Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.
Les intervenants Edouard Husson, maître de conférences à Paris 4, directeur des études de la Fondation, déroulait le fil conducteur du colloque, puis intervenaient successivement : Gilbert Casassus, professeur associé à l'IEP de Paris ; Wolfram Vogel, chercheur à l'Institut franco-allemand de Ludwigsburg ; Stephan Martens, professeur à Bordeaux 3 - Montaigne ; Jean-Luc Gréau, économiste ; Mme Petra Wilke, chercheur à la Fondation Friedrich Ebert Stiftung et, en conclusion, Jean-Pierre Chevènement, président de la Fondation. Ensuite, les participants dans la salle étaient invités à s’exprimer. J’ai rédigé un compte rendu de l’intervention de Jean-Pierre Chevènement, à partir de mes notes, et l’ai mis en ligne sur ce blog le 14 février dans la catégorie « CHEVENEMENT ». Les actes du colloque ayant été publiées, chacun peut en prendre connaissance sur www.fondation-res-publica.org . Voici des extraits de l’intervention de Jean-Pierre Chevènement. Les significations du NON français (…) « Les hommes politiques allemands (et quand je parle des « hommes », j'y inclus évidemment les femmes) devraient s'interroger sur le « non » français auquel on peut, sans torturer la réalité, donner deux significations principales : Beaucoup de problèmes sont solubles si on rapproche les points de vue : Nous partageons des valeurs communes, c'est une évidence. Peut-être n'avons-nous pas la même définition de la laïcité mais beaucoup de sujets nous rapprochent, même par rapport à d'autres peuples européens. Nous partageons non seulement des valeurs sociales mais aussi des intérêts communs puissants et les outils qui doivent nous permettre de les exprimer : la politique commerciale, la politique monétaire, la politique de l'euro. Au fond, ce que souhaite une majorité du peuple français, je le crois, c'est que l'Europe serve davantage un objectif de croissance de l'économie, de réduction du chômage, de préservation de notre tissu industriel. Y a-t-il là quelque chose que le peuple allemand ne puisse pas comprendre ? Edouard Husson nous disait que la désindustrialisation avait frappé surtout – mais pas exclusivement - les Länder de l'est dans des proportions considérables. Le chômage reste élevé (3,9 millions de chômeurs), la précarité existe : Madame Wilke nous a parlé de ce « troisième tiers » de laissés pour compte. Il est clair que, sur le plan monétaire, l'euro ne joue aucun rôle par rapport au dollar. L'euro représente dans les réserves des banques centrales à peine plus (un ou deux points) que ce que représentaient le Mark et le Franc réunis. De plus, nous n'utilisons pas l'euro comme les Etats-Unis utilisent le dollar : nous sommes prémunis contre la tentation de nous en servir pour régler des dettes en bons du Trésor, puisqu'il n'y a pas de Trésor ! Nous souhaitons que, comme aux Etats-Unis, la Banque centrale se voie assigner un autre objectif que la lutte contre l'inflation. On nous objecte que cet objectif avait été défini par les Allemands à l'époque du Chancelier Kohl… Mais nous ne sommes plus à l'époque du Chancelier Kohl ! Une « clause de rendez-vous » prévoit qu'on revoie ensemble, régulièrement, le fonctionnement des institutions. Monsieur Trichet et la Banque centrale s'abritent derrière des raisonnements et des concepts compliqués, tel le NAIRU, taux de chômage qui est censé empêcher l'accélération de l'inflation. Il s'agit là d'un raisonnement propre à la Banque centrale européenne qui n'a été inscrit dans aucun traité. Les peuples, leurs représentants élus, les gouvernements responsables devant eux, aimeraient avoir leur mot à dire. Il conviendrait que nous discutions du renforcement de l'Euro-groupe, en tout cas du Conseil des ministres et de la capacité de cette autorité politique à définir une politique coordonnée sur le plan budgétaire (mais aussi sur celui de la politique de change), à inscrire un certain nombre d'objectifs fiscaux ou sociaux