Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.
Dette, euro, austérité, chômage, comment en sortir ?
Les temps changent, le réel n’est plus virtuel. Le moment décisif (la « crise » en grec) est là. Tout est possible, y compris les drames humains. L’ascenseur social est cassé. Les élites ont perdu la main. Elles découvrent que l’euro est atteint d’un vice de conception, que la crise de la dette, depuis 1999, est une crise systémique. Les peuples, qui étaient mis hors-jeu, la souveraineté et la nation, qui étaient devenues obsolètes, font leur retour.
Comment en sortir par le haut, en France et en Europe ? C’est ainsi que Bastien Faudot a introduit les travaux de cette université d’été du Mouvement Républicain et Citoyen : faire un tour d’horizon des sujets qui comptent.
Samedi 3 septembre : VERS UNE ÉCONOMIE DE PROSPÉRITÉ EN EUROPE
TABLE RONDE N° 1 - L’avenir de la monnaie unique et de l’industrie en Europe. Quelle monnaie pour quelle industrie en Europe ?
L’industrie européenne souffre d’un euro cher qui affaiblit sa compétitivité et provoque de nombreuses délocalisations. Simultanément, la monnaie unique arrive à épuisement avec la crise de la dette souveraine, qui exacerbe les logiques centrifuges. La perspective d’un éclatement de la zone euro, hier improbable, est jugée inévitable aujourd’hui par de nombreux observateurs. Quelle politique monétaire doit être imaginée au service de la croissance et de l’emploi ? Peut-on encore « sauver » l’euro et à quelles conditions ? A défaut, faut-il en organiser la sortie et comment ? Quelles en seraient les conséquences ?
Animation : Julien Landfried. Intervenants : Alain Cotta et Yves Le Hénaff.
Alain Cotta, universitaire.
L’euro est une monnaie politique, source de croissance nulle et de chômage en France, de déficits (commercial et budgétaire). Le mieux serait le retour à une monnaie commune, redonnant leur liberté aux politiques nationales, avec création de deux euros, l’un pour l’Europe du sud, l’autre pour l’Europe du nord. Il n’y aura pas de sortie tranquille de l’euro. Cela se fera par des mouvements sociaux, et non sans désordres.
Il n’y a plus d’industrie en France (cela n’a jamais été la spécialité française). On ne peut pas compter sur le patronat privé, pas plus que sur les banques. La position du PS, qui ne veut pas les nationaliser, est incompréhensible.
Le néolibéralisme est la mondialisation qui ne veut plus des nations. L’enjeu est l’existence de la nation, française notamment. C’est elle qui est en cause, comme en 1939-40.
Yves Le Hénaff, cadre bancaire.
La crise de l’euro est irréversible, en raison des déséquilibres commerciaux. Quelle Europe construire ? A l’origine des difficultés actuelles, il y a, en 1985, le marché unique, la libre circulation des facteurs de production, notamment des capitaux, intra-européens et internationaux, la suppression de la préférence communautaire (européenne) par le traité de Maastricht.
Autour des années 2000, trois évènements ont contribué à accentuer les divergences économiques, condamnant l’euro : l’entrée de la Chine dans l’OMC (à l’origine des déséquilibres commerciaux), la création de l’euro (rendant impossibles les ajustements monétaires), la suppression de la séparation entre les banques commerciales et les banques d’investissement.
Les économies continuent de diverger sous l’effet d’une dynamique inégalitaire (la spécialisation des régions en Europe) pouvant provoquer des mouvements migratoires de grande ampleur. Mrs Thatcher avait raison en proposant la monnaie commune, plutôt que la monnaie unique. L’euro actuel est une construction artificielle, non démocratique.
TABLE RONDE N°2 - Echapper à la thérapie de l’austérité en Europe et sortir du piège de la dette
En apportant les garanties nécessaires pour éviter le naufrage bancaire et la panne de liquidités, les Etats se sont fragilisés. Les dettes publiques se sont accrues en recyclant l’endettement privé. Inféodés aux injonctions des agences de notations, les Etats peinent à lever l’emprunt sur les marchés. L’augmentation des taux (qui ont dépassé 20 % en Grèce) empêche les Etats d’honorer le service de la dette. Dans cette situation d’impasse, l’Union européenne a mis en place des dispositifs de soutiens assortis de politiques d’austérité sans précédents. D’une part les mécanismes d’aide s’avèrent insuffisants en volume, d’autre part l’orthodoxie budgétaire aggrave le mal qu’elle prétend combattre : les recettes des Etats se contractent plus rapidement que la réduction des déficits. Comment sortir du piège de la dette et offrir une autre perspective que la cure d’austérité à laquelle les gouvernements européens se sont livrés ? Faut-il restructurer et relocaliser la dette des Etats ?
