Les syndicats font des propositions de financement
Comme prévu, la commission Ailleret, composée d'élus, de syndicalistes et de dirigeants de La Poste, prône un changement de statut de l'établissement public, qui permettrait une prise de participation de la Caisse des dépôts. C’est Anne Michel qui l’écrit sur le site du Monde, ce 9 décembre.
La Poste, qui sollicite de l'Etat le droit d'adopter le statut de société anonyme (SA) pour financer sa croissance, sera bientôt fixée sur son sort. Dans quelques jours, le chef de l'Etat, Nicolas Sarkozy, aura en main le rapport commandé à la commission Ailleret – du nom de son président, l'ex-directeur général d'EDF – pour analyser "les différentes voies de développement" s'offrant à l'entreprise publique.
Ce document doit être examiné, mercredi 10 décembre et jeudi 11 décembre, par les membres de cette instance composée d'élus, de syndicalistes et de dirigeants de La Poste. Dans un "projet de rapport" dont Le Monde a eu connaissance, la commission Ailleret explique être parvenue au consensus sur plusieurs "grands principes" : la confirmation des missions de service public de l'entreprise (acheminement du courrier, transport de la presse, accessibilité bancaire, etc.) et la nécessité de clarifier leur financement, le maintien du caractère public de La Poste et de son unité, le maintien de la présence postale sur le terrain, et la nécessité d'une politique de développement du groupe (…). Lire la suite : La Poste : un rapport recommande l'ouverture du capital.
Les syndicats ont fait des contre-propositions, qui sont évoquées dans cet article du Monde. Lors d’une conférence de presse, ce 9 décembre, la CFTC des Postes et des Télécommunications, FO COM et SUD-PTT, ont présenté leurs arguments dans un document, dont voici le contenu :
Contre le changement de statut de La Poste, des propositions pour le financement du service public postal !
Lors de cette rencontre, l’objectif des fédérations syndicales CFTC des Postes et des Télécommunications, FO COM et SUD-PTT est double : réfuter les arguments des privatiseurs et présenter des solutions pour le financement du service public postal.
I. De faux arguments
Pour justifier le changement de statut, les dirigeants de La Poste, souvent repris par les membres du gouvernement, avancent trois arguments, présentés comme des évidences. En fait, leur réalité est toute relative.
I.1 « Le fardeau de la dette »
Depuis l’annonce de son projet de privatisation, cet été, le président de La Poste ne cesse de se plaindre d’une dette qui ne permettrait pas d’emprunter et donc d’assurer le développement de La Poste dans un environnement devenant totalement concurrentiel à compter de 2011 pour le courrier.
Cette affirmation mérite plusieurs remarques :
Comparativement à d’autres entreprises, et notamment d’autres postes, cet endettement n’est pas rédhibitoire.
Aucune analyse n’est avancée pour expliquer l’origine de cette dette. Or, si aucune action n’est engagée pour la réduire structurellement, l’injection de 3 à 3,5 milliards d’euros comme le demande la direction de La Poste ne saurait améliorer durablement la situation.
En fait, cette dette est essentiellement la conséquence de deux phénomènes : le manque de compensation de la part de l’Etat pour les missions de service public assurées par l’entreprise publique d’une part (au moins 850 millions d’euros par an) et l’organisation (métiérisation) mise en oeuvre à La Poste depuis 2004, d’autre part.
I.2 Trois milliards d’euros sont nécessaires pour le développement de La Poste
Dès l’annonce du projet du projet de privatisation, le président Bailly a chiffré le besoin financier aux alentours de 3 milliards. Si le chiffre est relativement précis, la destination de ces fonds reste, en revanche, beaucoup plus obscure. Personne aujourd’hui, à la direction de La Poste, ne précise le pourquoi d’un tel besoin. Au contraire, les informations évoluent au fil du temps et des circonstances ou opportunités.
Dans un premier temps, il s’agissait de développer l’entreprise à l’international pour compenser les effets conjugués de la baisse de trafic courrier et de la libéralisation totale de ce secteur en 2011.
Dans un deuxième temps, la rénovation des bureaux de poste a été évoquée, puis les besoins de développement de La Banque Postale… Très récemment, un haut responsable de l’entreprise a expliqué que 2 milliards seraient consacrés au désendettement et 1 milliard aux investissements.
Cette dernière information, outre qu’elle ne répond pas à la question posée (le pourquoi), est très inquiétante. En effet, à quoi correspond l’urgence absolue accordée au désendettement ? A rendre la dot de la mariée plus attirante dans le cadre d’une ouverture du capital ou à redonner des marges de manoeuvre dans le cadre d’un nouvel endettement pour effectuer des investissements qu’il serait malvenu d’annoncer dans la situation économique actuelle, ou les deux ? !
I.3 C’est l’Europe !
