Le bloc gestionnaire (FNSEA-JA) face à deux contestataires (CP et CR)
Dans la Région des Pays de la Loire (Loire-Atlantique, Maine-et-Loire, Mayenne, Sarthe et Vendée), les élections des agriculteurs dans les Chambres d'agriculture ont lieu tous les six ans, comme partout en France. Voir (Wikipédia) Chambre d'agriculture en France.
En 2019, les listes FNSEA-JA (Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles et Jeunes agriculteurs) étaient majoritaires dans les cinq départements. La 2ème place était occupée par les listes de la Coordination Rurale dans trois départements (Maine-et-Loire, Sarthe et Vendée) et par les listes de la Confédération paysanne dans deux départements (Loire-Atlantique et Mayenne). C'était l'inverse pour la 3ème place, entre la Confédération paysanne (trois départements) et la Coordination Rurale (deux départements).
Voir (Terre-net, 8 mars 2019) : Tous les résultats des élections chambres d'agriculture 2019.
En 2013, voir (France 3 Régions, 7 février 2013) : Pays de la Loire: résultats des élections aux Chambres d'agriculture.
En 2025, le quotidien Ouest-France (Claire Robin et Nathalie Tiers, 10 janvier) a présenté les enjeux de ces élections de janvier en Pays de la Loire. Voir Les agriculteurs appelés à désigner leurs représentants.
Le monde agricole est appelé aux urnes. Jusqu’au 31 janvier, les 32 000 chefs d’exploitations des Pays de la Loire désignent en effet leurs représentants dans les Chambres d’agricultures des départements, qui éliront à leur tour les membres de la Chambre régionale.
Pour les candidats, gagner la Chambre, cette mégastructure aux 800 salariés, régionalisée en cours de mandat, c’est aussi accéder aux principaux lieux de décision (notamment au sein des services de l’État) sur les questions de foncier, d’installation, d’irrigation… Lourd d’enjeux. Localement, déjà, dans une région où l’agriculture occupe 67 % de la surface, générant un chiffre d’affaires de 6,5 milliards d’euros, plus du double de celui des Chantiers de Saint-Nazaire ! Mais aussi au niveau national, ces scrutins déterminant, au bout du compte, l’assemblée de Chambres d’agriculture France. Lors de ce dernier mandat, les Pays de la Loire avaient occupé une place stratégique dans cette instance puissante, le Sarthois Claude Cochonneau l’ayant présidée jusqu’à son décès, en 2019.
Quels sont les rapports de force ?
Si on retrouve cette année les mêmes candidats qu’en 2019 : la FNSEA alliée aux JA (Jeunes agriculteurs), la Coordination rurale et la Confédération paysanne, le monde agricole a changé. Les crises successives, du Covid à l’inflation, en passant par les mobilisations de l’hiver dernier et la tentative d’« acte II », rebattront-elles les cartes ?
Les syndicats n’ont pas communiqué l’évolution du nombre d’adhésions, mais la FNSEA et les JA, majoritaires au sein des chambres sortantes présidées au niveau régional par François Beaupère (qui ne se représente pas), restent très ancrées dans le paysage. Il y a un an, ils ont confirmé leur capacité à mobiliser leurs troupes et à peser dans les décisions prises en réponse à la crise.
Jusqu’à quel point conserveront-ils leur leadership ? En Sarthe comme en Vendée, où ils avaient fait leurs meilleurs scores, les syndicats majoritaires avaient quand même perdu du terrain en 2019. Et la possibilité d’une faible participation aux élections ne leur est pas forcément favorable. « Notre pire ennemi, c’est l’abstention, qui fausse la représentativité », souligne d’ailleurs Dominique Rousseau, président de la FRSEA.
S’y ajoute la crainte d’une montée du vote contestataire. Proche de la Nouvelle-Aquitaine, région où la Coordination rurale pilote aujourd’hui deux chambres, la Vendée fait l’objet d’une attention particulière du syndicat des bonnets jaunes. Comme le Maine-et-Loire, où elle avait fait sa meilleure performance voilà six ans.
Le résultat de la Confédération paysanne en Loire-Atlantique, où le syndicat fonde son principal espoir de victoire, pourrait aussi bousculer l’ordre établi. Il avait vu la victoire lui passer sous le nez en 2019 : arrivé en tête avec deux voix d’avance, le syndicat avait finalement perdu l’élection après le recours de la FNSEA. Mais l’arrivée de nouveaux agriculteurs dans ce département où « la Conf’» avait mené ses principales actions l’hiver dernier, pèsera aussi dans la balance.
Du vigneron au céréalier irriguant, du maraîcher bio à l’éleveur de volailles, les visages de l’agriculture des Pays de la Loire changent, avec des façons d’appréhender le métier parfois contradictoires. Qu’il s’agisse d’une richesse ou d’un frein, le futur bras armé de l’agriculture dans cette région qualifiée à raison de « petite France », devra composer avec cette hétérogénéité.
