Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.
Revenir aux sources de la construction européenne
Dans le cadre du débat organisé par le Sénat, le 26 mars, concernant l’avenir des sous-traitants du secteur automobile, Jean-Pierre Chevènement, sénateur du Territoire de Belfort, est intervenu de manière très précise et argumentée. Il a, d’abord, évoqué la situation de sa région, la Franche-Comté, fief de Peugeot*.
Le texte complet de son intervention est à lire sur son blog (cliquer sur le titre) :
N’immolons pas notre industrie automobile sur l’autel d’un libre-échangisme dévoyé !
A voir aussi sur le site du Sénat : Interventions en séance publique (séance du 26 mars).
Voici un large extrait (la seconde partie de son intervention) qui met en évidence les méfaits de la dictature de la pensée libérale sur l’économie française.
(…) Nous prenons aujourd’hui la mesure de l’immense erreur, commise il y a plus de dix ans, quand la France a accepté la perspective de la délocalisation de son industrie automobile à travers une mondialisation sans règle vis-à-vis de pays dont les coûts salariaux sont dix fois inférieurs aux nôtres, ou à travers un élargissement non réellement négocié de l’Union européenne aux pays d’Europe Centrale et Orientale.
En délocalisant leur production et leurs sous-traitants, les constructeurs ont créé eux-mêmes les conditions du naufrage actuel. Le Président de la République s’étonnait à Vesoul, le 15 janvier dernier, de ce que notre industrie automobile qui était, il y a peu encore, le premier poste excédentaire dans notre balance commerciale, fût devenue déficitaire. Sa réaction spontanée témoignait en fait de la cécité collective de nos dirigeants politiques pendant les années quatre-vingt dix.
J’ai posé le 27 novembre dernier à Madame Lagarde** une question relative à la protection de notre industrie automobile. Madame Lagarde m’a répondu en alléguant le communiqué du G20 rejetant tout « protectionnisme*** », ce pelé, ce galeux d’où viendrait tout le mal. La seule évocation de ce mot tabou est un moyen de clore par avance toute discussion. Mais n’est-il pas évident, comme l’avait démontré il y a longtemps Maurice Allais, qu’entre des pays ayant des conditions salariales et sociales complètement hétérogènes, il n’y a pas de concurrence bénéfique possible ?
Renault, confronté à un sursaut de la demande de voitures Clio II, vient de décider de créer temporairement 400 emplois à Flins, son usine de Slovénie tournant déjà à plein régime. Aussitôt cris d’orfraie à Bruxelles !
Suite aux déclarations du Président de la République, la commissaire européenne en charge de la concurrence, Madame Neelie Kroes, avait déjà mis en garde le gouvernement français face à « un risque de retour au protectionnisme ». Elle avait ajouté que contraindre des entreprises à investir ou acheter seulement en France n’était pas compatible avec le droit européen.
Le gouvernement a dû convaincre, lors du sommet européen du 1er mars dernier, les différents dirigeants européens, notamment allemands, que le plan français n’était pas en contradiction avec les règles de l’UE. Finalement, la France s’est engagée devant la Commission à ne plus mentionner de conditions quant aux prêts octroyés aux constructeurs automobiles. Force est de constater que le gouvernement tient un discours différent selon qu’il se trouve à Paris ou à Bruxelles !
La véritable dictature de la pensée libérale qui s’est instaurée est devenue intolérable. Les institutions de Bruxelles défendent un libre échangisme dévoyé, alors que croulent des pans entiers de notre industrie. Ils s’exposent, eux, et ceux qui reprennent leur discours, à la juste colère de notre peuple. Osons briser les tabous et parler vrai : la logique industrielle libre-échangiste, en l'absence d’une raisonnable protection, conduit à la disparition potentielle de tous les sites de production français. Toute la production française en effet peut être réalisée dans des pays à très bas coût salarial, faute de protection de notre marché.
Distinguons donc entre les pays de l’Europe Centrale et Orientale dont la plupart ont été admis, en 1999, à faire partie, en 2004, de l’Union européenne et les pays à très bas coût situés hors de l’Union européenne.
1. Pour les pays extra-européens, une taxe anti-dumping social et une écotaxe pour égaliser les conditions de concurrence devraient être maintenant à l’ordre du jour des sommets européens et mondiaux. Face à l’hypocrisie générale, le courage devrait conduire la France à défendre au G20 la thèse non pas d’un protectionnisme aveugle mais d’une protection raisonnable et négociée permettant une concurrence équitable entre les différentes régions du monde, en tenant compte des différences de coûts salariaux mais aussi – j’y insiste – de la nécessité du développement des pays émergents, à condition que leur croissance soit fondée non pas seulement sur les exportations mais aussi sur le développement de leur marché intérieur, comme semble s’y résoudre, heureusement, la Chine, en lançant un plan de relance de 450 milliards d’euros. Il y a un équilibre à trouver entre une relance coordonnée à l’échelle mondiale et une protection raisonnable permettant une concurrence équitable. Ce n’est pas conforme à l’orthodoxie libre-échangiste mais c’est le bon sens et cela se négocie !
2. S’agissant des pays membres de l’Union européenne, les grandes marques automobiles pourraient être associées à un contingentement de la production par pays en fonction des flux enregistrés depuis 1999. L’Europe ne peut pas être l’autel sur lequel la France sacrifierait son industrie automobile. Un tel accord ne peut bien sûr se faire que dans le cadre d’un plan d’ensemble d’aide aux PECOs dont la situation économique et financière est particulièrement difficile.
Mais il faut que le gouvernement français affirme une claire volonté : l’industrie automobile française ne doit pas disparaître. Elle ne doit pas être considérée comme la variable d’ajustement des difficultés des PECO ! Il est temps de remettre en cause des postulats libre-échangistes et des dogmes d’une autre époque ! N’immolons pas notre industrie automobile sur l’autel d’un libre-échangisme dévoyé !
* Voir, à ce sujet, dans l’actualité, un article paru ce 30 mars, sur le site de La Tribune : Le patron de PSA juge "incompréhensible" son éjection par la famille Peugeot).
** Voir, sur ce blog, l’article paru le 2 décembre 2008 sous le titre L'industrie liée à l'automobile, 1ère victime de la crise financière.
*** A propos du protectionnisme, un important dossier est traité par Jacques Sapir dans Le Monde Diplomatique (mars 2009) – voir un aperçu Le retour du protectionnisme et la fureur de ses ennemis
Voir aussi la position de l’administration Obama, concernant le sauvetage de l’industrie automobile aux USA (Le Monde, 30 mars) : Obama accentue la pression sur l'industrie automobile américaine.
Cet article est le 5ème paru sur ce blog dans la catégorie Chevènement sénateur.