Animation : Patrick Quinqueton. Intervenants : Antonella Stirati et Henri Sterdyniak.
Antonella Stirati, économiste, universitaire (Rome).
Il faut considérer les dettes publiques et privées (le Royaume Uni est mal placé sur ce point). La spéculation financière affecte la périphérie de l’Europe. Pourquoi l’Europe ? Parce que cela ne concerne que les pays qui n’ont pas la garantie d’une banque d’émission. Les USA et le Japon ne présentent pas de risque de faillite parce qu’ils disposent d’une monnaie nationale et d’une banque centrale.
La cause des problèmes européens, ce sont les déséquilibres internes à l’Europe, la perte de compétitivité sur les marchés européens. La thérapie utilisée aggrave la maladie, provoquant une crise de la demande agrégée et nécessitant l’intervention de la Banque centrale européenne afin de maintenir le plus bas possible les taux d’intérêt de tous les pays, en priorité ceux qui sont en difficulté. L’Allemagne devrait augmenter sa demande intérieure par la croissance des salaires, plus que par l’augmentation de la productivité. Il y a un espace pour des politiques différentes en Europe, mais ce n’est pas possible actuellement, ce qui pose la question du prix des services publics.
Henri Sterdyniak, économiste (OFCE).
Les finances publiques ne sont pas responsables de la crise financière. Entre 2007 et 2010, il n’y a pas eu de gonflement des dépenses publiques mais désarmement fiscal. Avec le gonflement de l’endettement des ménages et la masse de capitaux en recherche de placements, la perte de recettes fiscales a été la conséquence de la diminution de l’activité économique.
C’est la domination du capital sur le travail qui est la cause de la crise et de l’instabilité. Les classes dirigeantes ont lancé la contre-révolution libérale, qui consiste à prendre de l’argent aux plus pauvres.
Les pays de la zone euro, qui ne sont pas solidaires, sont pris dans la spirale infernale des réformes libérales et de l’autoréalisation des marchés. Le Fonds monétaire international est invité à intervenir dans la zone euro, alors que les pays d’Asie, instruits par l’expérience, jurent de ne plus jamais faire appel à cet organisme.
L’Allemagne devient un pays de plus en plus inégalitaire, où les pauvres sont de plus en plus nombreux. La Commission européenne prône l’austérité et les pays du sud de l’Europe font défaut. La zone euro est une erreur. Il faudrait interdire aux agences de notation de noter les dettes publiques, placées sous la garantie de la BCE et il faudrait créer une banque européenne d’investissement pour le développement.
TABLE RONDE N° 3 - Renversement, retournement, démondialisation, fin du libre marché : les contours d’une nouvelle souveraineté
Un vent nouveau anime le débat en matière économique : face aux défaillances du capitalisme financier, des voies de rupture semblent préfigurer un retour de l’histoire. Nombre d’intellectuels et d’économistes empruntent les voies d’une déconstruction du modèle de la globalisation. Pris dans l’étau des politiques d’austérité, les peuples européens protestent activement et manifestent leur désir de s’approprier leur destin. Face à l’impuissance des modèles sociaux démocrates et libéraux conservateurs, la question de la souveraineté et de la puissance politique revient au centre du jeu. Selon quelles modalités ? Dans quel cadre institutionnel ? A quelle échelle ? La crise politique peut-elle encore être évitée ?
Animation : Bastien Faudot. Interventions : Bruno Moschetto et Hervé Juvin.
Bruno Moschetto, auteur de livres sur le système économique et financier.
Notre histoire, ces 50 dernières années, est celle des abandons de souveraineté :
- le traité de Rome en 1957 (politique commerciale)
- le traité de Maastricht en 1992 (double fixisme, monétaire et cambiaire, suivie en 1997 du fixisme budgétaire).
Les banques devraient soutenir l’action de l’Etat. Elles sont obligées d’accroître leurs fonds propres en même temps que leurs crédits (pour 100 de crédit, 10 de fonds propres). Quand leurs actifs se contractent (exemple : défaut de la Grèce), elles doivent rehausser leurs fonds propres. Dans le cas où elles seraient dans l’impossibilité de trouver des capitaux, elles devraient être nationalisées.
