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  • : Michel Sorin
  • : Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.
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Articles RÉCents

11 février 2025 2 11 /02 /février /2025 18:15

Un gouvernement précaire qui agit en l'absence d'alternative politique

 

L'agence Telos publie des articles à partir des contributions d'économistes, politologues, juristes, sociologues, français et étrangers. Le 11 février 2025, elle a publié un texte de Éric Dufeil , ancien haut fonctionnaire de l'Union européenne. Extraits.


 

La longévité du gouvernement n’est en rien garantie, et gouverner l’Espagne n’a rien d’un long fleuve tranquille. En effet, déjà lors de la précédente législature (2019-2023), mais plus encore depuis le début de celle-ci en juillet 2023, Pedro Sánchez* n’avait pu être investi Premier ministre – plus de quatre mois après les législatives – qu’en rassemblant une coalition hétéroclite et fragile. Construite autour de l’alliance PSOE-Sumar (à la gauche du PSOE), elle regroupe aussi divers partis régionaux, dont des nationalistes basques et des indépendantistes catalans (ERC ainsi que Junts, le parti de Carles Puigdemont).

Pour atteindre la majorité, il avait été nécessaire d’ajouter Junts à la coalition précédente, ce qui a fort compliqué l’équation. Il avait tout d’abord fallu s’engager à faire voter une problématique loi d’amnistie pour les faits liés à la tentative sécessionniste mort-née de 2017, alors que Sánchez avait auparavant déclaré impossible une telle amnistie, parce qu’inconstitutionnelle. Mais aussi lier de façon permanente le sort de la coalition au risque d’un chantage de Junts, un parti toujours tenté de montrer à son opinion régionale qu’il est le meilleur représentant des intérêts catalans en s’opposant à « Madrid », ainsi caractérisé comme la cause principale de toutes les difficultés de la Catalogne. Cela n’a d’ailleurs pas manqué, Junts s’est ingénié à de nombreuses reprises à montrer que le gouvernement était dépendant de son bon vouloir.

L’opposition emmenée par le Partido Popular (PP) en profitait pour appeler à renverser le gouvernement, considéré depuis 2018 comme illégitime et dangereux pour l’unité de l’Espagne, Junts cherchait à marquer des points par rapport à son rival ERC, et il faut bien admettre que le trouble qui s’était emparé d’une partie de l’opinion publique pouvait s’étendre jusqu’à certains secteurs de l’électorat traditionnel du PSOE.

Pourtant, en dépit de ces indéniables facteurs de précarité, le gouvernement de Pedro Sánchez est parvenu à tenir dans la durée, et à agir. Au-delà de l’habileté tactique de Sánchez, elle aussi indéniable, la principale explication de cette longévité tient à l’absence d’alternative politique.

Il faut ici rappeler que selon la Constitution espagnole, le gouvernement ne peut être censuré que si l’opposition réunit une majorité alternative de gouvernement, ce que l’on appelle la « défiance constructive ». Une disposition similaire existe aussi en Allemagne ou en Belgique, mais pas en France (elle aurait peut-être sauvé le gouvernement Barnier !). Or cette majorité alternative n’existe pas.

Elle devrait arithmétiquement réunir au moins Vox (extrême droite), le PP, les nationalistes basques du PNV ainsi que Junts, un parti d’orientation conservatrice.

En septembre 2023, Feijóo** avait bien tenté de réunir une telle coalition pour briguer l’investiture, mais il avait échoué, ce que l’on pouvait savoir par avance. En effet, la présence dans un même gouvernement de Vox, un parti centralisateur et opposé aux autonomies régionales, est incompatible avec celle du PNV ou de Junts, qui promeuvent au contraire l’autonomie, voire l’indépendance de leur région. 

Récemment, Junts avait poursuivi sa guérilla parlementaire en mêlant ses voix à celles de Vox et du PP pour rejeter un texte comportant diverses mesures à caractère social, la plus importante d’entre elles concernant le relèvement des pensions. Un tel texte, composé de mesures ad hoc, était rendu nécessaire par le fait que depuis 2023, le gouvernement n’avait toujours pas été en mesure de faire voter un budget, et avait pour but de ne pas faire subir aux plus vulnérables les effets d’une attente déjà longue, et dont le terme restait incertain. Or, ce rejet est mal passé dans l’opinion, notamment auprès des douze millions de retraités. C’était une faute politique qui s’est retournée très rapidement contre ses initiateurs.

En cinq jours, Sánchez a été, moyennant des concessions assez mineures, en mesure de conclure un accord avec Junts qui ouvre la voie au vote dudit texte, à la poursuite de la législature vraisemblablement jusqu’à son terme, et probablement aussi – enfin – au vote d’un budget. Sánchez, porté par une conjoncture économique favorable qui lui donne d’appréciables marges d’action, sort renforcé de l’épisode, tandis que Junts sauve la face (mais sans plus) et que Feijóo paraît hors-jeu. On savait, notamment à cause de la rivalité qui l’oppose à Isabel Diaz Ayuso, la présidente PP de la région de Madrid, que son leadership sur le parti était contesté. Mais aujourd’hui, il l’est apparu encore plus, parce qu’incapable de définir une stratégie efficace. Il avait – entre autres – tenté de mettre en place une offensive judiciaire contre Sánchez et ses proches, fondée sur la montée en épingle de prétendues « affaires » qui se révèlent largement sans fondement. On verra, mais il est possible que ce soient désormais les heures de Feijóo à la tête du PP qui soient comptées.

Ces péripéties, un peu tactiques, ne sont quand même pas sans importance parce que la longévité d’un gouvernement est ce qui lui permet d’inscrire son action dans la durée, et ce n’est pas indifférent. Après plus de six ans passés à la tête du gouvernement, et avec la perspective d’encore deux années avant les prochaines législatives (2027), il devient possible de se former une idée assez exacte de l’action de Sánchez. Incontestablement, celle-ci est orientée en faveur des catégories les plus populaires ou défavorisées. Le salaire minimum, au départ nettement plus bas que dans les pays du nord de l’Europe, a été relevé à plusieurs reprises et au total de près de 50%.

La réforme du code du travail - résultat d’une négociation sérieuse réunissant tous les partenaires sociaux – a permis de réduire la précarité au travail (cela avait été l’un des moyens auxquels l’Espagne avait dû recourir après la crise des subprimes, qui l’avait durement frappée), et les mesures prises lors du Covid ont permis à la fois le maintien de l’emploi et le rebond de l’activité à la sortie de la crise. Des mesures sont également prises ou en projet quant à la durée ou la pénibilité du travail.

On a déjà indiqué que Sánchez bénéficie d’une conjoncture favorable : une croissance à 3,2% en 2024, bien supérieure à celle de l’Allemagne ou de la France, un chômage repassé sous la barre des 11% (26% en 2012), une inflation qui semble désormais maîtrisée. La fréquentation touristique bat des records (93 millions de visiteurs l’année passée) ainsi que les revenus qu’elle procure, et tous ces paramètres permettent au gouvernement d’améliorer le pouvoir d’achat tout en favorisant la compétitivité et en réduisant l’endettement (...).

D’autre part, Sánchez est parvenu à restaurer le dialogue avec les forces politiques en Catalogne et à y faire nettement baisser la tension, là où le gouvernement précédent (Rajoy, déjà largement oublié), ne faisait que l’attiser. La question de l’indépendantisme n’y a pas disparu, mais elle est passée au second plan. Avec courage (il a su prendre des risques) et lucidité, il s’emploie à mettre l’Espagne sur une voie moderne d’inspiration fédérale, qui est de nature à enfin réconcilier le pays avec lui-même et à lui permettre de tirer le meilleur parti de sa riche diversité (...).

