Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.
La génétique doit-elle être au service de l’Etat ?
Devant le conseil national de l’UMP, réuni hier à Paris, le Premier Ministre, François Fillon, a qualifié de « détail » l’amendement au projet de loi sur l’immigration prévoyant des tests ADN facultatifs pour les candidats au regroupement familial.
Il a été très applaudi quand il a évoqué "cette loi dont les polémiques ont grossi jusqu'au ridicule, un détail en masquant l'essentiel : qu'elle rendait à la France le droit de choisir son immigration, qu'elle renforçait la qualité des contrôles, qu'elle instaurait une politique d'intégration véritable, fondée sur notre langue, fondée sur notre culture, fondée sur notre histoire, fondée sur le respect d'une identité nationale dont nous n'avons pas à rougir" (www.lemonde.fr avec AFP, 7octobre).
Le 6 octobre, sur le même site, un article faisait état d’un entretien avec Bertrand Mathieu, professeur de droit public, membre du comité pour la réforme des institutions et auteur de nombreux articles sur le droit de la bioéthique. Voici ce texte, qui apporte un éclairage juridique sur cette question fondamentale.
« Les tests génétiques font sauter certains verrous de la vie privée »
En quoi le développement des tests génétiques peut-il constituer un danger ?
« Les tests génétiques ont deux objets. Un objet prédictif, afin de prévoir éventuellement la survenance d'une maladie. Et un rôle d'identification. Les tests prédictifs sont, à terme, susceptibles d'engendrer des discriminations dans le domaine de l'emploi et des assurances. Les tests d'identification présentent également un danger.
En matière pénale, la preuve génétique n'est pas la preuve parfaite : démontrer que quelqu'un a laissé une trace génétique ne veut pas dire qu'il s'agit de l'auteur d'un délit. Associés aux nouvelles technologies de l'information, ces tests font également sauter certains verrous de la vie privée. Et ils peuvent laisser entendre que l'individu se réduit à son identité génétique ».
Quel est le cadre juridique dans lequel s'inscrit l'amendement au projet de loi sur l'immigration, autorisant le recours aux tests ADN pour les candidats au regroupement familial ?
« Depuis les lois de bioéthique de 1994, le code civil prévoit trois hypothèses dans lesquelles ces tests peuvent être utilisés : en matière pénale, afin de rechercher l'auteur d'une infraction ; en matière civile, pour faire établir une filiation ; et en matière médicale.
Il n'y a pas véritablement de jurisprudence constitutionnelle qui permette d'encadrer le recours aux tests génétiques. On peut en effet invoquer toute une série de principes contradictoires : le respect de la vie privée, le droit à connaître ses origines, la nécessité de rechercher des auteurs d'infraction. C'est au juge qu'il revient de mettre en balance ces principes, en se livrant à un contrôle de proportionnalité, par définition incertain quant à ses résultats. C'est pourquoi j'estime nécessaire que le Conseil constitutionnel, s'il est saisi, puisse encadrer le recours aux tests génétiques ».
Les modifications introduites par le Sénat au texte voté à l'Assemblée nationale ont-elles fait disparaître tout risque d'inconstitutionnalité ?
« Les objectifs poursuivis par le législateur - canaliser l'immigration et lutter contre la fraude - sont conformes à la Constitution. Le problème d'égalité entre nationaux et étrangers ne se pose pas, le Conseil constitutionnel ayant déjà eu l'occasion de considérer que les uns et les autres ne sont pas dans la même situation.
La quasi-totalité des obstacles soulevés ont été levés au Sénat : le test serait demandé par l'intéressé, et serait effectué sous le contrôle d'un juge ; le risque d'atteinte à la vie privée est moindre dans la mesure où ne serait plus recherché que le lien de filiation avec la mère ; les frais financiers seraient payés par l'Etat ».
Sur quel fondement le Conseil constitutionnel pourrait-il éventuellement être amené à censurer le dispositif ?
« Le Conseil pourrait juger qu'il y a disproportion entre les objectifs et les moyens, s'il estime que ces tests constituent une intrusion assez forte dans la vie privée alors qu'ils ne permettront de résoudre qu'un nombre limité de cas.
Autre hypothèse, qui me paraîtrait plus constructive et intéressante : le Conseil pourrait soulever le problème de l'atteinte à l'égalité entre la filiation adoptive et la filiation génétique. Contrairement à un enfant ayant un lien génétique avec sa mère, un enfant adopté n'arrivera pas, par ces tests, à prouver sa filiation. Il en résulte une différence de traitement entre enfants qui est sans rapport avec les objectifs du législateur ».
Y a-t-il un risque d'extension et de banalisation de ce genre d'outils ?
« Dans un premier temps, le recours aux tests génétiques a été considéré comme une dérogation limitée à la recherche d'auteurs d'infractions les plus graves, et pour permettre à un enfant d'établir sa filiation. Le nouveau champ ouvert par cette loi n'est probablement pas le dernier. D'où la nécessité d'un encadrement par le Conseil constitutionnel ».
Pétition contre les tests ADN
Une pétition a été proposée par Charlie Hebdo et SOS Racisme, en réaction à l’amendement Mariani voté par l’Assemblée nationale (voir http://www.touchepasamonadn.com).
Je l’ai signée car je pense que cet amendement, soutenu par l’UMP, est le symbole d’une politique en rupture avec l’humanisme qui fonde notre vivre ensemble. Voici ce texte.
« En instaurant des tests ADN pour prouver une filiation dans le cadre d’un regroupement familial, l’amendement Mariani, adopté par l’Assemblée Nationale, fait entrer la génétique dans l’ère d’une utilisation non plus simplement médicale et judiciaire mais dorénavant dévolue au contrôle étatique.
Cette nouvelle donne pose trois séries de problèmes fondamentaux.
Tout d’abord, des problèmes d’ordre éthique. En effet, l’utilisation de tests ADN pour savoir si un enfant peut venir ou non rejoindre un parent en France pose d’emblée cette question : depuis quand la génétique va-t-elle décider de qui a le droit ou non de s’établir sur un territoire ? Au-delà, depuis quand une famille devrait-elle se définir en termes génétiques ? Sont pères ou mères les personnes qui apportent amour, soin et éducation à ceux et celles qu’ils reconnaissent comme étant leurs enfants.
Ensuite, cet amendement fait voler en éclats le consensus précieux de la loi bioéthique qui éloignait les utilisations de la génétique contraires à notre idée de la civilisation et de la liberté.
Enfin, cet amendement s’inscrit dans un contexte de suspicion généralisée et récurrente envers les étrangers qui en vient désormais à menacer le vivre ensemble. Car tout le monde s’accorde à dire que la fraude au regroupement familial ne peut être que marginale au regard des chiffres d’enfants annuellement concernés et au regard de l’absence de raison substantielle qu’il y aurait à frauder dans ce domaine. En effet, quelle étrange raison pousserait les immigrés à faire venir massivement dans notre pays des enfants qu’ils sauraient ne pas être les leurs ? Autrement dit, l’amendement instaurant les tests ADN n’a pas pour fonction de lutter contre une fraude hypothétique mais bien de participer à cette vision des immigrés que nous récusons avec force.
Nous sommes donc face à un amendement qui, sur les plans éthique, scientifique et du vivre ensemble introduit des changements profondément négatifs. C’est pourquoi, nous, signataires de cette pétition, appelons le Président de la République et le Gouvernement à retirer cette disposition, sous peine de contribuer, en introduisant l’idée que l’on pourrait apporter une réponse biologique à une question politique, à briser durablement les conditions d’un débat démocratique, serein et constructif sur les questions liées à l’immigration ».