Les défis qui attendent l’agriculture régionale, du renouvellement des générations…
D’autres défis attendent l’agriculture régionale ces prochaines années. Car les Pays de la Loire ont aujourd’hui atteint le pic des départs à la retraite. Le nombre de cessations d’activité en agriculture va maintenant décroître. Si, en face, les installations demeurent stables, elles ne compensent pas les 1 500 départs annuels : pour dix agriculteurs qui arrêtent, seulement six nouveaux prennent le relais. Alors, les fermes s’agrandissent (+ 18 hectares en moyenne entre 2010 et 2020) et la figure du fermier entrepreneur individuel s’efface, au profit de formes sociétaires, de plus en plus habituées à faire appel à de la sous-traitance ou du salariat. La « ferme Pays de la Loire » compte ainsi 24 559 salariés en CDI, un effectif qui croît d’année en année, croisant la courbe parfaitement inverse du nombre de chefs d’exploitation.
Cette tendance de fond bouscule les rapports de force, avec parfois des crispations sur les questions de partage des terres. On l’a vu à Denée, près d’Angers, où la reprise d’hectares a fait s’affronter plusieurs projets de repreneurs, la Safer – le gendarme du foncier rural – donnant finalement son feu vert au scénario où la majorité des hectares était donnée pour des agrandissements plutôt que de nouvelles installations.
… au dérèglement climatique…
Risque du gel printanier sur la vigne et l’arboriculture, apparition de nouveaux ravageurs, semis compromis par les intempéries… Les agriculteurs ont coutume de dire qu’ils sont les premières victimes du réchauffement climatique et l’année 2024 leur a une nouvelle fois donné raison, avec des récoltes parmi les pires vues en Pays de la Loire.
À l’avenir, avec des sécheresses aussi intenses que celle de 1976 qui pourraient survenir une année sur deux, la capacité à irriguer restera capitale et elle est déjà sources de tensions, des « mégabassines » de Sainte-Soline au sud Vendée où 600 irriguants mènent une bataille juridique, car ils contestent les trop faibles autorisations de prélèvements d’eau.
Responsable du tiers des émissions de gaz à effet de serre (surtout à cause du méthane émis par les ruminants), l’agriculture régionale porte aussi une part de la réponse à la crise climatique, avec la production d’énergies renouvelables, du solaire à la méthanisation. Mais là aussi, les porteurs de projets déchantent parfois, face notamment à une société de plus en plus regardante sur la dimension des projets (abandon du projet méthaniseur à Corcoué-sur-Lorgne, en Loire-Atlantique) comme au risque de voir s’effacer la vocation nourricière des terres (affaire de la ferme solaire de Mauges-sur-Loire, dans le Maine-et-Loire).
…en passant par l’avenir de l’élevage
Sur 6,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires réalisés en 2021 par l’agriculture régionale (5e rang national), plus de 60 % venaient de l’élevage. La région est championne nationale de la production de viande bovine ; numéro deux en porc, volaille, œufs, alimentant ainsi le premier secteur industriel régional : l’agroalimentaire (773 entreprises, parmi lesquelles trois des dix plus gros groupes français : Lactalis, LDC et Terrena). Mais le prix à payer de ces débouchés de proximité est parfois lourd, lors des crises sanitaires comme l’influenza aviaire, ou lorsque l’aval veut réduire la voilure, à l’image de Lactalis, qui a décidé de cesser de collecter chez 120 éleveurs dans l’Ouest. Ce n’est pas tout : de Sablé-sur-Sarthe (Bigard) aux Herbiers (Elivia), « l’avenir des outils d’abattage interpelle aussi de nombreux agriculteurs », souligne Eudes Gourdon, porte-parole régional de la Confédération paysanne. Plus de 20 000 chefs d’exploitation, aujourd’hui, sont des éleveurs. Leur activité façonne les paysages avec la moitié de la surface agricole faite de prairies, du pâturage et du bocage. Autant d’éléments favorables au stockage de carbone, à la qualité de l’eau et à la biodiversité, la Stratégie nationale bas carbone faisant dans ce cadre la promotion des pratiques agroécologiques et de la hausse de la production de légumineuses. « Il faut faire perdurer l’élevage car c’est le moteur de la fertilité des sols », estime aussi Loïc Crespin, de la Coordination rurale.
Rappel : - (30 déc. 2024) Elections des agriculteurs aux Chambres d'agriculture en janvier 2025
- (10 janvier 2025) Elections Chambres d'agriculture : la Confédération paysanne confiante
- (13 janvier) La Coordination Rurale veut des mesures de protection des agriculteurs
- (16 janvier) Débat Agriculture : les différences majeures entre les listes syndicales
Cet article est le 3429 ème sur le blog MRC 53 - le 500ème, catégorie AGRICULTURE et PAC
Article paru le 18 janvier 2025 sur http://mrc53.over-blog.com/