Pour conclure, on voit ainsi que le gouvernement de Pedro Sánchez constitue un atout sérieux et véritable pour le progrès de son pays, et c’est déjà en soi un résultat appréciable. Mais sa portée va au-delà. Dans un monde tourmenté où les vagues autoritaires ou populistes semblent prendre de l’ampleur un peu partout, il n’est pas indifférent qu’un gouvernement d’inspiration social-démocrate voie son action couronnée de succès et capable de durer. Ce peut être autant une source d’espoir que d’inspiration. Après tout, elles ne sont pas légion.

* Voir Wikipédia : * Pedro Sánchez

et ** Alberto Núñez Feijóo


 

Cet article est le 3454 ème sur le blog MRC 53 - le 66ème dans la catégorie Etats Union européenne

Article paru le 11 février 2025 sur http://mrc53.over-blog.com/

Le 30 octobre 2010, à Ceuti (Murcie), accueil de la ville jumelée Saint-Berthevin en soirée, à l'occasion des cérémonies du 10 ème anniversaire de jumelage.

Le 30 octobre 2010, à Ceuti (Murcie), accueil de la ville jumelée Saint-Berthevin en soirée, à l'occasion des cérémonies du 10 ème anniversaire de jumelage.

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10 février 2025 1 10 /02 /février /2025 19:49

La volonté du président Petit suscite l'incompréhension des scientifiques

 

Le 12 décembre 2024, Le CNRS a été plongé dans la stupeur lorsque le PDG Antoine Petit a annoncé la création d'un nouveau label accordé à un quart des unités de recherche, celles qui peuvent prétendre au niveau mondial.

Voir cet article (Fanny Marlier) du journal indépendant - géré par ses salariés - Alternatives Economiques publié le 7 février 2025 sous le titre Le projet de laboratoires « d’excellence » plonge le CNRS dans la stupeur.

 

La volonté soudaine du PDG du CNRS Antoine Petit de concentrer les moyens sur quelques laboratoires clés, dits « Key Labs », suscite l’incompréhension et une vive opposition de la communauté scientifique.

En contexte de disette budgétaire, faut-il arrêter de disperser les moyens de la recherche pour les concentrer sur quelques équipes et laboratoires susceptibles de peser dans la compétition internationale ? C’est la question que pose le projet de « Key Labs », avec lequel le PDG du CNRS Antoine Petit a pris tout le monde de court.

Ce fut en effet la stupeur quand, le 12 décembre 2024, ce dernier annonça à la convention des directrices et directeurs d’unités, représentant plus de 800 laboratoires, la création de ce nouveau label. Accordé à environ un quart des unités de recherches, et 46 % des personnels CNRS, il vise à « faire porter un effort particulier sur un nombre plus restreint d’unités, celles qui peuvent légitimement prétendre à être qualifiées "de rang mondial" », indiquait Antoine Petit.

Résultat : une part des ressources humaines plus importante sera affectée à ces laboratoires estampillés « Key Labs ». Le même jour, il annonçait également, et sans plus de concertation, la saisie de 10 % des « ressources propres banalisées » des laboratoires

Quelque temps plus tard, un document précisait que l’objectif était « d’aider les très bons à devenir encore meilleurs ». Comme pour anticiper la fronde, le PDG Antoine Petit soulignait que « cette priorité ne signifie pas exclusivité », et qu’ainsi le CNRS n’abandonnerait pas les 75 % des laboratoires non labellisés Key Labs.

La précaution a fait long feu, d’autant que le projet n’a été présenté au conseil scientifique du CNRS que le 27 janvier dernier, cet attentisme mettant à mal la collégialité au cœur du fonctionnement de la recherche.

Perte de moyens humains

Sur le fond, plusieurs critiques émergent. Dans ses recommandations établies le 28 janvier, le conseil scientifique craint « une discrimination entre laboratoires » qui engendrerait des « tensions au sein des UMR [unités mixtes de recherche, cofinancées par le CNRS et d’autres organismes, NDLR] » et affecterait tous les personnels y compris ceux des universités et des écoles.

« Nous ne percevons aucun avantage dans ce dispositif tandis que le CNRS a déjà perdu au moins mille postes permanents en dix ans, insiste Olivier Coutard, le président du conseil scientifique du CNRS. Cela ne contribuera qu’à démotiver les collègues des laboratoires qui ne bénéficieront pas de ce label. »

Puisque les laboratoires se financent essentiellement aujourd’hui grâce à des appels d’offres, c’est surtout la perte de moyens humains qui inquiète les chercheurs. Avec moins de personnel et moins d’étudiants attirés, certains craignent que la mesure entraîne tout simplement la disparition de ces laboratoires moins soutenus.

« En instaurant la mise en concurrence de laboratoires de recherches, ce projet est tout simplement contraire à l’esprit du CNRS, martèle Thomas Perrin, directeur de recherche au sein de l’institution. Si vous concentrez les moyens humains sur 25 %, les 75 % vont tomber en déliquescence et vont fermer. »

La démarche n’est pas totalement surprenante de la part d’Antoine Petit qui, en 2019 déjà, avait suscité la polémique en déclarant vouloir élaborer une loi de programmation « inégalitaire », « vertueuse et darwinienne » pour la recherche. La pilule n’en est pas moins difficile à avaler, et pas seulement pour les chercheurs.

Absence de concertation

France Universités, qui rassemble les dirigeants d’un grand nombre d’établissements d’enseignement supérieur et de recherche, avait demandé un moratoire sur le projet dès le 19 décembre. Demande réitérée dans un communiqué du 17 janvier, dans lequel les universités font part de leur « total désaccord » avec la méthode de la direction du CNRS et une annonce faite par « surprise » et « sans dialogue ».

D’autant que nombre des unités potentiellement visées sont dites « mixtes », car en cotutelle entre le CNRS et les universités. Or ni ces dernières, ni les instances syndicales, ni les autres organismes nationaux de recherche n’ont été consultés.

Cette absence de concertation a sans doute contribué à la vivacité de l’opposition au projet. D’après un sondage réalisé par l’Association des directions de laboratoires (ADL), près de 80 % des 428 répondants sont opposés à la mesure. Une motion de défiance réclamant « l’arrêt immédiat » des Key Labs et appelant à la démission d’Antoine Petit a recueilli plus de 10 000 signatures. Et une manifestation a été organisée devant le CNRS le 27 janvier, jour de la présentation du projet au conseil scientifique de l’organisme.

La mobilisation a porté quelques fruits. « Les conditions du dialogue n’étant pas parfaitement réunies », le ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche, Philippe Baptiste, a annoncé un moratoire sur cette mesure lors de ses vœux du 30 janvier.

Désavouant quelque peu le projet du PDG du CNRS, le ministre a tenu à rappeler combien l’organisme scientifique « n’est pas une agence de labellisation. (…) On peut être une excellente unité de recherche et ne pas être associé au CNRS. »

Il a aussi précisé que l’instance « a vocation à avoir une stratégie scientifique qui ne peut être la somme de stratégies de sites et qui doit infuser sur son allocation de ressources ». Le lendemain, Antoine Petit annonçait dans un e-mail qu’une période de concertation s’ouvrait « jusqu’à l’été » (...).


 

Cet article est le 3453 ème sur le blog MRC 53 - le 165ème, catégorie France et Europe

Article paru le 10 février 2025 sur http://mrc53.over-blog.com/

Olivier Coutard, président du Conseil scientifique du CNRS

Olivier Coutard, président du Conseil scientifique du CNRS

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10 février 2025 1 10 /02 /février /2025 15:45

La France et la gauche vont mal, le capitalisme toujours plus inégalitaire


 

Bernard Teper ReSPUBLICA est aussi co-animateur du Réseau Education Populaire (REP). Editorialiste dans ReSPUBLICA, le journal du réseau de la gauche républicaine, laïque, écologique et sociale, il a développé ses analyses politiques dans l'édition numérique du 9 février 2025, sous le titre La France et la gauche en PLS. Extraits.


