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Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.

Congrès MRC : l'intervention de Jean-Pierre Chevènement (1ère partie)


Comprendre la globalisation pour la réorienter

 

Le congrès du Mouvement Républicain et Citoyen, les 21 et 22 juin 2008 au Kremlin-Bicêtre (94), a été marqué par l’élection de Jean-Pierre Chevènement à la présidence. Son intervention, le 22 juin, en fin de matinée, a été très appréciée.

Voici les deux premières parties, que l’on peut retrouver sur le site du MRC : “Un nouveau cap” . On lira aussi le texte de la motion, adopté après prise en compte de nombreux amendements : La motion d’orientation du MRC et son annexe

 

I - Il faut d’abord comprendre la nature de cette globalisation aujourd’hui en crise.

Cette « globalisation », en effet, est un phénomène à la fois économique et politique. Ce serait rester à la surface des choses que de voir dans les « subprimes » américaines et les dérives du capitalisme financier à l’échelle mondiale la cause essentielle de la crise actuelle. Le surendettement des ménages américains a été encouragé par le gouvernement des Etats-Unis pour sortir de la précédente crise née de l’explosion de la bulle technologique, en septembre 2000.

La réalité est que les Etats-Unis, artisans principaux de la globalisation depuis les années quatre-vingt, ont vécu à crédit. Ils ont depuis longtemps un train de vie qui dépasse leurs moyens. Ils ont proclamé imprudemment la fin de l’Histoire (selon l’expression de Francis Fukuyama) après la chute de l’Union Soviétique. L’Histoire les a rattrapés. Les pays émergents se sont autonomisés du FMI depuis 1998 en se désendettant. L’Hyperpuissance américaine a cru pouvoir pratiquer une politique de fuite en avant avec un déficit commercial abyssal. L’Administration Bush a entraîné ses alliés dans l’invasion de l’Irak, provoquant, à des fins principalement pétrolières et au nom de « la guerre contre la terreur », un véritable « clash des civilisations ».

Les Etats-Unis se trouvent confrontés aujourd’hui à trois problèmes cumulatifs : la récession économique, la chute du dollar, l’enlisement en Irak et au Moyen-Orient. Ils n’ont plus les moyens de maintenir seuls leur domination mondiale. Avec un budget militaire de 640 Milliards de dollars (plus de la moitié des budgets de défense à l’échelle mondiale), les Etats-Unis cherchent en Europe et en Asie des supplétifs. M. Sarkozy, en réduisant l’armée française à la dimension d’un petit corps expéditionnaire à la disposition de l’OTAN, est prêt à les leur fournir.

Nous avions dénoncé, en son temps, 1996, les conséquences possibles de l’abandon du service national, à savoir le gonflement des budgets de fonctionnement au détriment de l’équipement de nos forces armées. Aujourd’hui, on coupe dans les effectifs (-60 000) au prétexte de remédier au sous-équipement et à la vétusté des matériels. L’armée française est réduite à une taille de guêpe - 30 000 hommes - essentiellement à des fins de projection lointaine au service de l’OTAN, dans des conflits incertains et forts éloignés de nos intérêts nationaux : Kosovo ou Afghanistan.

C’est une politique de gribouille : on réduit l’effort de défense en même temps qu’on appelle à une "défense européenne" tout en rejoignant l’OTAN. Sur 27 pays de l’Union européenne, 20 sont membres de l’OTAN. Aucun, à part la Grande-Bretagne, alliée spéciale des Etats-Unis, et la Grèce face à la Turquie, ne fournit un effort de défense conséquent. La défense européenne est un mythe et restera un mythe. En réalité le Président de la République a choisi pour l’Europe une défense américaine, oubliant qu’un peuple ou des peuples qui abandonnent le souci de leur défense dans des mains étrangères abdiquent par la même la maîtrise de leur destin et l’indépendance de leur politique extérieure.

De Gaulle avait choisi l’indépendance. Sarkozy choisit la dépendance. Et cela au plus mauvais moment, quand l’Empire américain touche à sa fin, et risque de nous entraîner, comme en Irak, dans des aventures nuisibles aux intérêts de sécurité de la France.

