La France et la gauche vont mal, le capitalisme toujours plus inégalitaire
Bernard Teper ReSPUBLICA est aussi co-animateur du Réseau Education Populaire (REP). Editorialiste dans ReSPUBLICA, le journal du réseau de la gauche républicaine, laïque, écologique et sociale, il a développé ses analyses politiques dans l'édition numérique du 9 février 2025, sous le titre La France et la gauche en PLS. Extraits.
Face à la situation actuelle en France, la gauche se trouve en situation de PLS (PLS : position latérale de sécurité. Les jeunes ont initié le vocable « être en PLS » qui veut dire « être mal »). À la veille de la commission mixte paritaire (CMP) sur le projet de budget de l’État du gouvernement Bayrou, le député LIOT et rapporteur du budget à l’Assemblée nationale, Charles de Courson, tire la sonnette d’alarme.
À ses yeux, les hypothèses de croissance, d’inflation et de recettes fiscales prises par le gouvernement sont trop favorables pour limiter le déficit à 5,4 % du PIB. Il prédit donc un déficit plus important. Il y a donc un mensonge du gouvernement Macron-Bayrou. Nous venons d’apprendre par ailleurs que la croissance française a reculé au 4e trimestre 2024 de 0,1 %, alors qu’elle a cru aux États-Unis de 2,3 % (...).
Et la gauche dans tout cela ?
Tout ce qui précède n’étonnera pas les lecteurs assidus de ReSPUBLICA. C’est la continuation normale du développement capitaliste. Simplement, nous vivons une accélération des tendances inégalitaires de ce dernier, le simple néolibéralisme même additionné à l’ordolibéralisme européen ne suffisant plus à contrer la baisse tendancielle du taux de profit.
Voilà pourquoi il est indispensable pour ce mode de production de réduire le plus vite possible le nombre des gagnants du système et donc de le faire d’une façon de plus en plus autoritaire. Bien sûr, une alternative existe, mais elle demande un changement de formation sociale et donc un changement du mode de production dominant.
Seul le plus grand nombre peut y parvenir s’il est conscient que seule cette alternative est possible face à la multitude des fausses bonnes idées magiques. Pour cela, il est nécessaire de ne plus croire aux miracles et de faire un effort volontaire sur soi-même afin d’analyser le vrai réel et non le phantasme de gauche du solipsisme. Donc, le point de passage obligé est d’avoir une ligne stratégique efficace pour mobiliser le plus grand nombre vers un objectif rationnel et désirable. Et comme l’histoire nous l’apprend, rien d’essentiel ne peut se faire sans la mobilisation unitaire de la classe populaire (...).
Un budget 2025 irresponsable
Le budget de l’État 2025 présente des recettes inférieures à 6,2 milliards au budget Macron-Barnier et l’abaissement des dépenses est de 6,4 milliards d’euros. Il est donc pire que le budget prévu par le gouvernement précédent. Quant au budget de la Sécurité sociale, malgré le milliard de plus pour l’hôpital, il y a 90 milliards d’exonérations de cotisations sociales et 203 milliards d’aides publiques sans contrepartie, principalement pour les grandes entreprises. C’est du ruissellement des plus pauvres vers les plus riches ! Tant pis pour l’école, la santé, l’hôpital, les services publics, la recherche, la réindustrialisation, la transition écologique et énergétique ! Le tango de la majorité des socialistes avec le gouvernement Macron-Bayrou a donc été inutile pour la classe populaire, mais très utile pour l’extrême centre macroniste.
Arrive la municipale partielle de Villeneuve-Saint-Georges (VSG) ou la stratégie suicidaire de LFI
Villeneuve-Saint-Georges n’est pas une simple commune de 35 000 habitants ; ville la plus jeune et la plus pauvre des 47 communes du Val-de-Marne, elle constitue un symbole pour la gauche. De plus, elle fait partie des 140 communes de France visées par la stratégie LFI pour les municipales de 2026, dans lesquelles Jean-Luc Mélenchon a fait plus de 40 % en 2022 et Manon Aubry plus de 30 % en 2024. Une campagne pour un programme d’urgence sociale s’imposait donc. Et pour que cela soit crédible, il fallait une gauche unie sans faille au moins au second tour. Raté !