 

Face à la situation actuelle en France, la gauche se trouve en situation de PLS (PLS : position latérale de sécurité. Les jeunes ont initié le vocable « être en PLS » qui veut dire « être mal »). À la veille de la commission mixte paritaire (CMP) sur le projet de budget de l’État du gouvernement Bayrou, le député LIOT et rapporteur du budget à l’Assemblée nationale, Charles de Courson, tire la sonnette d’alarme.

 

À ses yeux, les hypothèses de croissance, d’inflation et de recettes fiscales prises par le gouvernement sont trop favorables pour limiter le déficit à 5,4 % du PIB. Il prédit donc un déficit plus important. Il y a donc un mensonge du gouvernement Macron-Bayrou. Nous venons d’apprendre par ailleurs que la croissance française a reculé au 4e trimestre 2024 de 0,1 %, alors qu’elle a cru aux États-Unis de 2,3 % (...).

 

Et la gauche dans tout cela ?

Tout ce qui précède n’étonnera pas les lecteurs assidus de ReSPUBLICA. C’est la continuation normale du développement capitaliste. Simplement, nous vivons une accélération des tendances inégalitaires de ce dernier, le simple néolibéralisme même additionné à l’ordolibéralisme européen ne suffisant plus à contrer la baisse tendancielle du taux de profit.

Voilà pourquoi il est indispensable pour ce mode de production de réduire le plus vite possible le nombre des gagnants du système et donc de le faire d’une façon de plus en plus autoritaire. Bien sûr, une alternative existe, mais elle demande un changement de formation sociale et donc un changement du mode de production dominant.

Seul le plus grand nombre peut y parvenir s’il est conscient que seule cette alternative est possible face à la multitude des fausses bonnes idées magiques. Pour cela, il est nécessaire de ne plus croire aux miracles et de faire un effort volontaire sur soi-même afin d’analyser le vrai réel et non le phantasme de gauche du solipsisme. Donc, le point de passage obligé est d’avoir une ligne stratégique efficace pour mobiliser le plus grand nombre vers un objectif rationnel et désirable. Et comme l’histoire nous l’apprend, rien d’essentiel ne peut se faire sans la mobilisation unitaire de la classe populaire (...).

Un budget 2025 irresponsable

Le budget de l’État 2025 présente des recettes inférieures à 6,2 milliards au budget Macron-Barnier et l’abaissement des dépenses est de 6,4 milliards d’euros. Il est donc pire que le budget prévu par le gouvernement précédent. Quant au budget de la Sécurité sociale, malgré le milliard de plus pour l’hôpital, il y a 90 milliards d’exonérations de cotisations sociales et 203 milliards d’aides publiques sans contrepartie, principalement pour les grandes entreprises. C’est du ruissellement des plus pauvres vers les plus riches ! Tant pis pour l’école, la santé, l’hôpital, les services publics, la recherche, la réindustrialisation, la transition écologique et énergétique ! Le tango de la majorité des socialistes avec le gouvernement Macron-Bayrou a donc été inutile pour la classe populaire, mais très utile pour l’extrême centre macroniste.

Arrive la municipale partielle de Villeneuve-Saint-Georges (VSG) ou la stratégie suicidaire de LFI

Villeneuve-Saint-Georges n’est pas une simple commune de 35 000 habitants ; ville la plus jeune et la plus pauvre des 47 communes du Val-de-Marne, elle constitue un symbole pour la gauche. De plus, elle fait partie des 140 communes de France visées par la stratégie LFI pour les municipales de 2026, dans lesquelles Jean-Luc Mélenchon a fait plus de 40 % en 2022 et Manon Aubry plus de 30 % en 2024. Une campagne pour un programme d’urgence sociale s’imposait donc. Et pour que cela soit crédible, il fallait une gauche unie sans faille au moins au second tour. Raté !

Il s’agit d’une vieille commune cheminote, longtemps administrée par le PCF. La dernière mandature communiste fut une horreur avec un soutien sans faille de cette ville aux indigénistes islamistes, ce qui a accéléré son écroulement. Elle fut prise par la droite au début de cette décennie. Mais le rififi n’était pas fini. En plein conseil municipal, le maire de droite fait un salut nazi. Une partie des élus de droite démissionne du conseil municipal, d’où l’élection partielle. Entre-temps, Louis Boyard (LFI) conserve, début juillet 2024, son poste de député avec un excellent score de 61 % au second tour sur la commune de VSG. Il perd, moins de 7 mois plus tard, la municipale partielle dans une triangulaire (face à la future maire LR et au maire au salut nazi sortant) en ne faisant que 38,8 % des voix au second tour, plus de 10 % de moins que la maire élue et plus de 22 % de moins que lui-même le 7 juillet 2024. Bien sûr, c’est une partielle, mais c’est une partielle pour tout le monde. Les deux événements nationaux décrits ci-dessus ont déployé leur effet négatif.

Refus de LFI de fusionner les listes de gauche

La décision de ne pas fusionner les deux listes de gauche au second tour à la proportionnelle a définitivement détruit les chances de la gauche. Rien de tangible ne justifie cette position de la direction de LFI, qui argue que sa liste a fait plus que l’union de la gauche en 2020 (dont l’écroulement s’explique par les propos ci-dessus). Elle ne tient aucun compte des élections de 2024 ! Ridicule ! François Ruffin a beau jeu de faire un brin d’humour en disant que, dans ce cas, la direction de LFI a justifié toute l’action de Louis Boyard selon l’adage stalino-orwellien « La défaite est une victoire. Le recul est une progression. La division est une force ».

 

Pour mieux comprendre, il faut revenir au résultat du premier tour où Louis Boyard vire en tête avec seulement 24,89 % (avec au moins un candidat proche de Rima Hassan dont la découverte plombe cette liste), mais avec une autre liste de gauche composée par le PCF, le PS et les écologistes, qui arrive troisième avec 20,7 %.  Cette liste, tirée par le candidat PCF Daniel Henry, ancien premier adjoint de la municipalité communiste de la décennie précédente, propose à Louis Boyard une fusion à la proportionnelle, ce qui était juste. Refus de Louis Boyard et de la direction de LFI d’appliquer la stratégie d’union NFP au second tour. Le PCF retire sa liste. La messe est dite, malgré la triangulaire avec l’ancien maire au salut nazi, qui a quand même fait plus de 15 % au premier tour et plus de 12 % au second tour. Le jeune Louis Boyard a joué comme un jeune petit bourgeois à la roulette russe et a perdu ! La classe populaire villeneuvoise méritait mieux, notamment avec un plan d’urgence sociale.

Bien sûr, ce recul de la gauche a des causes multifactorielles. Il y a des causes nationales dues aux stratégies perdantes des différentes directions des partis de la gauche, largement instruites dans les colonnes de ReSPUBLICA, et il y a des causes locales politiciennes que nous venons de présenter qui se surajoutent aux précédentes. Nous ne le dirons jamais assez, toutes les directions de gauche doivent refuser la stratégie 2011 de Terra Nova. La gauche devrait appliquer les 12 théorèmes d’une gauche de gauche sur lesquels nous reviendrons.

 

Cet article est le 3452 ème sur le blog MRC 53 - le 200ème, catégorie Gauche France

Article paru le 10 février 2025 sur http://mrc53.over-blog.com/

Bernard Teper, le 20 mai 2022, à la Maison des associations à Orléans, lors d'une conférence sur la protection sociale

Bernard Teper, le 20 mai 2022, à la Maison des associations à Orléans, lors d'une conférence sur la protection sociale

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9 février 2025 7 09 /02 /février /2025 17:20

Restreindre le droit du sol aura peu d'effet sur l'immigraton irrégulière


 

Le cyclone Chido - qui a dévasté Mayotte - oblige la nation française à voir la réalité de la situation dans l'archipel des Comores.

