Pour débattre, il faut savoir de quoi on parle L’article paru le 4 mai dernier sur ce blog traitait de l’énergie nucléaire et de la part de celle-ci dans la production d’électricité (Michel Naud dans ReSPUBLICA), suite au débat télévisé entre les deux candidats du second tour de l’élection présidentielle. Dans le numéro 536 du journal en ligne de « la Gauche républicaine, laïque, écologique et sociale », daté du 11 mai, Thierry de Larochelambert, qui est un universitaire, spécialiste de cette question, apporte des précisions utiles concernant les chiffres relatifs à la production d’électricité d’origine nucléaire en France. Voici son texte Lien permanent vers cet article et des liens intéressants. « La production d'électricité en France »
« Les statistiques nationales françaises délivrées chaque année par la DGEMP (Direction Générale de l'Energie et des Matières Premières)/Observatoire de l'Energie au Ministère de l'Industrie donnent la production brute d'électricité primaire et la production nette d'électricité en France. Production brute d'électricité: c'est la quantité d'électricité annuelle qui sort des alternateurs et des génératrices de toutes les sources d'électricité (nucléaires, hydrauliques, thermique gaz ou fioul ou charbon, éoliennes, géothermiques, photovoltaïques, thermique bois). Une partie de cette électricité est directement consommée par les centrales elles-mêmes, les rotors des groupes alternateurs, et perdue dans les transformateurs des centrales. Production nette d'électricité: c'est la quantité d'électricité effectivement distribuée sur le réseau électrique français, à la sortie des transformateurs des centrales, c'est à dire après l'autoconsommation et les pertes de production. C'est la seule qui ait un intérêt énergétique et économique et qui entre dans le bilan d'énergie utilisable par les consommateurs (industrie, tertiaire, domestique, agriculture). Pour 2006 par exemple, les chiffres officiels sont les suivants :
Production brute d'électricité totale: 574,5 TWh, dont nucléaire 450,2 TWh (78,4%), hydraulique 61,6 TWh (10,7%), thermique fossile 60,5 TWh (10,5%), éolien 2,1 TWh (0,37%), photovoltaïque 1 TWh (0,02%) Production nette d'électricité totale: 548,8 TWh, dont nucléaire 428,7 TWh (78,1%), hydraulique 60,9 TWh (11,1%), thermique fossile 57,1 TWh (10,4%), éolien 2,1 TWh (0,40%), photovoltaïque 1 TWh (0,02%). La part de l'énergie nucléaire dans la production électrique nette totale est donc de 78,1%.
Les valeurs de 85% et 88% avancées dans l'article cité plus haut sont physiquement inconsistantes car elles représentent uniquement la part du nucléaire dans la production brute d'électricité non thermique (87,6%), ce qui n'a strictement aucun intérêt puisque les centrales thermiques représentent tout de même 10,4% de la production française et que ce n'est pas la production brute qui compte mais la production nette! Cette présentation des chiffres est purement artificielle et gonfle artificiellement l'importance du nucléaire, probablement dans un but propagandiste ou commercial, mais certainement pas d'information neutre...
Pour terminer cette petite mise au point objective (je ne fais partie d'aucun lobby, ni nucléaire, ni pétrolier, ni gazier, ni charbonnier, ni écologiste mais je suis physicien sans carte politique), je rappelle qu'une partie importante de l'électricité produite en France est exportée (60 TWh, soit 11%), et que sur les 480,6 TWh d'électricité consommés en France, une bonne part (au moins 25 TWh, soit 5%) est autoconsommée dans le fonctionnement du cycle nucléaire (enrichissement de l'uranium dans l'usine Eurodiff du Tricastin entre autres) et perdue dans les lignes électriques et les transformateurs de lignes (32 TWh, soit 6,6% en 2006).
Comme la part de l'électricité dans la consommation d'énergie finale totale française en 2006 (161,7 MTEP) n'est que de 22,9%, la part du nucléaire n'en représente que 15,2% à 17,6% selon les méthodes de calcul.
Vous trouverez toutes les données sur les sites ministériels (www.industrie.gouv.fr/energie, www2.ademe.fr) et une analyse plus complète dans le volet III de mon étude « L'urgence énergétique » (ReSPUBLICA n°524) ». Thierry DE LAROCHELAMBERT
Chaire supérieure de Physique-Chimie en CPGE,
Professeur de mécanique des fluides en École d'Ingénieurs,
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