Le président de la République l’a encore rappelé lors de son intervention au congrès des maires de France, les postes française et luxembourgeoise sont les deux seules postes européennes à ne pas posséder le statut de société anonyme. Certains de ses proches, comme Henri Guaino, n’hésitent pas à franchir le Rubicon en prétendant que le changement de statut est une obligation européenne. En réalité, ces deux affirmations sont fausses, selon même les traités européens !
D’une part, l’Europe n’impose pas la privatisation des entreprises publiques. Le statut des entreprises reste de la responsabilité des Etats !
D’autre part, les postes polonaise, tchèque, espagnole, islandaise et chypriote ne sont pas des sociétés anonymes (Rapport Ecorys du 11 septembre 2008 pour la commission européenne sur le développement du secteur postal 2006-2008).
Par ailleurs, même si la quasi totalité des postes européennes étaient des sociétés anonymes, en quoi cela justifierait-il le changement de statut de La Poste française.
Leur bilan est-il aussi brillant que certains le prétendent ?… Pas sûr du tout.
Toujours lors de son intervention au congrès des maires de France, Nicolas Sarkozy prenait la poste allemande en exemple… pas forcément une « bonne pioche » à l’heure où elle est
contrainte de céder DHL aux Etats-Unis après avoir accusé plusieurs milliards d’euros de perte et où sa banque avoue une perte de 364 millions d’euros liée à la faillite de Lehmann Brothers. Pour la sauver de la banqueroute, la Deutsch Post a dû voler pour la deuxième fois au secours de sa banque.
La Poste française mérite un modèle différent !
II. Des propositions pour le financement du service public postal
II. 1 Un développement conforme aux valeurs du service public
C’est maintenant une évidence, le développement des opérateurs postaux ne passe pas obligatoirement par des opérations de fusions et d’acquisitions à l’international.
L’actualité récente démontre même plutôt le contraire. Le président de La Poste allemande vient d’ailleurs d’annoncer un recentrage de son activité sur le territoire national.
Il est toutefois incontestable que La Poste doit relever des défis relatifs, par exemple, à la baisse du trafic courrier et à l’internationalisation des échanges. Il est donc nécessaire de lui accorder les moyens d’un développement raisonné dans l’intérêt général.
Ce développement doit respecter les missions de service public et même en améliorer l’exécution. Il est donc prioritaire d’intégrer dans ce développement les conditions d’exercice des 4 missions essentielles confiées à La Poste : le service universel du courrier, l’aménagement du territoire, l’accessibilité bancaire et l’aide à l’acheminement et à la distribution de la presse.
L’amélioration de la qualité de service de ces activités nécessite un fonctionnement plus démocratique des instances prévues, au niveau territorial, pour identifier les besoins et proposer des solutions pour les satisfaire. Evidemment, ces missions devront être compensées à leur juste prix.
Le développement international, aussi bien dans le secteur du courrier que dans celui du colis, doit être prioritairement effectué dans le cadre européen. Des partenariats dans d’autres pays doivent être conclus, en fonction d’opportunités de traitements d’activités et non en fonction d’intérêts capitalistiques. En effet, les partenariats, qui ont démontré leur efficacité, doivent être la norme.
Pour ce qui concerne La Banque Postale, il faut mettre fin aux velléités de ses dirigeants de vouloir voler de leurs propres ailes en cherchant de s’affranchir de la maison mère. Il doit concrétiser la formule d’une banque pas comme les autres en distribuant des produits et des prestations qui la démarquent des autres établissements financiers et qui correspondent aux besoins de toutes les populations. Ce développement peut parfaitement être compatible avec sa participation à un pôle public financier, en étant son réseau de distribution.
Dans ce cadre de développement, La Poste pourrait tout à fait autofinancer les besoins financiers de ses activités en concurrence, à la condition que ses missions de service public lui soient normalement compensées. Le financement de ces missions représente donc le noeud du problème.
II.2 Un financement public pour le service public
Il serait illusoire de penser que des fonds privés puissent un jour pérenniser le financement d’un service public. Pour autant, le caractère public du financement ne garantit pas qu’il soit satisfaisant, la situation de La Poste aujourd’hui en est une illustration. C’est pourquoi il est nécessaire de constituer un système durable permettant un financement pérenne des missions de service public.
La solution peut résider dans la création d’un Etablissement Public de Financement du Service Public. Sa constitution nécessite, au minimum, 2 principes :
● l’identification et la quantification des besoins,
● la perception et l’hébergement des fonds perçus au titre de la compensation des missions de service public.
Les partenaires du pôle public financier siègeraient dans cet établissement.
La création de cet établissement public, dans la forme présentée, permettrait, de plus d’arrimer La Banque Postale au groupe La Poste.
Enfin, ce type d’établissement ne contrevient nullement aux directives européennes.
Ce sont ces propositions que les fédérations CFTC Postes et Télécommunications, FO COM et SUD-PTT ont la volonté de porter dans le débat public dans la perspective d’un référendum sur l’avenir du service public postal.
Cet article est le 15ème paru sur ce blog dans la catégorie Services publics