Rappel des articles précédents :

- CiViQ, 28 décembre 2024 : Mayotte, île française des Comores, département où la vie s'est arrêtée

- CiViQ, 31 décembre : Mayotte et les Comores, les ambiguïtés d'une situation post-coloniale

- MRC53, 31 décembre : Le Premier ministre François Bayrou présente le plan "Mayotte debout"

 

Le Parlement français délibère sur le droit du sol à Mayotte, à l'initiative des députés "Droite républicaine" à l'Assemblée nationale. Avec l'idée de généraliser l'exception mahoraise à l'ensemble du territoire national.

Le site français "The Conversation" a publié le 5 février un texte bien documenté de Jules Gazeaud, chargé de recherche CNRS à l'Université Clermont Auvergne. Extraits.

Restreindre le droit du sol à Mayotte : une proposition inefficace

 

Le 6 février, l’Assemblée nationale a voté une proposition de loi des Républicains visant à restreindre le droit du sol à Mayotte. Soutenue par les macronistes et le RN, cette loi exige désormais que les deux parents d’un enfant né à Mayotte résident régulièrement en France depuis trois ans pour que l’enfant obtienne la nationalité française. Initialement, il suffisait qu’un seul parent soit régularisé et résidant depuis trois mois. Or, il est peu probable que cette réforme change la donne en matière d’immigration irrégulière dans la région.

Seulement quelques jours après le passage du cyclone Chido qui a dévasté Mayotte, le ministre de l’intérieur Bruno Retailleau, issu des rangs du parti Les Républicains (LR), a évoqué la nécessité de « traiter la question migratoire » dans l’archipel et a ainsi remis sur la table la question du droit du sol.

Depuis 2018, une dérogation du droit du sol restreint la possibilité de devenir Français pour les enfants nés à Mayotte. Un enfant né de parents étrangers peut devenir français à sa majorité (ou par déclaration anticipée à partir de ses 13 ans) si au moins l’un de ses parents résidait légalement en France au moment de sa naissance depuis au moins trois mois.

Mercredi 29 janvier, les députés ont adopté en commission une proposition de loi des LR visant à durcir cette règle en exigeant que les deux parents aient résidé de manière légale et ininterrompue à Mayotte au moins un an avant la naissance de l’enfant. Le texte doit maintenant être examiné par l’ensemble des députés jeudi 6 février.

Cette proposition se distingue de celle avancée par Emmanuel Macron au début de l’année  2024 qui prévoyait la suppression complète du droit du sol à Mayotte et qui aurait nécessité une réforme constitutionnelle. Selon le président du groupe Droite républicaine Laurent Wauquiez, cette nouvelle proposition a « vocation à être étendue sur l’ensemble du territoire français. »

La réforme de 2018 n’a produit aucun effet visible sur l’immigration irrégulière

Pourtant, si elle devait être adoptée, il est peu probable que cette réforme change la donne en matière d’immigration irrégulière (...).

Les Comoriens fuient la misère

Le droit du sol n’est qu’un facteur secondaire de la pression migratoire à Mayotte. La majorité des migrants viennent des îles comoriennes voisines, où le PIB par habitant est onze fois plus faible et les infrastructures sanitaires défaillantes : la mortalité maternelle y est douze fois plus élevée qu’à Mayotte, et la mortalité infantile quatre fois supérieure. Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que de nombreux Comoriens tentent leur chance à Mayotte.

La mobilité entre les îles des Comores est une réalité qu’aucune politique restrictive ne pourra effacer. L’instauration du visa Balladur en 1995 a mis fin à la libre circulation entre les Comores et Mayotte, mais elle n’a pas empêché les migrations : elle les a rendues plus dangereuses et coûteuses, favorisant l’émergence de routes irrégulières.

Aujourd’hui, la politique migratoire repose essentiellement sur des expulsions massives et la précarisation juridique et sociale des migrants, ce qui a participé à aggraver le bilan tragique du cyclone Chido.

Repenser la politique migratoire dans la région

Cette politique produit en outre des effets pervers rarement discutés : d’une part, elle tend à « fixer » les migrants à Mayotte au lieu d’encourager les allers-retours, car certains préfèrent rester à Mayotte de peur de ne plus pouvoir y revenir ; d’autre part, elle crée de nombreux mineurs isolés suite à l’expulsion de leurs parents. Ces enfants sont difficiles à recenser, mais les associations et pouvoirs publics estiment qu’ils seraient entre 3 000 et 4 000 à Mayotte, et ils sont souvent accusés d’être l’une des sources de la violence que connaît l’île.

Il est crucial d’envisager une voie plus réaliste et mieux adaptée aux dynamiques de l’archipel. Cela passe évidemment par un renforcement des infrastructures sanitaires pour trouver des solutions aux graves problèmes de santé publique auxquels est confrontée la population comorienne. Il serait aussi pertinent de mettre en place un nouveau cadre migratoire qui favorise des déplacements sûrs et encourage les allers-retours, à l’image de ce qui existe ailleurs.

C’est le modèle adopté notamment entre Singapour et la Malaisie, où les écarts de richesses sont également considérables – le PIB par habitant de Singapour est près de sept fois supérieur à celui de la Malaisie – et où 80 000 travailleurs malaisiens peu qualifiés traversent quotidiennement la frontière pour travailler à Singapour grâce à des visas de travail spéciaux, des contrôles douaniers allégés, et un système de transport efficace.

Plus près de chez nous, les migrations pendulaires entre la France et la Suisse ou le Luxembourg sont courantes, avec chaque jour de nombreux Français qui traversent la frontière pour travailler dans ces pays voisins.

Accepter que Mayotte et les Comores sont des voisins, et non des adversaires, ouvrirait la voie à une gestion plus fluide et humaine des mobilités, tout en contribuant à répondre aux enjeux économiques et sociaux considérables auxquels ces territoires sont confrontés.


 

Cet article est le 3451 ème sur le blog MRC 53 - le 164ème, catégorie France et Europe

Article paru le 09 février 2025 sur http://mrc53.over-blog.com/

Mayotte : repenser les mobilités au niveau de l'archipel des Comores
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8 février 2025 6 08 /02 /février /2025 17:35

Un projet de loi du gouvernement Attal arrive en débat au Sénat

 

Les élections professionnelles agricoles 2025 ont confirmé la poussée électorale de la Coordination Rurale. Voir (Terre-net) tous les résultats des élections dans les chambres d'agriculture et la réponse de Public Sénat (7 février) à la question comment expliquer le net recul de la FNSEA, bousculée par la Coordination rurale ?

Voir aussi (Public Sénat, 7 février 2025) : À quoi servent les chambres d’agriculture, qui viennent d’élire leurs nouveaux représentants ?

 

Le Parlement va modifier les règles de fonctionnement des chambres d'agriculture (composition des bureaux, simplification des démarches administratives concernant l'installation et la transmission des exploitations agricoles).

 

Dans ce contexte d’élections, les parlementaires débattent également de plusieurs mesures qui pourraient modifier le fonctionnement des chambres d’agriculture. La loi d’orientation agricole, actuellement examinée au Sénat après son adoption à l’Assemblée nationale en mai dernier, entend par exemple renforcer le rôle des chambres sur les questions d’installation et de transmission des exploitations.

Les chambres départementales d’agriculture seraient ainsi chargées de la mise en place d’un « guichet unique », pour centraliser les démarches d’installation et de transmission : mise en relation des cédants et des repreneurs, diagnostic des exploitations, accompagnement pendant la période de transmission. Une mesure qui vise à simplifier les démarches administratives, pour inciter davantage de personnes à s’installer en agriculture, dans un contexte où la moitié des agriculteurs actifs atteindront l’âge de la retraite d’ici à 2030.