dans la perspective souple, progressive d'un projet de société commun. J'en reviens au défi de la mondialisation : les pays émergents de l'Asie vont avoir durablement des coûts de main d'œuvre très bas. Je ne suis pas sûr – sauf à le démontrer - que la timide amélioration de la situation économique en Allemagne résulte de la politique de compression des coûts salariaux allemands. J'ai un autre raisonnement à l'esprit, d'ailleurs évoqué par Monsieur Gréau, c'est la position éminente de l'industrie allemande dans des créneaux très porteurs comme la machine-outil, l'équipement, la chimie fine, la pharmacie, l'automobile. La croissance très forte en Chine (10%), en Inde (8%), au Brésil (6ù ou 7%), amène ces pays à importer des biens de production et en fait des débouchés intéressants pour les industries européennes, particulièrement allemandes, les mieux placées. Cette spécialisation avantageuse de l'industrie allemande est la vraie raison de l'excédent commercial allemand (…). Voulons-nous faire face au sentiment d'inquiétude sociale, de précarité, qui se développe en Allemagne comme en France ? Ne devons-nous pas davantage penser l'avenir d'une croissance européenne à partir de nos propres besoins et des besoins qui existent dans le monde ? Le monde, ce n'est pas seulement la Chine, qui deviendra bien vite une rivale ; le monde, c'est aussi l'Afrique ; ce sont nos voisins d'Europe de l'Est ; c'est la Russie que nous avons intérêt à arrimer à notre développement, ce qui est souvent mieux compris en Allemagne qu'en France. Il est vrai que l'Allemagne exporte davantage vers les pays de l'Est que la France mais il s'agit là d'un de ces intérêts communs que je cherche à définir. Là, nous sommes bien obligés de réfléchir par rapport aux Etats-Unis. Monsieur Vogel nous a parlé d'un certain rapprochement avec les Etats-Unis, un grand pays avec lequel nous souhaitons entretenir des relations amicales, mais un pays qui, emporté par le poids de sa propre puissance, peut mener des politiques qui ne répondent pas véritablement à l'intérêt européen : on le voit au Proche et Moyen Orient. Le monde musulman est notre voisin, nous ne pouvons pas accrocher notre char au char américain. Nous ne savons pas ce que les Américains feront demain vis-à-vis de l'Iran : la situation est assez dangereuse. Je suis convaincu que l'opinion publique européenne ne souhaite pas l'escalade de la guerre, ne conçoit aucune sympathie pour le thème de la guerre des civilisations et comprend spontanément la nécessité de créer autour de nous des zones de développement pacifique. Cela pose le problème du Proche Orient, de la dérive de l'Afrique, de la relance du processus euro-méditerranéen, tous problèmes éminemment politiques. Les lois de l'histoire et de la géographie imposent à nos deux pays une perspective de long terme commune. Nos relations, extrêmement étroites, se sont heureusement développées depuis une cinquantaine d'années. Nous ne devons donc avoir de cesse de rechercher des compromis à partir de nos intérêts bien compris, définis sans aucune espèce d'arrogance ni de prétention, des compromis raisonnables, qui répondent aux aspirations de nos deux peuples.
Comment sont fondées ses performances dans le commerce mondial, et sont-elles pérennes ? Ont-elles un coût social ? Comment conçoit-elle les rapports entre l'insertion dans le marché mondial et l'engagement européen ? Voit-elle son destin comme celui d'une Allemagne mondialisée ou d'une Allemagne européenne ?
Ces questions décisives pour la relation franco-allemande étaient évoquées par des économistes, universitaires et chercheurs lors de ce 23ème colloque de la Fondation Res Publica.
C'est un « non » social, un certain rejet de l'Europe telle qu'on la voit fonctionner, avec un taux de croissance très faible dans la longue durée et un chômage de masse dans lequel nous sommes installés depuis longtemps Mais ce « non » social n'épuise pas la signification du « non » français.
