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Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.

Europe : Bernard Cassen voit dans le traité de Lisbonne le retour de la Constitution


Un mauvais coup dans le dos des peuples !

Dans l’édition de décembre du Monde Diplomatique (www.monde-diplomatique.fr), Bernard Cassen, directeur général, analyse le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) avec son regard critique. Il y voit la résurrection de la « Constitution » européenne et déplore la fuite en avant des socialistes vers « toujours plus d’Europe » qui se traduit par toujours plus de libéralisations, privatisations et remise en cause des services publics.

Voici les principaux extraits de ce texte.

« A Lisbonne, dans le dos des peuples, résurrection de la Constitution européenne »

L’Europe et la participation populaire n’ont jamais fait bon ménage. En optant pour la ratification parlementaire d’un traité pratiquement identique à celui qui avait été rejeté par référendum en 2005, M. Nicolas Sarkozy élargit la fracture entre les citoyens et l’appareil institutionnel de l’Union européenne. Un appareil qui produit à flux tendu des politiques néolibérales que les gouvernements sont trop heureux d’imputer à une « Europe » dont ils sont ainsi en train de miner la légitimité.

La signature, le 13 décembre 2007, du traité de Lisbonne par les gouvernements des vingt-sept Etats membres de l’Union européenne met un terme à la période dite, par euphémisme, de « réflexion » qui avait suivi le rejet du traité constitutionnel européen (TCE) par les référendums français et néerlandais du printemps 2005. Tout en aménageant les superstructures institutionnelles de l’Union, il conforte sa nature foncièrement néolibérale et, ceci expliquant sans aucun doute cela, il a été calibré pour se prémunir, en jargon bruxellois, contre tout « accident » de ratification. Traduction : il ne doit pas être soumis au jugement des peuples, auxquels on n’aura jamais aussi ouvertement signifié leur condition d’intrus et d’indésirables dans la construction européenne.

Dénommé par antiphrase « traité simplifié » ou « minitraité » par M. Nicolas Sarkozy pendant sa campagne présidentielle, le nouveau texte, désormais intitulé traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), ne comprend pas moins de deux cent cinquante-six pages incluant près de trois cents modifications du traité instituant la Communauté européenne (Rome, 1957) et une soixantaine de modifications du traité sur l’Union européenne (Maastricht, 1992), douze protocoles et des dizaines de déclarations. Dans la longue histoire de la diplomatie, on a connu plus « simplifié » et plus « mini »...

Le caractère quasi illisible de ce document pour le commun des mortels (et, on l’imagine, pour la grande majorité de leurs représentants élus) ne doit pas occulter l’essentiel : il s’agit purement et simplement, à quelques dispositions près, de la reprise du contenu du TCE. Aussi le simple parallélisme des formes aurait-il voulu qu’il soit soumis aux mêmes procédures de ratification. Il n’en est rien. L’argument avancé par M. Sarkozy pendant et après sa campagne pour justifier le refus d’une nouvelle consultation populaire est d’une désarmante mauvaise foi : le TCE était une Constitution, pour laquelle un référendum s’imposait ; le TFUE n’étant pas une Constitution, une simple ratification parlementaire suffira ! Or, le TCE n’était nullement une « Constitution » européenne au sens juridique du terme ; il s’agissait d’un traité comme les autres, ainsi que l’avait publiquement affirmé M. Jean-Luc Dehaene, ancien premier ministre belge et vice-président de la Convention pour l’avenir de l’Europe, qui en avait rédigé la première mouture.

La référence constitutionnelle était de nature symbolique, notamment pour « sacraliser » les politiques européennes en vigueur, la quasi-totalité d’entre elles d’essence néolibérale, qui figuraient dans la partie III du TCE. Cette partie III a certes disparu en tant que telle, mais sa substance demeure intacte puisqu’elle figure dans les deux traités (de Rome et de Maastricht) auxquels le TFUE ne fait qu’apporter des modifications, et surtout parce que ces politiques s’appliquent déjà quotidiennement.

Dernier argument développé par le président de la République : les modifications introduites font consensus. Si tel est bien le cas, une occasion privilégiée se présente de la vérifier en consultant les électeurs. Les thèmes consensuels sont tellement rares en France…

On aura deviné que M. Sarkozy ne croit pas un mot de ces sornettes. Dans des propos tenus à huis clos lors de sa récente visite au Parlement européen, à Strasbourg, il livre le fond de sa pensée : « Il n’y aura pas de traité si un référendum a lieu en France, qui serait suivi par un référendum au Royaume-Uni ». Circonstance aggravante : «La même chose se produirait dans tous les Etats membres si un référendum y était organisé ». Au moins, les choses sont claires, ce que confirme, sans pour autant s’en émouvoir, un chroniqueur de l’hebdomadaire L’Express, chaud partisan du nouveau traité : « La preuve est faite que l’Union européenne n’avance qu’en se passant de l’assentiment populaire. (…) L’Union redoute ses peuples, au point qu’il a fallu abandonner à Lisbonne les « signes ostensibles », drapeau et hymne, pour donner de drôles de gages à l’opinion ». Tout est dit.

Si la construction européenne ne peut « avancer » qu’à l’insu des peuples, quand ce n’est pas contre eux, ce sont ses fondements démocratiques – constamment invoqués dans tous les traités – qui sont eux-mêmes en cause. Il ne s’agit pas là d’une question subalterne. Elle est de celles où la forme non seulement prime le fond, mais où elle constitue le fond lui-même, en l’occurrence le primat de la souveraineté populaire. A ce titre, elle devrait inquiéter au plus haut point l’ensemble des responsables politiques et, au-delà, l’ensemble des structures de représentation de la société (…).

A propos du PS, Bernard Cassen ajoute : on peut s’interroger sur cet acharnement d’un parti en faveur d’une forme de construction européenne qui, dès le premier jour, s’est voulue une machine à libéraliser et qui a ensuite repris à son compte les critères de la mondialisation libérale, notamment en ce qui concerne les relations avec le Sud (…).

En pratiquant une fuite en avant qui consiste à réclamer toujours « plus d’Europe » (c’est le sens de leur engagement pour le « oui ») – alors que « plus » de cette Europe-là signifie immanquablement davantage de libéralisations, de privatisations et de remise en cause des services publics – la plupart des dirigeants de la gauche de gouvernement s’interdisent délibérément toute velléité de transformation sociale et de redistribution de la richesse ici et maintenant. Il est pathétique de les voir courir après une « Europe sociale » qui, tel un mirage, se dérobe chaque jour devant eux (…).

Il est audacieux de qualifier de « socialistes » les sociaux-démocrates du Parti socialiste européen (PSE) qui, au Parlement européen, font généralement cause commune avec leurs « adversaires » du Parti populaire européen (PPE) dès lors qu’il s’agit de libéraliser et de se rapprocher des Etats-Unis. Si cette Europe est effectivement, et par nature, libérale, et si elle a verrouillé ses institutions pour le demeurer, la question, longtemps taboue, est désormais de savoir comment se libérer de ce carcan.

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