Enfin, le Sénat a adopté ce 6 février une proposition de loi qui touche à la composition des bureaux des chambres d’agriculture, en autorisant les responsables de coopératives agricoles à participer aux instances dirigeantes des chambres. Cette responsabilité leur avait été retirée par la loi Egalim en 2018, qui a institué la séparation des activités de vente et de conseil sur les pesticides, pour prévenir les conflits d’intérêts. Alors que les chambres d’agriculture exercent des activités de conseil, les coopératives sont souvent agréées pour vendre ces produits. Déjà adopté à l’Assemblée nationale, le texte devrait être promulgué au courant du mois de février après une commission mixte paritaire prévue ce lundi. Les responsables de coopérative pourront alors toujours siéger au sein des bureaux dont l’élection est prévue au début du mois de mars.

 

Voir loi d’orientation agricole. Ce qu’il faut savoir sur le projet de loi qui arrive au Sénat.


 

Cet article est le 3450 ème sur le blog MRC 53 - le 504ème, catégorie AGRICULTURE et PAC

Article paru le 08 février 2025 sur http://mrc53.over-blog.com/

Photo Public Sénat : campagne des élections chambres d'agriculture janvier 2025 (FNSEA-JA - Arnaud Rousseau)

Photo Public Sénat : campagne des élections chambres d'agriculture janvier 2025 (FNSEA-JA - Arnaud Rousseau)

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7 février 2025 5 07 /02 /février /2025 17:53

Les listes FNSEA-JA conservent la majorité dans 80 départements

 

Lors de ces élections 2025 aux Chambres d'agriculture, il y avait d'un côté la liste forteresse ultra-majoritaire de l'union des syndicats d'exploitants agricoles FNSEA et des Jeunes Agriculteurs JA en défense de ses acquis depuis 50 ans et, en face d'elle, les listes des syndicats contestataires en attaque, la Coordination Rurale CR et la Confédération paysanne CP, implantés dans tous les départements. Le MODEF est représentatif dans quelques départements seulement.

Voir (16 janvier 2025) : Débat Agriculture : les différences majeures entre les listes syndicales


 

Les résultats, non complets, montrent que la défense a tenu mais a encaissé des buts dans quelques régions, principalement Nouvelle Aquitaine (majorité des départements), mais aussi dans le Centre-Val-de-Loire et en Occitanie.

En 2019, les listes FNSEA-JA dirigeaient 97 départements, la CR trois (Lot-et-Garonne, le fief, Vienne et Haute-Vienne) et la CP un (Mayotte).

En 2025, la CP sera à la tête de l'Ardèche et de la Guyane (aussi de Mayotte mais les élections n'ont pas eu lieu). Le MODEF est majoritaire en Guadeloupe.

La CR passe de 3 (Lot-et-Garonne, Vienne et Haute-Vienne) à 16, sachant qu'en Haute-Garonne et en Ariège, ce sont des listes indépendantes mais majoritairement animées par la CR. En Gironde, le résultat est si serré qu'un recours est possible.

Nouveaux départements CR : Ardennes, Charente, Charente-Maritime, Dordogne, Gironde, Gers, Tarn, Lozère et les 3 du Centre-Val-de-Loire : Indre-et-Loire, Cher et Loir-et-Cher.


 

Voir (Terre-net) : Elections 2025 des chambres d'agriculture : tous les résultats


 

Commentaires de la Confédération paysanne

A la tête de trois chambres – Ardèche, Guyane et Mayotte (où le scrutin est reporté à l’année prochaine), la Confédération paysanne salue sa progression particulièrement forte dans une douzaine de départements, notamment dans les territoires d’Outre-Mer, les Pyrénées, la Bretagne, les zones intermédiaires (Allier, Maine-et-Loire...), et un score national autour de 20,5 %.

« 1 agriculteur sur 5 s’est exprimé pour ce projet syndical de l’agriculture familiale, seul projet alternatif au rouleau compresseur du modèle industriel porté par les autres syndicats », résume Laurence Marandola, porte-parole du syndicat. « Aujourd’hui, la Confédération paysanne fait plus de 30 % dans 14 départements, et est le premier syndicat dans 15 départements » (une fois divisées en deux les voix de l’union FNSEA-JA), contre 9 en 2019, indique-t-elle.

Le syndicat a également atteint le seuil de représentativité (plus de 10 %) dans des départements clés, comme en Ile-de-France, « bastion FNSEA », et dans le Lot-et-Garonne, « le bastion historique de la Coordination rurale », ajoute la porte-parole du syndicat.

« On acte le recul très net du duo FNSEA-JA, seul qui baisse », souligne Laurence Marandola, qui juge « extrêmement scandaleux » le mode de scrutin actuel qui permet à la FNSEA-JA de conserver 80 chambres avec un score inférieur à 50 %. La Confédération paysanne regrette également un taux de participation relativement faible, autour de 45 %.


 

Cet article est le 3449 ème sur le blog MRC 53 - le 503ème, catégorie AGRICULTURE et PAC

Article paru le 07 février 2025 sur http://mrc53.over-blog.com/

Les responsables des syndicats d'agriculteurs lors du débat télévisé organisé le 13 janvier 2025 par la chaîne parlementaire

Les responsables des syndicats d'agriculteurs lors du débat télévisé organisé le 13 janvier 2025 par la chaîne parlementaire

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6 février 2025 4 06 /02 /février /2025 18:39

Du projet Barnier au budget Bayrou de sauvetage des comptes publics

 

Ce budget 2025 aura été marqué par un parcours atypique. Voir (Vie publique, 6 février 2025) Budget 2025 Projet de loi de finances (PLF).
Un PLF au parcours inédit 

Le projet de loi de finances pour 2025 avait été présenté à l'automne 2024 par le gouvernement de Michel Barnier à l'issue d'une procédure budgétaire retardée par la dissolution de l'Assemblée nationale le 9 juin 2024 et la démission du gouvernement de Gabriel Attal. Le texte ambitionnait de redresser les comptes publics de l'ordre de 60 Md€ et de réduire le déficit public à 5% du PIB en 2025.

Le gouvernement de Michel Barnier ayant été censuré par les députés le 4 décembre 2024, une loi de finances spéciale avait été promulguée le 20 décembre 2024 afin de permettre à l’État de continuer à prélever les impôts et d'emprunter pour assurer la continuité des services publics et ce jusqu'à la promulgation de la loi de finances initiale pour 2025.  

En janvier 2025, le nouveau Premier ministre, François Bayrou avait souhaité repartir du PLF déposé en octobre 2024 et là où les débats s'étaient arrêtés en décembre au Sénat après la censure, afin d'adopter au plus vite un budget pour 2025. 


 

Ouest-France : Le budget 2025 est définitivement adopté au Parlement

Le Sénat a approuvé le projet de loi de finances 2025 qui est donc adopté au Parlement ce jeudi 6 février. La France se dote officiellement d’un budget avec des mois de retard sur le calendrier prévu. L’examen du budget de la Sécurité sociale, lui, se poursuit. Cette adoption « marque un coup d’arrêt à l’effondrement budgétaire », a estimé le rapporteur général du budget au Sénat, Jean-François Husson (LR).


 

Public Sénat : Budget 2025 : le texte définitivement adopté

Un budget de compromis, après un accord de non-censure avec le PS

Plutôt que de donner des gages au RN, comme Michel Barnier l’a fait, à ses dépens, François Bayrou s’est tourné plutôt vers les socialistes pour éviter de dépendre du bon bouloir de l’extrême droite sur le vote d’une motion de censure. Par une série de rendez-vous officiels, et d’autres plus discrets, le PS a ainsi négocié une série de compromis, sur lesquels François Bayrou s’est engagé par écrit. Les socialistes ont ainsi pu obtenir le maintien de 4.000 postes de professeurs et la réouverture de discussions sur la réforme des retraites.

