Une économie centralisée coopérant avec le capitalisme
Nous n’avons pas oublié ce qui s’est passé, il y a vingt ans, place Tiananmen à Pékin. Ce pays, qui occupe une place géostratégique sans égal, continue d’être dirigé de manière autoritaire par le Parti Communiste Chinois. Depuis le 4 juin 1989, les espaces démocratiques ont diminué en Chine, mais l’économie a pris son envol.
Le pouvoir politique n’aime pas être questionné à propos de la répression du mouvement étudiant en 1989. Voir Il y a 20 ans, la répression sur la place Tiananmen (images rappelées sur le site du Nouvel Observateur, 4 juin).
Et Pierre Haski, qui dirige Rue89, a fourni, le 4 juin, un document intéressant (extraits) :
20 ans après Tiananmen : le spectre de la réforme politique
François Mitterrand déclarait, au lendemain du massacre de Tiananmen : "un régime qui tire sur sa jeunesse n'a pas d'avenir". Vingt ans plus tard, le régime chinois est toujours en place, et a fait de la Chine une puissance économique et politique majeure. Mitterrand a-t-il donc eu tort ?
A voir la nervosité du pouvoir chinois à l'approche de ce vingtième anniversaire, avec une censure draconienne d'internet , l'éloignement de quelques malheureux dissidents de la capitale, et une surveillance policière tous azimuts, on peut se demander si le régime chinois est si sûr de lui et de son avenir.
Aucune menace réelle ne justifie aujourd'hui un tel verrouillage, alors que la jeunesse actuelle a eu le cerveau vidé de toute référence au Printemps de Pékin, que le reste du monde se tait pour ne pas provoquer l'ire de Pékin, et que la population chinoise s'inquiète plus des conséquences de la crise mondiale que de réclamer des comptes sur le passé.
Le refus de tourner la page de 1989
Alors pourquoi cette obstination à ne pas vouloir tourner la page de 1989, à refuser de reconnaître les morts de 1989 malgré l'exemplaire mobilisation des Mères de Tiananmen , et à refuser de revenir sur le jugement de "mouvement contrerévolutionnaire" porté à l'époque, et qui continue de pénaliser la vie de nombreuses personnes ? (…)
Cette nervosité permanente se comprend mieux quand on découvre les mémoires d'outre-tombe de Zhao Ziyang, le Secrétaire général du Parti communiste chinois au moment du Printemps de Pékin, limogé pour s'être opposé à l'usage de la force contre les étudiants qui occupaient la place. Zhao Ziyang, un réformateur qui aurait pu être dans d'autres circonstances le "Gorbatchev chinois", a été assigné à résidence pendant dix-sept ans, jusqu'à sa mort en 2005.
Mémoires d'outre-tombe de Zhao Ziyang*
Pendant toutes ces années de silence, Zhao Ziyang a néanmoins enregistré ses mémoires, dictées sur des cassettes de musique pour enfants afin de contourner la surveillance dont il faisait l'objet. Ces mémoires, qui viennent de sortir aux Etats-Unis et à Hong Kong, ont été authentifiées par Bao Tong, le secrétaire particulier de l'ancien numéro un, lui aussi en résidence surveillée depuis vingt ans.
Zhao Ziyang, c'est le "fantôme de Tiananmen" qui vient hanter les dirigeants actuels, dont la légitimité remonte au choix de la force fait en 1989 par Deng Xiaoping, le vieux patriarche communiste que les membres du Bureau Politique, divisés sur la suite des événements, sont allés sortir de sa retraite et de ses parties de bridge, pour lui demander de trancher. L'homme que le monde vénère pour son choix des réformes économiques à la mort de Mao Zedong, trancha pour la force contre ceux qui défiaient le PCC : assurer le pouvoir par-dessus tout.
C'est lui qui, en effet, décida de faire donner l'armée contre les étudiants, comme l'avaient déjà révélé les "Archives de Tiananmen", sorties clandestinement de Chine en 2000. Et on y relevait déjà cette prise de position de Zhao Ziyang, dans son "autocritique" du 23 juin 1989, au lendemain du massacre : "Longtemps je me suis considéré comme un réformateur économique et un conservateur politique. Mais ma pensée a changé ces dernières années. A présent, je sens que la réforme politique doit être une priorité."
Le spectre de la réforme politique
La "réforme politique", cette hydre qui ressurgit à intervalles réguliers dans le débat chinois, depuis près d'un siècle comme l'avait montré le sinologue Jean-Philippe Béjadans son livre "A la recherche d'une ombre chinoise - le mouvement pour la démocratie en Chine [1919-2004], (Seuil 2004)…
Après Tiananmen, tirant les leçons du Printemps de Pékin mais aussi de l'effondrement du communisme à Moscou et en Europe, le pouvoir conclut un nouveau "contrat social" avec la classe moyenne urbaine : l'enrichissement et la fierté d'être chinois, en échange d'une paix politique et sociale. Ce Pacte informel a fonctionné pendant une douzaine d'années, mais montre aujourd'hui ses limites.
Aujourd'hui encore, alors que les dirigeants communistes ne cessent de réaffirmer que la "démocratie chinoise" ne sera pas calquée sur le modèle occidental, ils ont vu surgir en décembre dernier la "Charte08", initiée par une poignée de dissidents, et qui réclame rien de moins que l'application en Chine des valeurs universelles, la liberté d'expression et d'association, le multipartisme…
Ce 4 juin 2009 n'est finalement pas tant un jour de mémoire pour les familles des victimes qu'un jour symbolique de peur pour un régime qui n'arrive pas à se débarrasser de ce fantôme de la réforme politique, dont beaucoup de Chinois pensent qu'elle est la clé d'une modernisation réelle de leur pays.
* Sur le site du quotidien Le Monde, le 16 mai, Tiananmen : le brûlot posthume de Zhao Ziyang.
Pour prendre connaissance d’éléments économiques et financiers concernant la Chine :
- La Chine va moins bien qu'avant, mais mieux que les autres (Le Monde, 17 avril 2009)
- Le yuan, future monnaie internationale (Le Monde, 27 avril 2009)
- La Chine : scénario pour le futur : Intervention de Claude Martin, Ambassadeur de France, au colloque organisé par la Fondation Res Publica le 8 septembre 2008 sur le thème L'Asie vue d'Europe.
Cet article est le 5ème sur ce blog dans la catégorie Asie.