Le PS et Guillaume Garot, malmenés, notamment à Laval
Après des articles décrivant les résultats nationaux des élections européennes (voir Elections européennes : transfert électoral du PS vers les écologistes - 7 juin 2009 et Européennes : l'électorat populaire antilibéral est resté à la maison - 8 juin 2009), j’en viens à la Mayenne, avec le concours d’un bon observateur de la vie politique départementale.
Jean-Yves Delort, fidèle lecteur de ce blog, m’a autorisé à publier le texte qu’il a rédigé après le scrutin du 7 juin, à titre personnel (il n’est plus salarié du Courrier de la Mayenne). Je le remercie de sa contribution. Il ne faut pas en déduire qu’il partage les orientations militantes de ce blog.
Européennes en Mayenne : l’UMP s’impose, les Verts* devancent le PS
Une UMP encore plus triomphante qu’au niveau national (31% contre 28%) et un Parti socialiste encore plus faible (15% contre 16,4%) sont les principaux résultats étonnants de l’élection des députés au Parlement européen. Les autres surprises de cette élection de dimanche sont la forte percée des Verts qui arrivent en deuxième position et le bon score de la liste Libertas de Philippe de Villiers.
L’UMP largement en tête
En obtenant près du tiers des suffrages, et en arrivant en tête dans plus de neuf communes sur dix, le parti de la majorité réalise la course en tête. Les électeurs mayennais ont voté d’abord pour le parti du Président Nicolas Sarkozy, soutenu sans exception par tous les responsables de l’UMP mayennaise. La défaite de 2004 (l’UMP derrière le P.S. et l’UDF) est oubliée. On n’a noté aucune défaillance à droite ; l’unité a payé.
Même si la campagne électorale a été plutôt discrète (un seul meeting du candidat Christophe Béchu à Laval mardi dernier, quelques présences des militants et distribution de tracts sur les marchés), l’UMP mayennaise a vogué dans la lignée du mouvement national. A Laval et Mayenne, villes acquises à la gauche lors des dernières municipales, la liste de Christophe Béchu obtient 28 et 25% et arrive en tête. Sur 268 communes mayennaises, seules 17 ont choisi de mettre en tête une autre tête de liste que Christophe Béchu (à Saint-Erblon, il est en tête avec le même nombre de voix que la liste Modem).
Les raisons nationales (la présidence de Nicolas Sarkozy à la tête de l’Union européenne il y a quelques mois, des listes bien constituées, une stratégie électorale plutôt soft) ont largement joué. La Mayenne, selon son image traditionnelle amplifie la victoire de la droite en France. La vieille règle politique (pour des élections intermédiaires, le citoyen se défoule et choisit des petits partis) n’a pas joué à droite.
Les Verts en tête dans sept communes
La surprise, elle vient de la liste des Verts Europe Écologie qui avec 15,3% des voix coiffe celle du parti socialiste. Et pourtant les Verts mayennais n’avaient pas été particulièrement actifs durant la campagne électorale. La liste de Yannick Jadot arrive en tête dans sept communes (Deux-Evailles, Commer, Maisoncelles-du-Maine, Sacé, Montflours, Longuefuye, St Pierre-sur-Erve). Il s’agit le plus souvent de communes, soit ancrées à gauche, soit marquées par la présence d’élus sensibles à l’environnement.
Cette présence de la liste écologiste venue “brouiller les cartes” dans le jeu traditionnel entre la droite et la gauche rappelle les élections européennes de 1994 lorsque la liste Tapie avait sérieusement devancé celle conduite par Michel Rocard.
Cinq ans plus tard c’est la droite qui, à son tour, avait été victime du même sort lorsque la liste Pasqua-de Villiers avait devancé celle de Nicolas Sarkozy. Si l’on ajoute au résultat des Verts, les 4% de la liste Alliance écologiste indépendante, le “pôle écologique” atteint quand même en Mayenne le cinquième des électeurs. Beau résultat.
Le PS : seulement 19% des voix à Laval
Le Parti socialiste arrive en troisième position, avec 15% des suffrages, légèrement moins qu’au niveau national. Quelle différence avec les dernières élections de 2004 où le PS était arrivé en première position avec près de 26% des voix ! Pourtant, le PS avait organisé une journée de débat avec sa candidate au vieux château de Laval, il avait mobilisé ses militants et ses ténors (Guillaume Garot), développé un argumentaire pour une Europe sociale. Mais on pouvait avoir de sérieux doutes sur l’enthousiasme des militants.