Le PS l’assume, au nom de la « responsabilité », pour donner un budget au pays, et de la volonté de limiter la casse dans ce budget où le gouvernement a multiplié les coupes budgétaires, avec l’appui de la droite sénatoriale. « C’est 23,5 milliards d’euros de coupes, en euros constants, par rapport à 2024. Et 6,4 milliards d’euros de coupes supplémentaires, par rapport au budget initial », dénonce le sénateur PCF Pierre Barros.

Mais l’opération a entraîné une crise au sein du Nouveau front populaire, l’accord électoral conclu entre LFI, PS, écologistes et communistes, après la dissolution, pour faire bloc contre le RN. Jean-Luc Mélenchon n’a pas de mots assez durs pour dénoncer ce qu’il considère comme une traîtrise. Au sein même du PS, la non-censure a aussi causé des tensions internes, alors qu’un congrès se profile et que le numéro 1, Olivier Faure, est critiqué par ses opposants.

Le projet de budget, celui pour l’année 2026, s’annonce différent pour le gouvernement. Il pourra cette fois le préparer entièrement, promettant d’utiliser la même méthode de discussions, et y imprimer davantage sa marque. A condition que François Bayrou tienne jusque-là…


 

Cet article est le 3448 ème sur le blog MRC 53 - le 102ème catégorie République Parlement

Article paru le 06 février 2025 sur http://mrc53.over-blog.com/

Budget 2025 France, des compromis avec le PS pour éviter la censure
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4 février 2025 2 04 /02 /février /2025 15:59

Entreprises défaillantes, plans sociaux, réindustrialisation au point mort

 

Les organisations membres de la Fédération de la Gauche Républicaine lancent un appel solennel à la relance de la politique industrielle de la France.

La France traverse un moment d’une gravité exceptionnelle. Une crise économique et sociale majeure la frappe : 66.500 défaillances d’entreprises en 2024, soit plus qu’en 2008/2009, années de la crise des subprimes (2009) et + 17 % par rapport à 2023 ! Selon la CGT, 250 plans sociaux seraient en préparation, menaçant 200.000 emplois.

Notre réindustrialisation fait, quant à elle, du surplace avec des créations d’usines inférieures aux fermetures pour la première fois depuis 2016. Le gouvernement revoit d’ailleurs sa prévision de croissance à 0,9 % pour 2025. Cela se justifie d’autant plus que les réductions de dépenses qu’il s’apprête à décider auront, si elles sont validées par le Parlement, un impact récessif.

Enfin, notre agriculture est menacée par l’accord commercial UE-MERCOSUR, provisoirement validé en catimini par la Commission européenne ; tandis que notre industrie souffre de coûts énergétiques décorrélés du prix réel de notre électricité et de délocalisations induites par l’inflation reduction act américain ou par le dumping chinois. Sans parler d’un éventuel accord de libre-échange euro-américain imposé via des mesures protectionnistes d’intimidation de la future administration Trump.

Mais notre nouveau Premier ministre n’en dit pas un mot dans son discours de politique générale ! Il se borne à évoquer brièvement la nécessité de relancer la production, de développer le numérique et l’intelligence artificielle, tout en menant des politiques de filières liées à l’examen de la balance commerciale. Juste un catalogue de vagues intentions sans cadrage politique, ni budgétaire ni calendaire.

Nous appelons donc solennellement à la relance de la politique industrielle dans notre pays, fédérant entreprises, universités, recherche publique et privée. Nous demandons une simplification et une mise en cohérence des différents plans industriels de relance et d’investissements d’avenir, un effort de planification industrielle, complétés par une loi de programmation industrielle et écologique de 300 Md€ sur dix ans.

Pilotée par un ministère de l’industrie et de l’énergie autonome, cette politique, ciblée sur des secteurs prioritaires (défense, santé, environnement, numérique, énergie, transports) dont la France demanderait l’exclusion du calcul de la dette maastrichtienne ou le financement par des euro-obligations, viserait à l’horizon la création de 500 usines en France, le développement de nouveaux champions industriels européens, d’un véritable réseau d’ETI et de PME/PMI, ainsi que le retour aux alentours de 15% de la part de l’industrie dans le PIB français.

Pour y parvenir, nous demandons une relance de l’effort de formation d’ingénieurs et de techniciens, et de l’attractivité de ces filières en particulier pour les jeunes femmes. Nous demandons une orientation massive de la commande publique en faveur de l’industrie durable, voire une obligation d’achat français ou à défaut, communautaire, en généralisant à l’achat de prestations et produits locaux la préférence communautaire réservée au secteur de la défense, en utilisant les critères de responsabilité sociale et environnementale.

Nous demandons aussi que les relocalisations sur le territoire national soient facilitées via le rétablissement de la prime d’aménagement du territoire supprimée en 2020 et des simplifications administratives.

Nous exigeons que la sécurité économique de nos entreprises soit renforcée par la mobilisation de capitaux publics, le développement de financements coopératifs (notamment via un fonds dédié pour la reprise ou la transmission), en instaurant une présentation simplifiée des bilans des entreprises stratégiques, en instituant un contrôle public des transferts de technologies critiques, un délit de trahison économique des dirigeants d’entreprises sensibles n’informant pas l’État de leurs projets de cession d’actifs, en nommant, comme aux États-Unis, des administrateurs délégués de l’État dans les entreprises stratégiques, en rendant, comme en Allemagne, obligatoire la présence de salariés à hauteur de 50 % dans les conseils d’administration des entreprises cotées.

Nous demandons, de plus, que la fiscalité des entreprises soit rééquilibrée au bénéfice des PME et des ETI et non des grands groupes que le Premier ministre assimile à tort à des poules aux œufs d’or, puisqu’elles localisent une part grandissante de leurs activités à l’étranger et bénéficient de façon disproportionnée de l’ensemble des soutiens publics.

Nous demandons donc un recentrage du crédit d’impôt recherche et des aides publiques sur les ETI et les PME/PMI ainsi que sur les secteurs cibles de la loi de programmation industrielle pour relancer l’effort de R&D que les grands groupes peuvent assumer sans l’effet d’aubaine d’une aide de l’État. Cette part de R&D des entreprises privées doit passer de 1,3% à 2,4% du PIB Européen, niveau actuellement atteint par les États-Unis.

Enfin nous demandons que la politique industrielle européenne protège mieux qu’actuellement travailleurs et consommateurs européens, qu’elle renforce ses barrières douanières et peut-être surtout qu’elle bénéficie d’une primauté claire sur la politique de concurrence en excluant de son champ, pour une période et des territoires limités, des secteurs et des entreprises stratégiques pour les économies des États membres.

Nous devons retrouver le chemin du progrès économique et social en réaffirmant notre souveraineté et notre volonté de défendre nos intérêts économiques, comme celle de valoriser l’immense potentiel de richesse humaine, intellectuelle et matérielle de la France. Ce chemin, difficile et long, est indispensable. Une réelle volonté politique le rend possible sur la durée.

Nous attendons du Premier ministre et de son gouvernement qu’ils fournissent les preuves de cette volonté.

