L’alimentation c’est la santé, l’agriculture y contribue
Les conférences organisées par l’université rurale du pays de Craon, en Mayenne, sont de grande qualité. J’avais pu le vérifier en y participant, puis j’avais coupé depuis quelques années.
Bernard Gemin, ami lecteur de ce blog, m’ayant transmis le compte rendu de la conférence du 14 avril 2011, je crois bon d’en reprendre des extraits ici. C’est une façon de saluer le remarquable travail réalisé par Jean-Yves Laurent et l’équipe qui l’entoure (voir [ Université Rurale du Pays de Craon ] et Comptes rendus de conférences).
Environ 60 personnes ont participé - au centre administratif intercommunal de Craon - à la conférence de Valentin BEAUVAL, ingénieur agronome qui était encore récemment agriculteur près de Saumur (49), en Anjou, syndicaliste à la Confédération paysanne, spécialiste des questions agricoles internationales. Conférence organisée par l’Université Rurale du pays de Craon en partenariat avec l’Antenne Solidarité du diocèse de la Mayenne.
Thème de cette conférence : L’alimentation n’est-elle pas notre première médecine ? Comment l’agriculture peut-elle y contribuer ?
1. Faim et obésité, deux situations opposées mais trop fréquentes sur notre planète
Le monde a connu et connaît encore des famines. Les raisons en sont multiples : guerres, déplacements de populations, accidents et changements climatiques. La faim est encore très présente dans le monde : en Afrique mais également en Asie et, d’ailleurs, essentiellement dans le monde paysan (…)
L’obésité est une maladie des pays riches due essentiellement aux excès de sucres et graisses dans l’alimentation, le manque d’activité, la consommation de produits et plats préparés, le grignotage…
Depuis 1960, dans notre alimentation, la part de viande a diminué, surtout en viande bovine. La part de produits préparés à base de viande a plus que doublé. La part de poisson a doublé surtout en produits préparés. La part des œufs a diminué.
La part de légumes frais a diminué surtout en légumes secs. La part de conserves et produits préparés à base de légumes a augmenté
Les pays européens et d’Amérique du nord consomment beaucoup plus de viande que la moyenne du monde. L’Inde et l’Afrique beaucoup moins. Les chinois mangent beaucoup de fruits et légumes. Les indiens et africains, beaucoup de céréales
Le type de consommation n’est pas uniforme dans le monde. Il faut tenir compte que les peuples, de générations en générations, se sont adaptés au potentiel de production animale ou végétale local (nature des terrains, climat,…). Exemple : les Inuits ont une forte consommation carnée, les Peuls une forte consommation lactée, les japonais une forte consommation de poissons,…
Mais les organismes humains se sont aussi adaptés. Par exemple, les européens, contrairement aux chinois, ne disposent pas d’enzyme capable de digérer le soja.
La planète produit actuellement environ 2,5 milliards de tonnes de céréales (en incluant les calories des tubercules). Environ 350 kg disponible par habitant et par an dont 150 kg consommés par les humains et 200 kg pour les animaux.
En Inde, on consomme en moyenne 160 kg de céréales par an, des légumes, des produits laitiers et très peu de viande. En Chine, la consommation moyenne de céréales par habitant serait proche de la moyenne mondiale (370 kg, dont 200 kg utilisés en alimentation animale).
Vu leur régime alimentaire, un Américain et une partie des Européens consomment en moyenne 900 kg de céréales par habitant et par an…
Il faudrait 4 planètes si tous les habitants du Monde adoptaient le régime alimentaire des Américains.
Dans beaucoup de pays d’Asie (continent où vit 60 % de la population mondiale), chaque habitant ne dispose aujourd’hui en moyenne pour se nourrir que de 10 ares cultivables dont 5 ares pouvant être cultivés en céréales.
Quel rendement est nécessaire pour un régime alimentaire à 350 kg de céréales par personne ? 70 Quintaux /ha. Pour rappel, aux USA, le rendement moyen est de 25 à 40 qx/ha, en Europe : de 50 à 80 qx/ha en conventionnel et 30 à 60 qx/ha en bio.
Dans la majorité des cas, on ne peut atteindre ces niveaux de rendement sans irrigation et sans une notable intensification, avec les risques environnementaux que cela induit souvent…
Et pour un modèle alimentaire de type USA ? Environ 90qx/ha. Ce chiffre s’explique par la consommation importante de viande dont la production nécessite beaucoup de consommation de céréales. NDLR Il faut environ 2 à 3 kg de céréales pour produire 1 kg de viande de volaille, 3 à 4 kg de céréales pour produire 1 kg de viande de porc, 7 à 10 kg de céréales pour produire 1 kg de viande de bœuf (attention néanmoins pour la viande bovine, le bovin, comme l’ovin, est un ruminant qui peut aussi être alimenté uniquement à base d’herbe. Dans ce cas, il ne consomme pas de céréales et valorise des surfaces qui ne seraient pas forcément exploitables en céréales : montagne, marais,). Les porcs et volailles sont des monogastriques qui ne peuvent grossir qu’à base de céréales.
2. Comment définir une alimentation saine ?
Une alimentation répondant le mieux possible aux différents besoins de notre corps, que ce soit :
- Sur le plan quantitatif : les calories nécessaires (venant principalement des glucides et lipides) ; les protéines ; les vitamines ; les minéraux, etc…
- Sur le plan qualitatif : équilibre des acides aminés essentiels ; des acides gras essentiels (oméga3, 6); des vitamines ; des minéraux assimilables, …
- Mais aussi, le moins possible d’éléments toxiques (phytosanitaires,…) pour l’organisme ni de déséquilibres alimentaires pouvant favoriser des problèmes cardiaques, des cancers, du diabète, …
- Et bien sûr, une alimentation saine sur le plan sanitaire.