Si cette journée avec la candidate Bernadette Vergnaud et la mayennaise Sylvie Pichot avait été très pédagogique, elle avait sérieusement manqué d’élan. On avait pu entendre certains élus socialistes ironiser sur les interventions des orateurs au cours même de la réunion. Ça fait désordre. La liste socialiste arrive en tête seulement dans cinq communes mayennaises très marquées à gauche (Chalons-du-Maine, Port-Brillet, Voutré, Saint-Léger-en-Charnie, La Baconnière),
A Laval ou Mayenne, villes dirigées par des maires socialistes, la liste de l’UMP arrive en tête. A Laval, le PS n’atteint pas les 20% des voix. Faut-il y voir un certain désaveu à l’égard des premières mesures prises par le nouveau maire Guillaume Garot (forte augmentation des impôts, projets locaux gelés...) ? Ce n’est pas impossible.
En quatrième position, la liste de Philippe de Villiers Libertas, dépasse les 10% des voix, ce qui constitue un résultat honorable, le double du taux français. Le MPF est en tête à Chammes et à Neau. Le résultat est en retrait toutefois par rapport à 2004 (13%) ; la Mayenne a contribué à l’élection du seul siège du MP. au Parlement européen.
L’absence des centristes européens
Est il possible de comparer les 9,6% du Modem de dimanche dernier avec les 17% de l’UDF obtenus en 2004 ? Non, car les centristes se sont divisés depuis cette date, la majorité des élus se refusant, à l’exemple de Jean Arthuis et de François Zocchetto, à suivre l’itinéraire très individuel de François Bayrou. Le résultat semble dire qu’ils ont eu raison. La liste Modem de Sylvie Goulard recueille un peu plus qu’au niveau national. Elle est en tête à Denazé, à Montreuil-Poulay et à St Erblon. La Mayenne conserve une fibre centriste réticente à l’UMP.
Un des paradoxes de cette élection a été la division des centristes mayennais alors qu’ils sont parmi les européens les plus fervents. Jacques Barrot était venu le 4 mai rappeler son enthousiasme pour l’Europe. La matinée-débat organisée par Jean Arthuis quelques jours plus tard à Laval sur l’Europe en Mayenne était davantage un débat de fond sur la Pac, la bio-éthique que sur la politique habituelle. La solution de la crise centriste passe t-elle par le départ de François Bayrou et un rassemblement des militants des deux camps ? Ce n’est pas impossible.
Autres enseignements
Du coté des plus “petites” listes, on note que personne ne se détache vraiment : ni le nouveau parti anticapitaliste, ni le Front de gauche, ni le Front national, qui se situent entre 3 et 5% des voix ; pourtant les trois formations avaient convié les têtes de liste en Mayenne, notamment le Front de gauche qui avait tenu un meeting bien organisé au Vieux Château de Laval. Mais les électeurs n’ont pas suivi ; l’absentéisme (plus de 60% des électeurs) a aussi mordu sur les extrêmes. Le système de vote compliqué, la distance entre les questions locales et européennes, la volonté des partis (surtout les plus importants) de ne pas trop se mobiliser, ont dissuadé une majorité d’électeurs de se rendre aux urnes.
La victoire de la droite en pleine crise économique et alors qu’elle est au pouvoir en France constitue une remarquable performance. Même si, dans l’ensemble, le rapport entre les blocs de droite et de gauche n’est pas vraiment modifié. Elle peut redonner confiance à l’UMP mayennaise en vue des élections régionales de l’an prochain. L’hypothèse d’un retour de la région Pays de la Loire à droite peut être sérieusement envisagée.
A gauche, le succès des Verts de Daniel Cohn-Bendit aura t-il des conséquences sur les organisations politiques (un parti plus renforcé) ou renforcera t-il les préoccupations environnementales, notamment à gauche ? Au Parti socialiste, la tendance favorable à Ségolène Royal (dont fait partie le maire de Laval) peut-elle assurer un renouvellement des idées et des hommes ? Finalement, ces élections que l’on disait secondaires risquent d’avoir plus d‘influence sur la vie politique que prévu.
Les principaux chiffres
Liste U.M.P. : 31,3% ; liste Europe Écologie : 15,30% ; liste Parti socialiste 15,09% ; liste Philippe de Villiers : 10,71% ; liste Modem : 9,62% ; liste NPA 4,74% ; liste Alliance écologique 4,10% ; liste Front de gauche 3,20% ; liste Front national : 3,18% ; liste Lutte Ouvrière : 1,51%.
* Une précision : la liste Europe Ecologie était un rassemblement écologiste animé par D Cohn-Bendit, allant bien au-delà des Verts.
Cet article est le 32ème paru sur ce blog dans la catégorie Européennes 2009.