 

Pour la Fédération de la Gauche Républicaine (dont le MRC - voir Accueil)

Isabelle Amaglio-Terrisse, co-présidente de LRDG

Henri Cabanel, sénateur de l’Hérault

Thierry Cotelle, président du MRC, Conseiller régional d’Occitanie

Catherine Coutard, vice-Présidente du MRC

Vincent Guibert, secrétaire Général de l’Engagement

Samia Jaber, porte-parole de l’Engagement

Marie-Noelle Lienneman, ancienne ministre, coordinatrice de la GRS

Emmanuel Maurel, député du Val d’Oise, animateur national de la GRS

Stéphane Saint André, co-président de LRDG


 

Cet article est le 3447 ème sur le blog MRC 53 - le 282 ème dans la catégorie MRC national

Article paru le 04 février 2025 sur http://mrc53.over-blog.com/

Sue le site de la GRS : les organisations qui ont créé la FGR en 2022 (retrait de la NGS en 2024)

Sue le site de la GRS : les organisations qui ont créé la FGR en 2022 (retrait de la NGS en 2024)

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3 février 2025 1 03 /02 /février /2025 15:15

L'étude du Cepremap (période 2007-2024) montre un nouveau monde

 

L'agence Telos publie des articles à partir des contributions d'économistes, politologues, juristes, sociologues, français et étrangers. Le 31 janvier, elle a mis en avant les travaux de Yann Algan, Thomas Renault et Hugo Subtil (Cepremap) sous le titre :

Le vote de la motion de censure et la démission du gouvernement Barnier le 4 décembre 2024, constituent l'acmé d'une véritable révolution politique en France. Avec cette censure, quasiment inédite dans l'histoire de la Ve République, la polarisation de la vie politique a atteint un sommet.

 

Dans une note récente du Cepremap, «  La Fièvre parlementaire : ce monde où l'on catche  », nous utilisons des méthodes d'analyse textuelle et d'intelligence artificielle pour illustrer la métamorphose de l'Assemblée nationale à partir d'une analyse des deux millions de discours prononcés entre 2007 et 2024. L'ancien monde politique, marqué par l'alternance au pouvoir entre la gauche et la droite qui rythmait les débats parlementaires, a laissé place au nouveau monde. Celui-ci se caractérise par la fragmentation des partis et une polarisation très forte des débats à l'Assemblée depuis 2017. Cette polarisation a été exacerbée par l'irruption des réseaux sociaux dans l'antre de notre démocratie.

La rhétorique émotionnelle s'est imposée depuis 2017, et de façon encore plus marquée à partir de 2022, tandis que le débat rationnel recule, diminuant ainsi leur caractère délibératif. Aujourd'hui, plus de la moitié des discours se rapproche davantage de l'émotionnel que du rationnel. Les partis politiques populistes, tels que La France Insoumise (LFI) et le Rassemblement national (RN), sont les principaux vecteurs de cette évolution, bien que leurs trajectoires divergent. Alors que LFI intensifie sa rhétorique émotionnelle, le RN, conformément à la « stratégie de la cravate » affichée par Marine Le Pen, amorce une normalisation progressive.

Cette hausse des émotions est dominée par la colère, qui constitue 75% des discours émotions chez LFI et le RN. Ce phénomène n'est pas isolé. Les groupes politiques du centre et de la droite républicaine montrent également une augmentation — plus modérée — des émotions dans leur discours, bien que les émotions positives comme la joie y soient plus présentes. Cependant, cette évolution marque une rupture avec l'ancien monde où les émotions étaient davantage liées à l'alternance au pouvoir : la gauche se montrait plus émotionnelle sous les gouvernements de droite, et vice versa. Aujourd'hui, tous les partis semblent être en colère.

Une deuxième leçon de cette radioscopie de l'Assemblée nationale est l'avènement d'une polarisation inédite des débats. Tout d'abord le fait que ce soit la colère qui domine les débats, en particulier aux deux extrémités de l'hémicycle, et non la peur ou la tristesse, rend toute marge de débats ou de réconciliation improbable. Les recherches les plus récentes en sciences cognitives et sciences sociales montrent que les individus dominés par la colère ne cherchent pas le compromis, mais à renverser la table dans une logique du « plus rien à perdre », et sont imperméables aux nouvelles informations contraires à leurs croyances initiales. Cela se retrouve dans la hausse vertigineuse de nos indices de polarisation des débats dans les thématiques, le lexique, et les attaques des autres camps. Selon nos mesures, la polarisation a été multipliée par cinq au cours des deux dernières décennies, et surtout à partir de 2017 puis 2022.

Cette polarisation croissante s'effectue malgré des contextes institutionnels très différents, qu'il s'agisse de la période de majorité absolue avec frondeurs (2012-2017), de celle de majorité absolue forte (2017-2022), et surtout de la période actuelle de majorité relative (2022-2024). Cette dernière période est particulièrement importante. Alors même que les oppositions auraient tout intérêt à être « convaincantes », car elles peuvent réellement faire basculer le vote d'un côté ou de l'autre (notamment droite et gauche), elles continuent à surjouer la colère et les oppositions. Tout se passe comme si les normes comportementales écrasaient le rôle des incitations institutionnelles. Pour en comprendre la logique profonde : il nous faut maintenant saisir pleinement le rôle des réseaux sociaux.

L'avènement des réseaux sociaux est en effet l'un des principaux catalyseurs de cette mutation. L'Assemblée nationale est aujourd'hui devenue une scène de spectacle où les députés cherchent à capter l'attention de leurs partisans bien plus que celle de leurs collègues ou des journalistes. Les interventions se raccourcissent : en moyenne, elles comptent désormais 150 mots, un format idéal pour les vidéos de moins d'une minute, taillées sur mesure pour TikTok et X (anciennement Twitter). Les interruptions se multiplient, les applaudissements et les teintes triplent, et les discours longs et argumentés cèdent la place à des punchlines destinées à créer du contenu viral. Les insultes et les menaces remplacent les arguments, tandis que les rappels à l'ordre explosent : près de 83% des sanctions disciplinaires depuis 1958 ont été prononcées entre 2017 et 2024.

Cette transformation n'est pas anodine. Elle reflète une désinstitutionnalisation de l'Assemblée nationale, qui, loin d'être un espace d'échange d'idées, devient un lieu où s'opposent des ennemis plus que des contradicteurs. La démocratie parlementaire est à la fois un mode de gouvernement et un art de vivre ensemble. Toute l'histoire de la démocratie représentative a consisté en une longue lutte pour sublimer les conflits légitimes entre citoyens dans un champ programmatique et raisonné, grâce à des intermédiaires institutionnels tels que les partis et les élus à l'Assemblée nationale.

Certes les débats à l'Assemblée dans l'histoire parlementaire française n'ont jamais été un long fleuve tranquille, en particulier tout au long de la IIIe République, la démocratie était encore jeune et marquée par les guerres. Dans son livre de référence, La Fièvre hexagonale, Michel Winock rappelle de façon magistrale la permanence des fièvres et des troubles en France à travers les grandes crises du XXe siècle. Et la dimension théâtrale à l'Assemblée nationale semblait aussi présente dans l'ancien monde.

Mais ce qui a le plus changé entre l'ancien et le nouveau monde, ce n'est pas le théâtre, c'est le public. Le théâtre était, dans l'ancien monde, à destination des journalistes qui rendaient compte des débats. Il y avait donc une médiation qui obligeait, pour être considéré par la presse comme un « bon député », à tenir des discours plus rationnels pour montrer sa compétence, son talent oratoire, sa force d'entraînement politique, sa capacité à mettre en difficulté. l'adversaire…

Le public, ce sont désormais les followers, et plus qu'un théâtre, l'Assemblée semble être devenue un studio d'enregistrement pour réseaux sociaux. Loin d'être imperméable aux réseaux, c'est à eux que les députés semblent s'adresser. Tout se passe comme si les codes des réseaux sociaux,avaient contaminé l'antre même de la démocratie représentative, avec une génération plus jeune de députés tiktokers, extrapolant à l'Assemblée ce constat amer d'Edgar Morin sur les réseaux sociaux : « Nous assistons depuis deux décennies dans le monde et également en France à la progression du manichéisme, des visions unilatérales, des haines et des mépris » (...).