Que penser de la diététique ?
• Discipline importante mais elle rencontre plusieurs difficultés :
– Les humains ne sont pas des animaux de laboratoire et on ne peut faire sur eux les mêmes expériences que celles faites avec les souris ou les poulets. On manque donc d’expérimentations statistiquement validées.
– Les régimes alimentaires des sociétés humaines de notre planète sont très variés => Pas de normes universelles ! (comme pour les bovins)
– Les besoins alimentaires varient fortement d’une personne à l’autre et aussi en fonction de l’âge, du mode de vie, des activités physiques => Les normes moyennes n’ont qu’un sens limité.
• En lien avec les observations précédentes, que penser des régimes alimentaires pour maigrir ? de certains alicaments ? Etc…Il faut être très prudent
3. Ce que les études sur le cancer, les maladies cardiaques et le diabète nous enseignent :
• Le cancer coûte près de 11 milliards € de dépenses de santé en 2004 (France).
Il y a des facteurs aggravants : mode de vie, mauvaise alimentation, facteurs environnementaux hors alimentation, …
On note une forte augmentation des cancers en occident :
Aux USA, 55 cas de cancer du sein pour 100.000 femmes en 1945 et 140 maintenant
- Évolution semblable aux USA et en France pour cancers de la prostate ou du colon
- En France, le nombre de cancers du cerveau serait triple pour les personnes nées en 1950 en comparaison de celles nées en 1910
Ces 3 formes de cancers seraient 4 fois moins nombreuses au Japon et 9 fois moins en Chine. Par contre, Hongkong et la ville chinoise de San Francisco auraient des chiffres proches de l’Occident. Et les grandes villes chinoises évolueraient dans le mauvais sens.
• Les maladies cardiaques (ou « pathologies cardiovasculaires ») :
Coût pour la société = 13,6 milliards d’euros sur un total de 107,6 milliards d’euros de soins en 2007
Facteurs aggravants : mauvaise alimentation, manque d’exercice, génétique, …
• Le diabète : Près de 3 millions de personnes en France en 2010 (livre blanc sur le diabète publié en 2011). Coût pour la société = 12,5 milliards d’euros auxquels viennent s’ajouter 5 milliards d’euros de coûts « indirects » en 2007
Facteurs aggravants : obésité ; vieillissement ; manque exercice
• Autres troubles liées à notre alimentation : hypertension, stérilité masculine (?) …
Þ Les effets de tous ces polluants chimiques sur notre santé ont été peu étudiés (comparativement aux nombreuses études réalisées sur les microbes).
Þ Une part importante de nos problèmes actuels de santé est liée à notre environnement, à nos modes de vie et régimes alimentaires et, selon de nombreux scientifiques, à certains produits chimiques auxquels nous sommes exposés.
4 - Ce qui a changé dans notre alimentation et nos modes de vie depuis la seconde guerre mondiale :
- Multiplication par 2 de la consommation de sucre et d’aliments à index glycémique élevé, ce qui accroîtrait les inflammations (=> lesquelles favoriseraient le cancer)
- Forte augmentation de la consommation de viande et réduction de la consommation de légumineuses
- Augmentation de la consommation d’huiles végétales hydrogénées et ratio « oméga3/oméga 6 » déséquilibré
- Réduction de l’exercice physique de personnes qui mangent trop, trop gras et trop sucré (=> trop de calories)
- Beaucoup plus de pesticides dans nos champs et d’antibiotiques dans nos élevages
- Moins de pâturages et une part très importante du lait et de la viande est produite avec le duo Maïs-Soja (=> le ratio oméga 6 sur oméga 3 aurait été multiplié par 7 pour le beurre, 12 pour le porc, 16 pour le bœuf, 20 pour les œufs, …)
- Développement des produits préparés par les industries agroalimentaires et les firmes de la restauration collective avec, en parallèle, beaucoup de sucre, de sel, d’acides gras saturés et x conservateurs et additifs chimiques, …
Dépenses de santé
• 107,6 milliards d’euros de dépenses de soins en France en 2007 dont près de la moitié pour des maladies pouvant être favorisées par une mauvaise alimentation.
• A comparer aux 60 à 70 milliards d’euros = valeur de la production agricole française en 2009 (dont une partie est exportée).
• en France, en 2008, les dépenses totales de santé ont été d’environ 2300 euros par habitant soit 11% du PIB (elles étaient d’environ 1800 euros en 1990 – Aux USA, elles représentent aujourd’hui16% du PIB).
• En France en 2009, les dépenses alimentaires étaient de 2 640 euros par habitant (source INSEE)
• => Si on suit l’évolution des USA, nos dépenses de santé par habitant vont bientôt dépasser nos dépenses alimentaires. Est-ce raisonnable ? (…)
Résumé des préconisations de David Servan Schreiber, médecin (…)
5 - Quelles formes d’agriculture peuvent contribuer à une alimentation plus saine ? (…)
Christian Rémésy, chercheur et nutritionniste, a développé dans le cadre de l’Inra une approche originale de la nutrition en approfondissant le rôle protecteur des produits végétaux. Il a exploré les bases d’une nutrition préventive, avant d’élargir sa démarche à l’alimentation durable. Il a notamment écrit « Que mangerons-nous demain ? »
Cet article est le 222ème publié sur ce blog dans la catégorie AGRICULTURE et PAC.