Un déficit de démocratie structurel au niveau européen
La décision de la Cour Constitutionnelle allemande à l’égard du traité de Lisbonne était très attendue (voir La ratification du traité de Lisbonne par l'Allemagne dépend des juges - 13 février 2009).
Son arrêt du 30 juin bloque temporairement la ratification par l’Allemagne du traité mais, surtout, constitue un désaveu cinglant pour ceux qui, en Europe, ont fait voter ce traité sans en souligner la force constituante, aux dépens des constitutions nationales.
« La Cour Constitutionnelle allemande se prononce ouvertement pour un renforcement des pouvoirs de décisions parlementaires et donc des électeurs dans les affaires européennes ».
Voici des extraits de l’article paru sur le site « betapolitique », le 3 juillet, sous le titre :
Allemagne : Traité de Lisbonne rejeté par la Cour Constitutionnelle
La Cour Constitutionnelle allemande a rejeté en l’état le Traité de Lisbonne le 30 juin 2009 tout en indiquant qu’il est compatible avec la Loi Fondamentale allemande (Constitution allemande).
Toute l’Europe fait semblant de démontrer que la démocratie est inutile, voire qu’elle ne correspond pas aux nécessités des élites européennes. Chaque État s’est débrouillé de voler l’expression démocratique relativement au TCE, puis, suite aux NON et au NEJ, relativement au Traité dit Simplifié (TSE) ou Modifié (TME) appelé plus communément Traité de Lisbonne, pour faire oublier qu’il a une force constituante par rapport au droit constitutionnel national de chaque pays ratificateur (…).
L'Article 23 de la Loi Fondamentale allemande violé par les outils de ratification du Traité de Lisbonne précise que "pour la réalisation de l’Europe unie, la République fédérale d’Allemagne participe au développement de l’Union Européenne qui s’oblige à respecter les principes démocratiques, d’État de Droit, sociaux et fédéralistes et le Principe de Subsidiarité qui garantissent au citoyen une protection égale dans le fond à la Protection d’une Constitution. La Chambre Haute (Parlement, Bundestag) et la Chambre Basse (des Länder) participent dans les affaires concernant l’Union Européenne."
Selon la Cour Constitutionnelle le Traité de Lisbonne est compatible avec la Loi Fondamentale allemande, mais "les outils de ratification de la République fédérale d’Allemagne pour le Traité de Lisbonne ne peuvent être déposés tant que n’est pas entrée en vigueur la nécessaire mise en œuvre légale des droits de participation parlementaire." Selon la Cour Constitutionnelle la violation de la Loi Fondamentale est avérée et le Parlement et la Chambre des Länder ne sont pas assez associées au transfert de compétence en direction de l'Union Européenne.
Pour éviter que les compétences de l'Union Européenne ne soient étendue en cachette la Cour Constitutionnelle allemande a demandé que le Bundestag (Parlement) donne son accord à chaque fois en légiférant quand l'Union Européenne obtient de nouvelles attributions sans modification par Traité. Jusqu'à présent le Bundestag ne pouvait faire valoir que son droit de veto ou ne pouvoirs produire qu'un avis. Pour les juges constitutionnels, un tel "Laissez-faire" (en français dans l'arrêt) est anticonstitutionnel. Les nouveaux devoirs du Bundestag ne peuvent être que définis dans une Loi d'accompagnement (outils de ratification, Begleitgesetz) au Traité de Lisbonne.
Pour la Cour Constitutionnelle : "Le Traité n'est pas assez participatif. Or nous ne pouvons bâtir l'Europe que de manière démocratique. L'Union européenne ne peut pas être seulement dirigée par des bureaucrates et des gouvernements".
Angela Merkel est décidée à finaliser rapidement la ratification du Traité de Lisbonne par la République fédérale d’Allemagne et le Bundestag (chambre basse du Parlement) doit se réunir en session extraordinaire le 26 août 2009 en vue d’une adoption le 8 septembre de ce texte d’accompagnement au Traité de Lisbonne.
La différence avec la France qui a fait passer le Traité de Lisbonne au Congrès de Versailles du 4 février 2008 grâce à l’abstention des députés et sénateurs du PS qui a permis d’éviter un second référendum, est que le peuple allemand aura droit à son débat... pendant les grandes vacances. Il n’y a avait pas de raison de convoquer le Bundestag pour une session extraordinaire au mois d’août parce que le second référendum irlandais n’aura de toute façon pas lieu avant le mois d’octobre.
Rédigé après l’échec du projet de Constitution européenne en 2005, le Traité de Lisbonne, censé rendre l’UE plus efficace et plus influente dans le monde, n’entrera en vigueur que s’il est ratifié par les 27 pays de l’UE. A ce jour, 23 pays l’ont ratifié. Son devenir est suspendu à la tenue d’un nouveau référendum en Irlande et à sa ratification complète en République tchèque et en Pologne.
Pour les "élites" européennes, la ratification du Traité de Lisbonne est primordiale, parce qu'il est à 97% l'équivalent du TCE (selon son rédacteur constitutionnel, Valéry Giscard d'Estaing) et qu'il consacre totalement le retour du § III du TCE sans en porter le Titre : "la concurrence libre et non faussée qui permet la création de richesses et qui tend au plein emploi".
Les "élites" européennes ne voient pas du tout de contradiction entre le Traité de Lisbonne et les trillions d'euros versés par les États membres de l'UE aux banques et aux entreprises en situations de faillites à cause de la liberté de spéculer par laquelle ils ont accumulé les créances toxiques, pourries, illiquides, impactées...
La Commission de Bruxelles fait à chaque fois semblant d'étudier le dossier d'un nouveau bail out en Europe pour voir si les principes de libre concurrence ne sont pas violés, mais donne son accord à ce qui n'est qu'une Europe providence bancaire. Les Travailleurs de Laval, Rueffert, Viking, Partneri ont eu moins de chance et la liberté syndicale a été déclarée être une entrave à la liberté d’établissement des entreprises et de circulation des Travailleurs.
Dans cette affaire, la Cour Constitutionnelle s’est attribuée à elle-même une fonction de contrôle dans la poursuite de l’intégration européenne pour garantir la droit de vote des citoyens et l’autodétermination démocratique. Selon elle, il est nécessaire que la Cour Constitutionnelle veille à ce que Bruxelles ne viole pas l’aspect constitutionnel du Traité et n’outrepasse pas de façon manifeste ses compétences.
Heureusement qu’il existe encore une Cour Constitutionnelle qui se préoccupe de la démocratie pour le bien des électeurs et des crétins d’abstentionnistes.
La presse française a peu commenté cet arrêt de la Cour Constitutionnelle de Karlsruhe, minimisant la portée de cette décision des juges allemands. Les titres sont éloquents, dans leur diversité :
Le Tribunal constitutionnel allemand valide le traité de Lisbonne (Coulisses de Bruxelles, 30 juin)
Traité de Lisbonne : petit accroc en Allemagne (Ouest-France, 2 juillet)
Le juge allemand pointe le "déficit structurel de démocratie" en Europe (L’Observatoire de l’Europe, 1er juillet)
Cet article est le 24ème paru sur ce blog dans la catégorie Traité de Lisbonne 2007-08-09