Il s’agit d’une vieille commune cheminote, longtemps administrée par le PCF. La dernière mandature communiste fut une horreur avec un soutien sans faille de cette ville aux indigénistes islamistes, ce qui a accéléré son écroulement. Elle fut prise par la droite au début de cette décennie. Mais le rififi n’était pas fini. En plein conseil municipal, le maire de droite fait un salut nazi. Une partie des élus de droite démissionne du conseil municipal, d’où l’élection partielle. Entre-temps, Louis Boyard (LFI) conserve, début juillet 2024, son poste de député avec un excellent score de 61 % au second tour sur la commune de VSG. Il perd, moins de 7 mois plus tard, la municipale partielle dans une triangulaire (face à la future maire LR et au maire au salut nazi sortant) en ne faisant que 38,8 % des voix au second tour, plus de 10 % de moins que la maire élue et plus de 22 % de moins que lui-même le 7 juillet 2024. Bien sûr, c’est une partielle, mais c’est une partielle pour tout le monde. Les deux événements nationaux décrits ci-dessus ont déployé leur effet négatif.
Refus de LFI de fusionner les listes de gauche
La décision de ne pas fusionner les deux listes de gauche au second tour à la proportionnelle a définitivement détruit les chances de la gauche. Rien de tangible ne justifie cette position de la direction de LFI, qui argue que sa liste a fait plus que l’union de la gauche en 2020 (dont l’écroulement s’explique par les propos ci-dessus). Elle ne tient aucun compte des élections de 2024 ! Ridicule ! François Ruffin a beau jeu de faire un brin d’humour en disant que, dans ce cas, la direction de LFI a justifié toute l’action de Louis Boyard selon l’adage stalino-orwellien « La défaite est une victoire. Le recul est une progression. La division est une force ».
Pour mieux comprendre, il faut revenir au résultat du premier tour où Louis Boyard vire en tête avec seulement 24,89 % (avec au moins un candidat proche de Rima Hassan dont la découverte plombe cette liste), mais avec une autre liste de gauche composée par le PCF, le PS et les écologistes, qui arrive troisième avec 20,7 %. Cette liste, tirée par le candidat PCF Daniel Henry, ancien premier adjoint de la municipalité communiste de la décennie précédente, propose à Louis Boyard une fusion à la proportionnelle, ce qui était juste. Refus de Louis Boyard et de la direction de LFI d’appliquer la stratégie d’union NFP au second tour. Le PCF retire sa liste. La messe est dite, malgré la triangulaire avec l’ancien maire au salut nazi, qui a quand même fait plus de 15 % au premier tour et plus de 12 % au second tour. Le jeune Louis Boyard a joué comme un jeune petit bourgeois à la roulette russe et a perdu ! La classe populaire villeneuvoise méritait mieux, notamment avec un plan d’urgence sociale.
Bien sûr, ce recul de la gauche a des causes multifactorielles. Il y a des causes nationales dues aux stratégies perdantes des différentes directions des partis de la gauche, largement instruites dans les colonnes de ReSPUBLICA, et il y a des causes locales politiciennes que nous venons de présenter qui se surajoutent aux précédentes. Nous ne le dirons jamais assez, toutes les directions de gauche doivent refuser la stratégie 2011 de Terra Nova. La gauche devrait appliquer les 12 théorèmes d’une gauche de gauche sur lesquels nous reviendrons.
Cet article est le 3452 ème sur le blog MRC 53 - le 200ème, catégorie Gauche France
Article paru le 10 février 2025 sur http://mrc53.over-blog.com/