Nous n’avons pas à nous mettre à la remorque d’une politique américaine sur laquelle nous n’exerçons aucun contrôle. C’est seulement en restant indépendants ou en se donnant les moyens de le devenir, que la France et l’Europe se feront respecter et pourront modérer utilement et orienter l’usage de l’Hyperpuissance américaine.

En effet, ce sont les règles du jeu à l’échelle mondiale qui doivent être modifiées, dans le cadre d’un monde multipolaire dont l’avènement est rendu d’ailleurs inévitable par la montée des grands pays émergents (Chine - Inde - Brésil, etc.) et le retour de la Russie. Nous voulons que ce monde soit régi par le droit car c’est la condition de la paix.

Là sont les rôles de l’Europe et de la France, levier de notre responsabilité au monde. Nous voulons rester les alliés des Etats-Unis mais nous ne voulons pas être leurs vassaux. L’opinion publique européenne est éprise de paix. Elle souhaite que les Etats-Unis redeviennent la grande nation qu’ils sont, en acceptant la réalité d’un monde multipolaire nourri par le dialogue des cultures.

La crise de la « globalisation » bat en brèche les postulats libéraux auxquels la gauche française a cédé depuis plus de deux décennies : ainsi le libre-échangisme, car personne n’attend plus d’une nouvelle libéralisation des échanges à l’OMC un rebond de la croissance à l’échelle mondiale. Ainsi encore le refus des politiques industrielles au nom d’une conception idéologique de la concurrence qui a fini par paralyser l’action publique. Jacques Delors en prenant la défense de M. Barroso sert une bien mauvaise cause car la Commission européenne n’est pas l’incarnation de l’intérêt général. Elle est la gardienne de l’orthodoxie libérale et son dogmatisme aussi bien que le rôle existant qui est le sien barrent l’horizon d’une réorientation positive de la construction européenne.

Enfin, le refus de l’intervention des Etats dans le capital des entreprises prend l’eau à son tour, car même les pays les plus libéraux renflouent, sur fonds publics, leur système financier et même leurs grands groupes industriels. Tout montre qu’après trois décennies de « globalisation » succédant aux « trente glorieuses » du New Deal, un nouveau cycle historique est près de s’ouvrir. C’est là le rôle du MRC, servir d’aiguillon idéologique pour réveiller la gauche française et la mettre en état de peser sur les équilibres du monde.

II - En second lieu, il faut comprendre les potentialités de réorientation qu’offre cette crise.

A) C’est d’abord à l’échelle mondiale qu’il faut agir.

Les désordres monétaires sont devenus insupportables. Des fourchettes de parités doivent être définies et défendues collectivement. Les Etats-Unis doivent rétablir leur épargne. Ils peuvent être aidés à retrouver l’équilibre de leur balance commerciale par une croissance concertée des autres parties du monde et d’abord de l’Europe.

Il faut aussi que les grands pays émergents prennent davantage en compte chez eux les besoins de leur population, ainsi que le respect, au Nord, des équilibres sociaux et, dans le monde, des exigences environnementales. C’est à ce prix seulement que les pays anciennement industrialisés pourront continuer à ouvrir leurs marchés à une concurrence qui repose trop exclusivement sur l’avantage comparatif d’un très bas coût de main d’œuvre. Une régulation concertée des échanges internationaux est nécessaire.

Elle devra ménager l’accès libre aux marchés des pays riches des produits des pays les moins avancés, et notamment de l’Afrique. Leurs productions, à l’inverse, doivent être protégées. L’aide publique au développement, scandaleusement négligée, devra être rétablie et accrue. Les institutions financières internationales devraient trouver une nouvelle vocation dans la correction des inégalités croissantes de développement. Cette nouvelle donne ne sera rendue possible que par une mobilisation de l’opinion mondiale et par la réunion de grandes conférences internationales sur le modèle de Bretton-Woods en 1944-45.

B) Parallèlement, la réorientation de la construction européenne est nécessaire.

L’Europe ne se redressera pas sans la France et sans que la gauche française fasse entendre sa voix. Encore faut-il qu’elles retrouvent confiance en elles. L’Europe ne trouvera sa place dans le monde multipolaire de demain que si elle-même se révèle capable d’organiser un modèle équilibré de développement. Le « non » irlandais révèle encore une fois le rejet par les peuples d’une Europe technocratique et antisociale.

