs de lait indépendants, au niveau européen.
La Presse de la Manche (19 novembre) qualifie les échanges d’assez instructifs. « La colère monte de nouveau dans les campagnes. Alors que le prix du lait est à la hausse un peu partout en Europe, en France, on en reste entre 270 et 280 euros la tonne sur la foi de l’accord signé le 3 juin et qui n’a toujours pas été renégocié alors qu’une clause le prévoyait.
Il y a quand même un malaise, regretta le leader manchois André Lefranc. Ceux qui sont censés nous défendre (ndlr : la Fédération nationale des producteurs de lait, branche lait de la FNSEA) continuent de nous enfoncer, dénonça-t-il, tout en reconnaissant que, si on en est là aujourd’hui, on est tous un peu fautifs en ayant laissé les mains libres aux industriels et même aux coopératives, dont les agriculteurs de la base ont perdu le véritable contrôle. C’est à nous aujourd’hui de nous réveiller, d’aller en masse aux assemblées générales des coopératives. Il faut absolument arrêter les cumuls de mandats, les carriéristes, affirma-t-il devant une salle répondant par des applaudissements nourris (…).
André Lefranc, le 20 octobre à La Chapelle-d’Andaine (61)
Producteurs de lait APLI, La Chapelle d'Andaine (61) : Massol satisfait
Depuis plusieurs mois, les producteurs indépendants mettent en cause la représentation unique des producteurs au sein de l’interprofession laitière au CNIEL. Ne parvenant pas à négocier dans l’immédiat leur entrée dans cette entité de droit privé cautionnée par l’Etat, ils ont annoncé mardi soir la création d’un office national du lait, composé essentiellement des producteurs indépendants et des syndicats minoritaires, mais aussi des consommateurs et des distributeurs qui sont tous absents de l’interprofession.
Mettre la pression
Avec l’EMB (la structure européenne des producteurs indépendants), il faut montrer que nous sommes là pour imposer une régulation, un prix rémunérateur et européen. Il faut mettre la pression sur le CNIEL et sur nos élus qui sont en train de finaliser la LMA (loi de modernisation agricole), affirma Pascal Cousté, le vice-président national (…).
Pascal Massol (micro) et Pascal Cousté
le 17 septembre 2009 à La Chapelle-Craonnaise (53) Grève du lait : Pascal Massol (APLI) hier soir à La Chapelle-Craonnaise
Le président national, Pascal Massol, poursuivant : On est à la croisée des chemins, il ne faut pas se tromper pour que des jeunes puissent reprendre derrière nous. Au passage, il émettra des doutes sur le haut comité mis en place au niveau européen, craignant que cela ait été juste fait pour gagner du temps. Il y a aussi de nouveaux produits à faire avec le vrai goût du lait, qui a été redécouvert par les consommateurs depuis cet été avec les dons effectués de places en places (…) ».
Une quarantaine d’élus, certains maires avec leur écharpe, étaient présents dans la salle. « On vous a invités. Bientôt, ce seront les élections régionales, on voudrait connaître les positions de chacun. Traditionnellement, les agriculteurs votent à droite, mais s’il faut voter à gauche, on votera à gauche, prévint Thierry Leservoisier à la tribune qui, pourtant, défend le ministre de l’agriculture face à des critiques dans la salle » (…).
Un vote à bulletins secrets avait lieu à la sortie. Selon André Lefranc, les votes sont étonnants. Sur 783 votants, 90 ont voté non, 413 ont voté pour la grève et 280 pour un épandage. En fait, 88% des votants sont pour participer à une grève par un épandage ».
Dans l’Ain aussi
Dans l’Ain, aussi, les producteurs sont mobilisés - voir un article sur le site du Progrès, le 20 novembre Crise agricole : Pascal Massol annonce le blocage de l'Europe.
Le réveil du marché des produits industriels laitiers ?
Le 20 novembre, Ouest-France apportait une lueur d’espoir. L’article signé Hervé Plagnol était titré Prix en hausse sur les produits industriels laitiers .
Cet article est le 146ème paru sur ce blog dans la catégorie AGRICULTURE et PAC.