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Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.

Politique de civilisation : Sami Naïr souligne les contradictions du président Sarkozy


Politique de citoyenneté et laïcité à la française

 

Sami Naïr, professeur de sciences politiques à l’université Paris-VIII, ancien député MRC au Parlement européen, avait écrit avec Edgar Morin, le livre intitulé « Politique de civilisation » (1997).

 

Les deux coauteurs sont beaucoup sollicités depuis que le président de la République a repris cette formule à son compte, lors de ses vœux le 31 décembre 2007, au point d’en faire la finalité de son action, selon ses déclarations en préambule de la conférence de presse tenue le 8 janvier dernier à l’Elysée.

« Pour lui, la politique de civilisation doit répondre aux questions : comment  "remettre  l'homme au cœur de la politique", "réhumaniser la société", "mettre le changement indispensable au service de l'homme" ? Le président a ensuite décliné les réformes pour 2008 qui mettront en place cette "politique de civilisation" » (www.lemonde.fr - 8 janvier).

 

La réaction de Sami Naïr était attendue, après celle d’Edgar Morin. Elle a été publiée dans la rubrique Rebonds de Libération (www.liberation.fr – 18 janvier). La voici.

 

Quelle « politique de civilisation » ?

 

Le président Sarkozy s’approprie maintenant l’idée de « politique de civilisation » ! On ne peut que s’en féliciter. Mais comme il a fait la même chose avec l’idée de «codéveloppement», dont le concept pâlit au fil des expulsions comptabilisées d’immigrés, il est peut-être prudent de rappeler quelques principes de base.

Lorsque, avec Edgar Morin, nous avions décidé d’écrire Politique de civilisation (1997), il me souvient que notre question de départ était : «Où va notre monde ?» (Edgar Morin a republié plus tard ses contributions en un petit volume). A la lecture de la première version du livre, on peut voir que la réponse était tributaire d’une analyse du système mondial réellement existant.

Depuis cette époque, la situation s’est aggravée : 11 septembre 2001, invasion américaine de l’Irak, terrorisme mondialisé… Poursuite d’une globalisation déréglée, dans un contexte de dégradation écologique planétaire.

En France, la privatisation du lien social liée à cette globalisation conduit à une crise sans précédent des statuts sociaux : l’intérêt général est perverti, les services publics sont démantelés, la dynamique destructrice de la guerre, de tous contre tous, placée au cœur du dispositif économique.

L’idée, civilisée par excellence, de «biens universels» hors marché, qui recouvre entre autres des domaines aussi sensibles que l’éducation, la santé, le logement, l’information libre, est désormais délégitimée par la contrainte d’airain de la marchandisation. L’Etat n’est plus l’incarnation de la volonté générale tendue vers l’élargissement de la solidarité, il a le visage grimaçant de l’administration qui ne cesse de se lamenter sur son impuissance…

Si la civilisation signifie, dans la plus belle tradition européenne des Lumières, l’instauration d’un monde où prévalent l’égalité des chances et la solidarité humaine, alors il faut constater qu’elle est désormais en crise profonde, dévorée par un capitalisme sans âme.

Dans sa récente conférence de presse, le président Sarkozy fustige la déshumanisation des rapports sociaux, l’individualisme carnassier, la perte des sentiments de solidarité collective. Parfait.

N’appelle-t-il pas «réforme» le démantèlement de pans entiers de l’Etat social ? Le cadeau fiscal octroyé en début de législature à certaines catégories parmi les plus aisées de la population participe-t-il de l’action solidaire avec les plus nécessiteux ?

Une politique de civilisation digne de ce nom est d’abord une politique de citoyenneté juste. Elle implique de grandes politiques publiques ; un rôle accru de l’Etat en tant que vecteur du bien-être collectif, une vision du développement social et territorial fondée non sur des discriminations «positives» sectorielles, mais sur des redistributions ciblées des ressources pour restaurer l’égalité des chances et créer les conditions d’une véritable identité commune.

En donnant à son gouvernement l’image de la diversité, le président Sarkozy a fait avancer symboliquement, et considérablement, les représentations de nos concitoyens. Il faut lui reconnaître ce mérite. Mais la réalité doit suivre. Que se passe-t-il dans les banlieues stigmatisées, dans les quartiers marginalisés des villes, dans les zones urbaines abandonnées du pays ? Si j’en crois la cacophonie, comique si elle ne concernait pas des problèmes dramatiques, entre la ministre du Logement et sa secrétaire d’Etat, on est loin d’une idée claire et forte de l’action à entreprendre.

Plus encore : une politique de citoyenneté ne devrait-elle pas aujourd’hui affronter la question du pluralisme confessionnel ? Dans le discours de Latran, le président Sarkozy a l’air de penser que la laïcité à la française constitue désormais un obstacle à ce qu’il nomme, d’un trait trop rapide, le besoin de «transcendance».

On le sait : tant le fond religieux européen, qui refait surface dans le contexte de la construction européenne, que la présence nouvelle de l’Islam, font tanguer le modèle laïc. Faut-il pour cela y renoncer ? Et si, au contraire, ce modèle était, plus que jamais, la meilleure manière de répondre aux défis qui se posent à la République ? Ou alors va-t-on nous inventer par décret une nouvelle «transcendance» ?

Au moins, Monsieur le Président, souffrez que l’on défende, comme partie civile, ce procès instruit par de si hautes instances religieuses depuis toujours et désormais défendu par de brillants avocats… Il suffit de regarder autour de soi pour comprendre qu’il est très dangereux de jouer avec ces choses-là : partout les intégrismes et les confessionnalismes d’exclusion provoquent des désastres. Plus que jamais, l’idée d’un espace public laïc, qui respecte croyants et non-croyants, constitue l’horizon indépassable de la liberté de conscience.

Sur le plan international, la France promeut-elle ses valeurs universelles et plaide-t-elle pour le droit international, la paix et la solidarité, lorsqu’elle s’aligne sur une puissance qui n’a pas hésité à mentir, à semer le sang pour assouvir ses intérêts et finalement à nourrir la «guerre des civilisations» que le terrorisme intégriste veut allumer partout ?

Contribue-t-on à favoriser la négociation lorsque, après avoir légitimement condamné un président dangereusement provocateur et tout aussi légitimement refusé la course vers le nucléaire militaire, on proclame, précédant même Washington, la «logique de guerre» face à l’Iran ?

Que signifie ce mot de «civilisation» devant tant de glissements et d’inversions ? «Politique de civilisation» ? Certes. Mais on se départit difficilement de l’impression que la formule arrive à point nommé pour combler un vide, et peut-être pour divertir en temps d’élections. Espérons que par son action notre président dissipera nos appréhensions.

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C
Effectivement, la civilisation, ça paraît "évident" mais, avec Sarkozy, ça va mieux en le disant ; d'autant plus que ses récentes déclaratins nous amènent à penser que civilisation est lié avec culture religieuse ...
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