Le financement des dettes souveraines est un faux problème, si l’endettement est dans la propre monnaie de l’Etat concerné car l’Etat est toujours là (différence avec les ménages). Et toutes les dettes ne sont pas à rembourser (seulement les échéances principales). Ne pas faire de catastrophisme. L’important est que le débiteur paie ses intérêts. Dans ce cas, il trouve toujours un prêteur, car les prêteurs ont besoin d’emprunteurs.
Cette crise est plus grave que les précédentes. Nous sommes entrés dans un cycle infernal de contraction de la croissance économique (déflation salariale d’origine chinoise).
Les produits financiers de substitution ont amené la crise des subprimes, puis celle des dettes souveraines, en attendant celle des PME (contraction des crédits à court terme). En 2013, ce sera la crise de l’endettement des entreprises.
On peut se protéger contre la mondialisation financière, en séparant les banques de la lumière des banques de l’ombre et en adoptant des mesures contre le dumping social.
Il faut retrouver notre souveraineté et se protéger de l’Union européenne (l’Allemagne devient l’atelier de l’Europe). En cas de retour à la drachme, la Grèce retrouverait une croissance à la turque. Il y a aussi l’impôt sur la monnaie (l’inflation), prélèvement obligatoire, qui pourrait rapporter 60 milliards d’euros. Actuellement, la BCE administre des médicaments pour lutter contre l’inflation, alors qu’il n’y en a pas besoin.
Hervé Juvin, économiste, auteur de « Le renversement du monde » (Gallimard, 2010)
Le problème est de sortir de l’économie financière. D’abord, les éléments historiques.
La crise de 1929 marque le transfert du pouvoir de l’Europe vers les USA. Actuellement, c’est le dogme de l’interdépendance qui est en cause. Pourquoi ce renversement du monde dans nos têtes ? Ces questions sont liées au fait que les emprunts d’Etat français sont détenus par des investisseurs étrangers (à hauteur de 40 à 60%). Au Japon, 93% de la dette d’Etat est détenue par les Japonais. Les pays qui résistent à l’interdépendance sont l’Inde, la Chine. Ils ne sont pas concernés directement par le problème.
L’origine de cette crise se situe aux USA (président Clinton). Pour ne pas augmenter les impôts, il a accepté le s prêts sans garantie (subprime) pour l’accession au logement. L’idéologie de l’interdépendance, c’est que tout va mieux quand on supprime les cloisons. Mais le risque est plus grand quand il s’agit d’éteindre l’incendie.
Nous assistons à un nouvel épisode de la crise, qui nous conduit à un autre état du monde. Peut-être parce que l’euro s’est attaqué au dollar… Un tour du monde montre que plus personne ne se préoccupe de ce qui est juste et moralement bien. De nombreux pays ont menti (pas seulement la Grèce) dans la transmission de leurs statistiques à Eurostat. Cela se paie. Les Etats qui peuvent faire adopter une réforme fiscale peuvent s’engager dans un cycle vertueux de la construction européenne.
La page de la seconde guerre mondiale est tournée (le chancelier Kohl l’avait bien compris, lui qui voulait faire l’euro avant que la page soit complètement tournée). Pour sortir de la crise, il va falloir trouver autre chose que Jean Monnet, sans parler de la question démocratique.
La crise politique aux USA est très profonde. Ce n’est plus une démocratie (refus de payer l’impôt fédéral, un ajout aux droits de l’homme ; Marcel Gauchet disait « Les droits de l’homme ne font pas une politique »). Il y a un recul des démocraties, des institutions, de la fiscalité, du fonctionnement social. Il n’y a pas de débat sur l’économie. La dette, les déficits, phagocytent les débats politiques. On peut s’inquiéter de constater que le « faire société », c’est une notion opaque pour les Français.
Le protectionnisme ? L’idéologie libre-échangiste sert les intérêts des USA. La plupart des entreprises privées chinoises (80%) sont contrôlées par l’Etat. Il ne faut pas être naïfs, mais l’Union européenne l’est. Le commerce a servi les USA, c’est historiquement évident. La nationalisation n’est probablement pas la bonne solution mais on pourrait reconstruire en proposant des titres de dettes directement aux Français.
On peut vraiment regretter la privatisation des activités de services. Avoir privatisé les sociétés d’autoroute est un péché contre l’esprit. Le déficit démocratique est très important. Le fossé s’élargit entre l’espace médiatique public et la réalité de ce que les citoyens vont vivre.
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Cet article est le 98ème paru sur ce blog dans la catégorie MRC national.