Le président n’a rien dit des causes de cette crise
Les déclarations du président de la République, hier, dans la capitale du comté, à Poligny (Jura), ont été l’objet de nombreux commentaires. Les mesures ponctuelles, demandées par la FNSEA, sont justifiées, au regard de la situation de trésorerie des exploitations. Mais il a manqué à ce discours les éléments de compréhension de la situation actuelle de l’agriculture.
Le président aurait été bien inspiré de reconnaître qu’il s’était trompé en laissant l’ancien ministre de l’agriculture, Michel Barnier, approuver la réforme européenne du marché laitier (suppression des quotas et des mesures de régulation).
Son gouvernement a laissé la Commission européenne libéraliser les marchés agricoles, comme le demandait avec insistance, et continue de demander, l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). C’était une grave erreur. Ne pas le reconnaître lui fait perdre beaucoup de crédibilité et rend ses slogans un peu creux.
L’actuel ministre de l’agriculture, Bruno Le Maire, prêche en faveur de la régulation mais il sait que les marges de manœuvre de la France sont réduites, en raison de la règle de la majorité qualifiée qui s’applique aux questions agricoles.
D’ailleurs, ce plan d’urgence, présenté en grandes pompes à Poligny, a été remis à sa place par la Commission européenne qui a indiqué, ce mercredi, « avoir eu vent à travers les médias des aides de 1,65 milliards d’euros proposées par le président français Nicolas Sarkozy aux agriculteurs, et attend désormais des informations plus précises pour vérifier leur légalité » (voir Plan Sarkozy - Bruxelles attend des informations de Paris).
La Commission (sortante, il est vrai) entend bien continuer la politique libérale décidée à Bruxelles par les chefs d’Etat et de gouvernement, dont celui de la France.
Voir l’article paru ce 28 octobre sur le site du quotidien Le Monde : Nicolas Sarkozy veut soulager les paysans face à la baisse des prix agricoles. Extrait :
(…) Dans un projet de document censé guider la refonte du budget communautaire à l'horizon 2013, la Commission européenne fixe les deux objectifs d'une prochaine réforme en profondeur de la PAC : poursuivre sa modernisation, afin qu'elle soit plus compétitive et davantage orientée vers le marché ; "stimuler une nouvelle réduction de la part générale dévolue à l'agriculture afin de libérer des fonds pour de nouvelles priorités européennes" telles que la lutte contre le réchauffement, la sécurité énergétique, l'emploi, etc. Le document note que la part du budget européen consacré à la PAC passera de 61 % à en 1988 à 32 % en 2013, et que "cette tendance à la baisse doit se poursuivre au-delà de 2013, même à scénario constant".
A aucun moment le texte ne fait référence à la régulation. Les mécanismes d'intervention sur les marchés "devraient reculer davantage, pour devenir un véritable filet de sécurité". Il n'exclut cependant pas que les aides européennes soient versées en soutien du revenu des agriculteurs, en échange de missions publiques : la sécurité alimentaire, le changement climatique, l'agriculture durable...
Le président prétend vouloir refonder la PAC comme le capitalisme financier… Il y a de quoi être inquiet, à double titre. D’abord, parce qu’il considère que le capitalisme financier est un modèle à reconstruire. Ensuite, parce que la PAC doit être refondée sur des principes opposés à ceux du capitalisme financier.
"La terre fait partie de l'identité nationale française." Cette autre affirmation du président est hautement contestable, d’abord parce qu’il ferait mieux de parler d’identité républicaine de la France et, surtout, parce que ce « lien charnel avec la terre » renvoie immanquablement à Pétain, qui disait « La terre ne ment pas ».
S’il y a bien quelque chose à refonder dans ce pays, c’est la République. Cela ne se fera pas avec ce président, dont la pensée est confuse sur les thèmes politiques les plus fondamentaux.
Pour prendre connaissance du contenu des déclarations du chef de l’Etat, lire cet article paru sur le site du Nouvel Observateur : Agriculture : Sarkozy annonce un "nouvel élan" et un gros chèque
Cet article est le 143ème paru sur ce blog dans la catégorie AGRICULTURE et PAC.