Le pays se retrouve fragmenté entre HTC, les alaouites et les kurdes
C'est le grand évènement qui change radicalement la donne au Proche-Orient. Voir la Chute du régime Assad - Wikipédia. Deux articles publiés les 8 et 23 décembre 2024 par The Conversation permettent de bien comprendre la situation, pourtant très complexe.
Le premier, dont l'auteur est Ali Mamouri, a été publié initialement en anglais. Voir Quelle Syrie, et quel Proche-Orient, après la chute de Bachar Al-Assad ?
L'auteur du second est Philippe Droz-Vincent, professeur agrégé en sciences politiques et en relations internationales, spécialiste du monde arabe, Sciences Po Grenoble. Voir Syrie : retour sur la chute de la maison Assad.
Extrait du premier.
Après 24 ans de pouvoir, Bachar Al-Assad a précipitamment quitté son pays pour la Russie, qui lui a accordé l’asile politique. Damas est désormais aux mains d’une coalition de rebelles sunnites, mais la stabilité ultérieure est loin d’être garantie, et les puissances régionales et plus lointaines s’interrogent sur ce que sera précisément la nouvelle donne.
Quel avenir pour la Syrie ?
Avec l’effondrement du régime Assad, la Syrie se retrouve fragmentée et divisée entre trois factions dominantes, chacune ayant des soutiens extérieurs et des objectifs distincts :
1. Les forces d’opposition syriennes, au premier rang desquelles Hayat Tahrir al-Cham : ces groupes, soutenus par la Turquie, contrôlent désormais le centre de la Syrie, de la frontière nord avec la Turquie à la frontière sud avec la Jordanie.
Bien qu’elles partagent une identité religieuse commune, les factions ont souvent été en conflit entre elles par le passé, ce qui pourrait entraver leur capacité à former un gouvernement uni et à maintenir la stabilité du pays à long terme.
On retrouve au sein de ces forces d’opposition aussi bien d’anciens djihadistes issus de l’État islamique et d’Al-Qaida que des groupes laïques tels que l’Armée nationale syrienne, qui s’est séparée de l’armée d’Assad après le soulèvement de 2011
2. Les forces kurdes : Les groupes kurdes contrôlent des territoires dans le nord-est de la Syrie, à la frontière de la Turquie au nord et de l’Irak à l’est. Ils continuent de bénéficient d’un soutien des États-Unis, qui ont établi des bases militaires dans la région. Ce soutien risque d’aggraver les tensions avec la Turquie, qui considère l’autonomisation des Kurdes comme une menace pour son intégrité territoriale.
3. Les forces alaouites : Les factions alaouites pro-Assad, principalement situées dans les régions côtières de l’ouest de la Syrie, entretiennent des liens étroits avec l’Iran, l’Irak et le Hezbollah libanais. Ces régions pourraient servir de bastion aux restes des groupes alignés sur Assad après la prise de contrôle du reste du pays par l’opposition, perpétuant ainsi les divisions sectaires.
Les divisions profondes entre ces trois groupes, combinées à l’absence d’un médiateur acceptable par tous, suggèrent que la Syrie pourrait être confrontée dans les prochains mois et les prochaines années à une instabilité et à un conflit prolongés.
Quel impact sur la région ?
La chute rapide du régime d’Assad a de profondes implications pour les principaux acteurs du Moyen-Orient.
Les forces rebelles sunnites, fortement soutenues par la Turquie, ont profité d’un moment où le régime était particulièrement vulnérable. Ses alliés avaient chacun fort à faire de leur côté, la Russie étant obnubilée par sa guerre en Ukraine, tandis que l’Iran et ses mandataires avaient porté toute leur attention sur le conflit avec Israël. Les rebelles ont ainsi bénéficié d’une fenêtre d’opportunité qui leur a permis de prendre la capitale à l’issue d’une offensive éclair.
La Turquie contrôle déjà, dans les faits, une bande de territoire dans le nord de la Syrie, où son armée combat les forces kurdes syriennes. Aujourd’hui, avec la victoire de ses alliés de l’opposition syrienne, la Turquie devrait étendre son influence politique et militaire en Syrie, ce qui n’annonce rien de bon pour la minorité kurde, qui lutte pour son autonomie depuis des années.
Israël aussi se retrouve aujourd’hui dans une position stratégique plus favorable qu’auparavant. La chute d’Assad perturbe « l’axe de la résistance », composé de l’Iran, de la Syrie et des groupes mandataires de Téhéran tels que les milices chiites en Irak, le Hezbollah au Liban, le Hamas à Gaza et les rebelles houthis au Yémen.
Il a fallu une dizaine de jours pour que s’effondre un système en place depuis 1970. Les explications sont multiples, mais elles sont avant tout à chercher dans le pourrissement du régime de l’intérieur.
Dans une Syrie qui stagnait depuis 2018 dans une situation de « ni paix, ni guerre », la chute du régime Assad en un peu plus d’une semaine a été une surprise totale. L’offensive victorieuse du groupe armé non étatique Hayat Tahrir al-Cham (HTC), implanté depuis des années dans le nord-ouest du pays, a brutalement mis fin au régime mis en place par Hafez Al-Assad après son coup d’État « rectificatif » (tashihiyya) de novembre 1970 et perpétué à sa mort en 2000 par son fils Bachar à travers une succession dynastique.
Après sa « victoire » proclamée dans la guerre civile (2012-2018), le régime Assad avait maintenu en place un système sécuritaire et répressif extrêmement violent, ce qu’ont confirmé après sa chute, pour ceux qui n’avaient pas voulu le voir avant, les images horribles de la prison de Saidnaya ou d’autres centres des services de renseignement (mukhabarat).
Cet article est le 3414 ème sur le blog MRC 53 - le 38ème dans la catégorie Proche Moyen Orient
Article paru le 03 janvier 2025 sur http://mrc53.over-blog.com/