Comment un pôle européen de défense est-il possible ?
Les 28 dirigeants des Etats membres de l’Alliance atlantique ont fêté dans l’unité le 60ème anniversaire de l’Organisation de défense du monde occidental. Au moment où le monde devient, de fait, multipolaire, la France « reprend toute sa place » dans cette « famille » dont le chef incontesté est le président des Etats-Unis d’Amérique. Elle se place dans un camp et perd ce qui faisait son originalité.
C’est un signe hautement symbolique de la disparition du gaullisme en France, initié de manière délibérée (personne ne lui demandait de revenir sur une décision historique du président de Gaulle) par un président de la République, pourtant issu d’un parti gaulliste (voir sur ce blog OTAN : Sarkozy l'occidental rompt avec le consensus sur la défense - 15 mars 2009).
Ceux qui veulent un résumé des décisions prises liront l’article paru sur le site du Monde, le 4 avril : Le sommet de l'OTAN s'achève sur un consensus.
Pour l’analyse critique, je conseille la lecture des sites de Marianne et de Rue89 :
Turquie : Obama ripe de l'OTAN à l'Union europénne (Antidote, 6 avril)
G20 et sommet de l'Otan : les ambiguïtés du nouveau monde (Pierre Haski, 5 avril).
Voici un extrait lu sur ce site Rue89 : L'Otan, gendarme occidental du monde ?
Plus ambigu encore, le deuxième sommet de la semaine écoulée, celui de l'Alliance atlantique, qui célébrait son soixantième anniversaire avec un beau cadeau : le retour complet de la France dans ses structures militaires, tournant ainsi la page gaulliste.
L'Otan est l'enfant de la guerre froide, née pour assurer la défense collective du bloc occidental face à la menace soviétique. En 1989, pendant un bref moment, certains ont rêvé d'une dissolution simultanée des deux blocs. Vaclav Havel, le premier président de la Tchécoslovaquie redevenue démocratique, et pas encore divisée, avait ainsi plaidé en faveur de la dissolution de l'Otan comme du Pacte de Varsovie. Les « vainqueurs » de la guerre froide n'ont pas écouté, et la République tchèque est devenue un membre enthousiaste de l'Alliance atlantique.
Mais depuis vingt ans, l'Otan est une alliance en redéfinition. Après avoir paradoxalement gagné la guerre froide sans tirer un coup de feu, l'Alliance atlantique a commencé à s'engager dans des conflits, de plus en plus durs, de plus en plus loin. Au point d'être en première ligne, aujourd'hui, en Afghanistan, devenu la ligne de front d'un Occident qui se sent menacé (…).
A noter que Georges Sarre (MRC) s’exprime ce 6 avril, à ce sujet, sur son blog :
À l’OTAN, il n’y a qu’un seul pilote
A vouloir poursuivre tous les lièvres à la fois, les États-Unis se sont embourbés au risque d’entraîner le monde dans leurs sables mouvants. À vouloir financer à la fois leur rêve impérial et le rêve américain, ils se sont surendettés et demandent maintenant au monde de payer leurs frasques. À vouloir contrôler en même temps l’Irak et l’Afghanistan, ils risquent de finir par partir de l’un et de l’autre pays comme ils sont déjà partis de Phnom-Penh et de Saigon. Certes, il ne servirait à rien de les accabler en cet instant. Mais, il est encore plus mal venu de liquider à ce moment même l’héritage diplomatique du général de Gaulle.
En réalité, cet alignement, pour ne pas dire cette vassalité, était souhaité depuis longtemps par l’actuel Président de la République. En 2003, Nicolas Sarkozy, alors membre du gouvernement, ne put exprimer ouvertement son désir de voir l’armée française servir de supplétif en Irak. Mais ses amis s’en chargèrent. Les deux hérauts tapageurs de cette soumission ont eu, depuis 2007, des promotions significatives. Axel Poniatowski est devenu président de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale, Pierre Lellouche* représentant spécial de la France pour l'Afghanistan et le Pakistan. Parmi les partisans de cette guerre, Bernard Kouchner a été choisi comme Ministre des Affaires Etrangères.
Dans le monde incertain qui vient, la France doit être totalement libre de ses mouvements, surtout militaires. Nul ne sait quel peut être le comportement d’une hyper puissance déclinante aux abois. Revenir dans le commandement intégré de l’OTAN, plus qu’une faute, montre une incompréhension du nouvel environnement international. C’est au mieux un comportement d’un autre temps ; au pire, la manifestation d’un esprit d’abandon et de résignation (…).
Jean-Pierre Chevènement est parmi les meilleurs spécialistes des questions de défense.
Je recommande le débat dans Valeurs actuelles "Fallait-il revenir dans le commandement intégré de l'Otan que de Gaulle nous a fait quitter ?", débat entre Jean-Pierre Chevènement et Thierry de Montbrial (directeur de l'Institut français de relations internationales), Valeurs actuelles n°3775, du 2 avril 2009, pages 12 à 15.
A lire sur le blog du président du Mouvement Républicain et Citoyen, depuis le 3 avril : Le choc Chevènement-Montbrial sur l'Otan dans Valeurs actuelles.
Voir aussi l’intervention de Jean-Pierre Chevènement au Sénat, le 25 mars 2009. Voir le texte et la vidéo sur son blog La politique étrangère de la France, après sa réintégration dans l'OTAN
Ce qui est essentiel, à mes yeux, est dit en conclusion devant le ministre, atlantiste, des affaires étrangères de la France (voir le site du Sénat : Intervention 11).
L’indépendance nationale ne se définit pas contre les Etats-Unis. On peut être indépendant et d’autant mieux allié des Etats-Unis. Je souhaite ainsi que nous venions à l’aide du Président Obama dans un puissant effort de relance coordonné à l’échelle mondiale. Mais dans le monde multipolaire de demain, il y a place pour une France indépendante qui donnerait une voix à l’Europe et contribuerait à l’existence – OTAN ou pas – d’un « pôle européen » capable de peser sur la scène du monde. Votre décision rendra cet objectif beaucoup plus difficilement accessible.
* Voir, sur le site de Marianne, ce 6 avril, un extrait de l’émission télévisée Ripostes du 5 avril, dans lequel le député Lellouche s’en prend violemment au sénateur Mélenchon :
Cet article est le 10ème paru sur ce blog dans la catégorie Justice Police Défense.