Il y a aussi un « non » politique : l'idée de constitution effraie, comme effraie, d'une certaine manière, l'élargissement continu qui éloigne de plus en plus de notre pays le centre de gravité de l'Europe. On nous annonce maintenant que la frontière de l'Europe sera, non pas la Mer Noire, mais la Mer Caspienne, nous sommes vraiment très loin de nos centres d'intérêt ! La Turquie nous entraîne au cœur des problèmes du Kurdistan, nous rapproche des problèmes compliqués du Caucase, sans oublier le problème des voies d'acheminement du pétrole et du gaz qui suscite maints conflits auxquels nous ne souhaitons pas forcément être mêlés. Bref, cet élargissement aussi crée un sentiment d'insécurité politique (…).
Il me semble que l'idée de constitution, selon laquelle on pourrait régler le problème de l'Europe à travers un droit contraignant, n'est ni bonne ni réaliste. Le droit entraîne la contrainte : Qui devra faire appliquer la contrainte si elle devient insupportable ?
Beaucoup de problèmes ont une solution
Pourrons-nous ensemble, à long terme, voire à moyen terme, faire le poids par rapport à la mondialisation telle qu'elle se développe ?
Cette position, me semble-t-il, peut être comprise, en tout cas en dehors des cercles dirigeants, par l'opinion publique, en France comme, je le crois, en Allemagne et dans le reste de l'Europe.
Le problème institutionnel : Il faut que, par une conversation aussi approfondie que possible, nous arrivions à percer cette question de la « substance » : Qu'est-ce que la « substance » du Traité ?
Le défi de la mondialisation
Les besoins de l’Afrique
Nous n'avons pas intérêt au naufrage de l'Afrique, qui nous entraînerait avec elle. Nous devons en outre essayer de penser en termes de co-développement, ce que le sommet européen de Tempere a inscrit dans ses conclusions dès 1999 : il faut du temps pour que cela se traduise en politique.
Un effort considérable de compréhension mutuelle me semble nécessaire. Nous devons hiérarchiser les problèmes et nos priorités - la présidence allemande en a défini plusieurs - à commencer par une politique énergétique (dans les énergies renouvelables mais pas seulement) qui vise à réduire notre dépendance ou à empêcher qu'elle ne s'accroisse encore.
Les questions importantes ne manquent pas : l'avenir de l'aéronautique, notre défense commune, l'espace : Considérons-nous, au moment où les Américains construisent un bouclier spatial que l'Europe doive essayer de construire le sien, en coopération ou non avec les Etats-Unis et la Russie ? Quelle position prendrons-nous ? Nous abstiendrons-nous, considérant que nous ne jouons pas dans cette catégorie? C'est une question qui mériterait d'être débattue au plus haut niveau.
Quelle est notre ambition pour l'Europe ? Comment voyons-nous la définition de l'intérêt européen à long terme ?
L’Allemagne et la France doivent avoir une perspective commune
L'Allemagne et la France sont des démocraties où les élections donnent des résultats souvent imprévus, en tout cas aléatoires. Nul ne peut dire ce qui se passera en France à la prochaine élection présidentielle. Il y aura encore beaucoup d'élections, en France comme en Allemagne ; il faut éviter de jouer un jeu mortel qui nous conduirait à des catastrophes toujours possibles, compte tenu du fait qu'un tiers de la population est en déshérence, un tiers ne sait pas très bien où elle est, un tiers seulement « se sent bien dans ses chaussures ».
Nous devons chercher un compromis sans vouloir imposer des solutions qui ne seraient pas réalistes. L'idée de la Constitution européenne, par exemple, renvoie à l'idée d'une fédération (donc d'un Etat européen). Pensez-vous vraiment que la fédération soit à l'ordre du jour ? Croyez-vous que les Polonais, les Tchèques, les Britanniques – sans parler des Hollandais et des Français qui se sont déjà exprimés - souhaitent aujourd'hui une fédération ? On ne peut pas forcer le rythme de l'Histoire (…) ».