À cet égard l’instauration d’un gouvernement économique de la zone euro est un enjeu décisif. Une politique de change moins pénalisante pour l’activité, la mise en œuvre de politiques contracycliques fondées sur l’investissement et la recherche pourraient créer un environnement propice pour l’harmonisation sociale et fiscale et la promotion des services publics. L’Europe ne peut se résumer à la mise en concurrence des systèmes sociaux. Il est temps de lui donner un contenu progressiste.

Le rôle de l’Allemagne sera déterminant car la politique de compression des coûts salariaux mise en œuvre depuis 2000 pénalise gravement la croissance européenne. L’excédent commercial allemand se réalise pour l’essentiel au détriment de ses partenaires européens. Le rôle de la France n’est pas moins important comme catalyseur politique pour réorienter la construction européenne dans le nouveau contexte mondial. Les institutions européennes auraient l’impérieux devoir de s’appuyer davantage sur les Etats qui restent les principaux acteurs de l’initiative publique. Malheureusement ce n’est pas le sens du Conseil européen des 19 et 20 juin.

Le « non » irlandais rend manifeste le fossé entre les élites dirigeantes européennes et les aspirations des peuples. Vouloir extorquer un « oui » au peuple irlandais en le soumettant à la « question » serait une nouvelle forfaiture.

Le peuple irlandais n’est pas un peuple méprisable. Certes il ne compte que 4 millions de citoyens mais c’est un grand peuple, farouchement attaché à son indépendance comme toute son histoire l’a montré, un peuple démocrate qui n’approuve pas les yeux fermés un texte rendu incompréhensible par la volonté de dissimuler aux peuples sa véritable nature : celle d’une Constitution européenne bis.

Et qui peut croire que, si on avait consulté les peuples français et néerlandais, ils auraient fait une autre réponse que le peuple irlandais ? M. Gordon Brown est pris la main dans le sac par la justice britannique alors qu’il renie lamentablement l’engagement de Tony Blair de faire approuver la constitution européenne par référendum.

L’Europe contre les peuples ne marche pas. La France quant à elle serait aussi fondée que les pays dérogatoires (Grande-Bretagne, Irlande, Danemark, Suède) à réclamer des garanties et des exemptions.

C’est ce que nous réclamons depuis longtemps en matière de service public, de fiscalité, d’élargissement des marges de manœuvre budgétaires. L’argument qu’on nous oppose c’est que la France, à l’initiative et au cœur du processus européen, doit montrer l’exemple. Mais tout montre au contraire qu’il s’agit, au prétexte de l’Europe, d’imposer à la France une procédure quasi disciplinaire : il est comme entendu que le peuple français n’est pas mûr pour une démocratie responsable et qu’il n’a donc pas la latitude d’exercer ses droits. Cette politique caporalisatrice est insoutenable.

C’est avec cette conception qu’il faut rompre pour aller franchement vers une Europe à géométrie variable s’appuyant sur la démocratie qui vit dans les nations.

C) Au niveau national.

L’urgence première sera de faire face à la récession qui vient. Aucun moyen ne devra être négligé, y compris l’intervention de l’Etat ou de compagnies publiques dans le capital des entreprises stratégiques, afin de préserver le tissu industriel. A cet égard, nous approuvons la prise de participation de l’Etat de 9% dans le capital des Chantiers de l’Atlantique car nous n’entendons pas nous laisser enfermer dans une opposition aveugle. Nous sommes avant tout des républicains. Nous sommes assez sûrs de notre projet pour ne pas nous enfermer dans une opposition systématique à courte vue.

Nous voulons contenir les exigences du capitalisme financier, stabiliser le capital de nos entreprises et fonder de nouvelles relations sociales sur la base d’une « Charte de l’entreprise ». L’éducation, la recherche, seront favorisées. La cohésion sociale, l’activation du sentiment républicain, la solidarité civique face à toutes les formes de communautarisme seront mises à l’ordre du jour. Une véritable écologie, au service de l’humanité tout entière, ne saurait s’enraciner que dans le terreau des Lumières, rejetant toutes les formes d’obscurantisme. Tel est notamment le cas pour ce qui est de la lutte contre le réchauffement climatique et pour un développement durable. La science et la culture doivent, en effet, rester au cœur de notre action.

Lire la 3ème partie demain sur ce blog ou sur le site du MRC : “Un nouveau cap”   

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