Colère surjouée, discours de plus en plus courts, interruptions incessantes : autant de symptômes d'une mutation profonde. Cette évolution interpelle quant à l'avenir de la démocratie représentative et le caractère encore gouvernable de notre pays, y compris avec des réformes institutionnelles (par exemple la proportionnelle), tant que la fièvre des passions et les codes des réseaux sociaux écraseront toute culture du débat et du compromis.

Alors que les oppositions auraient tout intérêt à convaincre rationnellement lors d'une période de majorité relative, elles privilégient des stratégies émotionnelles. Cette dérive, loin d'être anodine, menace de transformer durablement les pratiques parlementaires et, avec elles, la manière dont les Français conçoivent le débat public et la gouvernance collective, et de renforcer toujours un peu plus leur défiance envers le politique.
 

Cet article est le 3446 ème sur le blog MRC 53 - le 101ème catégorie République Parlement

Article paru le 03 février 2025 sur http://mrc53.over-blog.com/

Assemblée nationale : émotion plus que de raison, fièvre parlementaire
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2 février 2025 7 02 /02 /février /2025 22:23

Une nouvelle Révolution française pour rétablir la justice fiscale ?

 

La décision du Premier ministre François Bayrou de ne pas soumettre au vote des députés le texte budgétaire adopté le 31 janvier par la commission mixte paritaire parlementaire (CMP) fait penser qu'il est prêt à faire la même erreur que son prédécesseur Michel Barnier.

C'est ne rien comprendre aux attentes citoyennes de commencer à arrêter la dérive fiscale en faveur des plus riches contribuables français.

A croire que l'idéologie néolibérale continue de sévir dans les élites politiques françaises et que seule une nouvelle Révolution lui fera céder sur la question de la taxation des plus riches.

Le journal indépendant (coopérative de salariés) Alternatives Economiques a publié, le 31 janvier, une étude intéressante provenant de la direction générale des finances publiques.

Même les chiffres de Bercy plaident pour taxer les très riches

 

En plein débat budgétaire, une note de la direction générale des finances publiques, qui dépend du ministère de l’Economie, livre des données et des arguments clés en faveur d’une taxation accrue des plus riches. Lire l'article de Laurent Jeanneau.

Fini de tergiverser. Si le gouvernement hésite encore à taxer les très riches, une étude que vient de publier la direction générale des finances publiques (DGFiP) devrait finir par le convaincre de passer à l’acte.

Mettre davantage à contribution les plus aisés est en effet doublement légitime. Tout d’abord, parce que les plus fortunés ont vu leur richesse se démultiplier ces vingt dernières années. Ils en ont donc les moyens. Ensuite, parce que leur taux d’imposition moyen a baissé sur la même période. Double jackpot !

Par « très riche », il faut comprendre le top 0,1 % des plus hauts revenus, soit 40 700 foyers fiscaux qui ont touché au minimum 463 000 euros en 2022. Mais bien davantage pour la plupart d’entre eux, car la moyenne annuelle des revenus de ce club ultra-sélect s’élevait à 1 030 000 euros, à comparer aux 32 000 euros gagnés en moyenne par les autres foyers. A lui seul, ce top 0,1 % cumule 3 % du revenu de l’ensemble des foyers.

Mais le plus impressionnant, c’est de voir à quel point ces revenus ont progressé. En 2003, la moyenne de leurs revenus était très proche du seuil minimal observé actuellement : 469 000 euros. Entre 2003 et 2022 ce revenu moyen a donc augmenté de 119 %, nettement plus vite que celui du reste de la population (+ 46 %). Soit une croissance annuelle de 4,7 %, contre 2 % pour le commun des mortels (respectivement + 3 % et + 0,5 % en termes réels, c’est-à-dire une fois déduits les effets de l’inflation).

Le patrimoine aussi

« Ce dynamisme est tout à fait remarquable même par rapport aux autres foyers à revenus élevés », soulignent les auteurs de la note de la DGFiP. Ainsi, le top 1 % traîne légèrement des pieds avec + 79 % de hausse depuis 2003, soit 1,5 fois moins vite que les très hauts revenus (le top 0,1 %). Bref, les inégalités se creusent, y compris entre riches, avec une petite minorité de privilégiés dont les revenus s’envolent.

Même constat côté patrimoine, c’est-à-dire si l’on observe le stock de richesse accumulée, via l’achat de multiples logements ou la détention de titres financiers. Le patrimoine moyen du top 0,1 % a presque doublé entre 2003 et 2016, passant de 5,3 millions à 10,2 millions (+ 5,4 % par an). Pour tous les autres, ce patrimoine moyen est passé de 176 000 euros à 279 000 euros, une hausse qui n’est pas négligeable (+ 4,2 % par an) même si l’on n’est pas du tout sur les mêmes ordres de grandeur…

Le problème, c’est que l’on ne peut pas savoir précisément ce qui s’est passé après 2016, à cause de la transformation de l’ISF en impôt sur la fortune immobilière (IFI) qui « a fait perdre la connaissance du patrimoine mobilier des plus aisés dans les déclarations fiscales ».

Si l’on s’en tient à la pierre, le patrimoine immobilier moyen de ces très riches est passé de 3,9 millions d’euros en 2017 à 4,6 millions d’euros en 2022 (+ 18 %). Bien que l’on ne dispose plus des données, il est probable que le patrimoine financier de ces nantis ait suivi la même courbe ascendante, puisque les revenus qu’ils en tirent ont augmenté.

Au total, les inégalités ont augmenté entre 2003 et 2022, comme le mesure l’indice de Gini calculé sur les revenus fiscaux. Cette hausse se décompose en trois temps : une phase de creusement des inégalités entre 2003 et 2010, suivie d’une réduction au moment de la crise des subprime et des dettes souveraines (2010-2013), puis un net rebond entre 2013 et la crise sanitaire, avant de se stabiliser à partir de 2020.

Enrichissement des riches, appauvrissement des pauvres

Cette hausse des inégalités a été alimentée aux deux extrémités de la distribution des revenus : en vingt ans, le poids des 10 % les plus riches a augmenté de 1,7 point dans l’ensemble des revenus (avant fiscalité et transferts sociaux), tandis que celui des 25 % les moins aisés a perdu 0,9 point. Dit autrement, les plus riches se sont enrichis quand les plus pauvres se sont appauvris.

La note de la direction des finances publiques donne de nombreux détails sur le profil de ces très riches, très majoritairement propriétaires de leur habitation principale, davantage en couple et plus âgés que le reste de la population. Elle passe également en revue la structure de leurs revenus (plus diversifiés que la moyenne).

Mais on retiendra cette information, particulièrement utile au débat budgétaire actuel : le taux d’imposition moyen du top 0,1 % des plus hauts revenus a baissé entre 2003 et 2022, passant de 29,3 % à 25,7 % (- 3,6 points). Alors qu’il a légèrement augmenté en moyenne (+ 0,2 point).

Au vu d’un tel constat, la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, prévue dans le projet de budget et adoptée en commission mixte paritaire (CMP) jeudi 30 janvier, est bien la moindre des choses.

Cette surtaxe reste toutefois modeste – elle ne devrait rapporter que 2 milliards d’euros. Surtout, elle pèche par son caractère temporaire, les élus macronistes et LR s’étant opposés à sa pérennisation. Peut-être n’avaient-ils pas encore pris le temps de lire cette note instructive de la direction générale des finances publiques ?


 

Cet article est le 3445 ème sur le blog MRC 53 - le 10ème, catégorie France et monde

Article paru le 02 février 2025 sur http://mrc53.over-blog.com/

Budget 2025 : les privilèges financiers font penser à l'Ancien Régime
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