Benoît Hamon personnalise la gauche de demain
Le congrès rassemble les délégués départementaux des adhérents ; il a pour objet de décider des orientations du parti et de désigner les militants qui exerceront les responsabilités exécutives, au nom des adhérents, jusqu’au prochain congrès.
Le congrès du PS, réuni à Reims les 14, 15 et 16 novembre 2008, s’est achevé sur un constat d’échec et une impression d’incapacité pour ce parti à décider de son propre avenir, ce qui n’est pas de bon augure pour un parti qui prétend à des responsabilités nationales majeures.
Le parti socialiste n’a pas réussi à survivre correctement à François Mitterrand. En 1990, au congrès de Rennes, les dauphins (Fabius, le préféré du président de la République, et Jospin, le préféré du premier ministre) se sont heurtés de front, provoquant une énorme crise de crédibilité politique.
Les élections législatives de 1993 ont sanctionné cette rivalité déplacée. Le PS a perdu ses militants. Henri Emmanuelli a assuré la transition. Lionel Jospin est revenu, a été élu par les adhérents pour être le candidat du PS à l’élection présidentielle de 1995. Puis il a retrouvé les manettes qu’il avait laissées en 1988, en entrant au gouvernement. C’est à son initiative que de nouvelles règles de désignation des responsables du PS (aux différents niveaux, national, départemental et local) ont été adoptées.
A partir du congrès de Brest, en 1997*, le PS a élu ses dirigeants de la façon suivante :
- le conseil national (parlement) et les conseils fédéraux (et de sections) sont élus à la proportionnelle des votes sur les motions d’orientation signées par les candidats aux responsabilités à tous les niveaux (il est complété par les premiers secrétaires fédéraux – départementaux - membres de droit**).
- les responsables exécutifs à tous les niveaux (premier secrétaire, premiers secrétaires fédéraux, secrétaires de section) sont élus par l’ensemble des adhérents concernés, dans la semaine qui suit le congrès.
L’installation du Conseil national a lieu le samedi qui suit (cette fois-ci, ce sera le 29 novembre, soit avec une semaine de décalage, compte tenu de l’incertitude qui règne depuis le congrès de Reims).
Il élit un bureau national (à la proportionnelle des motions) en son sein et un secrétariat national (gouvernement du parti), sur proposition du premier secrétaire.
C’est le même dispositif pour les conseils fédéraux dans les départements, ensuite.
Depuis 1997, l’application de ces règles n’a pas été difficile, Lionel Jospin ayant choisi son successeur quand il était premier ministre en 1997, et François Hollande ayant été réélu facilement à chaque congrès, soit à l’issue d’accords (synthèses entre motions) passés en commission des résolutions, soit sans accords (sa motion étant majoritaire après le vote des adhérents).
Le congrès de Reims était plus incertain, en raison de la décision de François Hollande de ne pas solliciter un 4ème mandat, d’une part, et de la division des dirigeants sur les orientations à prendre, d’autre part.
En fait, les protagonistes du congrès de Rennes (le choc entre Fabius et Jospin) sont toujours là et le PS ne sait toujours pas ce qu’il est réellement, où il veut aller et pour quoi faire. Car Lionel Jospin a tout verrouillé depuis 1997, et surtout 2002. Son successeur a manœuvré avec habileté, mais sans jamais poser les questions stratégiques, sachant très bien que son parti risquait l’éclatement.
Le vrai problème, c’est que le PS n’est plus socialiste depuis longtemps, depuis le choix de 1983 que Lionel Jospin a qualifié de parenthèse, mais qu’il n’a jamais pu refermer. Ce sont les évènements qui ont conduit le président Mitterrand et le gouvernement Mauroy à abandonner le terrain de la gauche pour promouvoir la rigueur sociale imposée par l’Europe libérale, favoriser la concurrence à l’intérieur de l’Europe, le libre-échange à l’extérieur, et préparer la monnaie unique, ce qui impliquait de lier le franc au mark. Le premier secrétaire a accepté ces décisions et ces orientations, qui n’ont plus jamais été discutées au sein du PS.
En 2005, Laurent Fabius a commis l’irréparable outrage en se prononçant pour le non au traité constitutionnel européen et en faisant campagne, de même que Henri Emmanuelli et Jean-Luc Mélenchon, contre la constitutionnalisation de l’Europe libérale.
Mais le débat n’en a pas pour autant été relancé dans les instances du PS. Au contraire, les partisans des traités européens ont voulu imposer cette ligne de clivage en vue du congrès de Reims.
Ils se sont regroupés autour de Bertrand Delanoë, espérant être majoritaires à eux seuls. La décision de Martine Aubry de faire motion à part, avec Laurent Fabius et les amis de Dominique Strauss-Kahn, a ruiné ces espoirs.
Pire, le fait d’être devancé par la motion de Ségolène Royal a causé un traumatisme chez les proches de Lionel Jospin. Ils ont demandé à Delanoë de soutenir Aubry, afin de faire barrage à Royal. Le maire de Paris n’a pu éviter de contredire ses déclarations de congrès, ce qui n’a pas plu aux partenaires de motion.
En effet, les uns (dans l’ouest et le sud-ouest) s’apprêtent à passer des accords avec Royal, afin d’être majoritaires dans leurs départements, et les autres (proches du premier secrétaire sortant) ont l’intention de voter Hamon, discrètement.
Cette pression jospiniste sur le vote des militants le 20 novembre a pour but de placer Aubry en position favorable pour le second tour, le 21 novembre (par exemple, autour de 45%, devant Royal, en espérant une érosion du vote Hamon).
Jospin, Fabius et Rocard, même combat contre Royal. Le congrès de Rennes a, enfin, trouvé sa majorité ! Qu’en pense Mitterrand ? Dans l’esprit d’Epinay, il est Royal et s’apprête à jouer un sale tour à ses ex-dauphins réunis : il prépare une alliance avec Hamon, dont les positions ressemblent à celles de Chevènement à Epinay. Car il faut donner un coup de neuf au PSFIO et en finir avec l’idéologie UMPS. On peut toujours rêver…
Ce qui est sûr, c’est qu’au bout de 25 ans, il est temps de refermer la parenthèse libérale ! La crise mondiale aura des effets politiques beaucoup plus dévastateurs que les évènements de mai 1968. Le changement au PS ne peut attendre trois ans.
Ce qui est vrai, c’est que Benoît Hamon a les qualités pour exercer dès que possible des responsabilités politiques nationales. Marie-Noëlle Lienemann, qui le connaît bien, le confirme avec enthousiasme sur son blog (voir son article, hier, Benoit Hamon sera un très bon, un très grand premier secrétaire du parti Socialiste !).
Pour terminer, une courte revue de presse :
- Libération, ce 18 novembre, affirme A deux jours du vote, le PS en ébullition
- Julien Martin, dans Rue89, ce jour, considère que Royal, Aubry et Hamon professent leur foi à gauche.
- Michel Noblecourt, Le Monde, ce jour, pense que Le PS se dirige vers une cohabitation interne à hauts risques.
* J’ai expérimenté ces nouvelles règles en Mayenne, en étant élu premier secrétaire fédéral (mon concurrent était Hervé Eon, militant PRS 53 accusé d’avoir offensé le chef de l’Etat lors de sa visite à Laval le 28 août 2008).
** J’ai été membre de droit du Conseil national, pendant mon mandat fédéral, de 1997 jusqu’à ma démission du PS en décembre 2001.
Cet article est le 79ème article paru sur ce blog dans la catégorie Gauche France 2007-08