Le démantèlement méthodique des services publics
Le projet d’ouverture du capital de La Poste est une question épineuse pour le gouvernement. Il est encore possible de le mettre en échec si la pression populaire est suffisamment forte pour obliger le gouvernement à solliciter des autorités européennes une « exception postale » pour la France.
Le Mouvement Républicain et Citoyen a pu observer, au niveau national, lors des échanges entre les partis de gauche, que nos partenaires refusent de prendre en compte la réalité historique des décisions qui ont conduit à ce projet de privatisation de La Poste (voir Le maintien du statut public de La Poste est un enjeu politique majeur - 17 septembre 2008).
Or, cette décision résulte d'un démantèlement méthodique des services publics d'intérêt général dans l'Union européenne (UE) et dans le cadre plus global de l'Organisation mondiale du Commerce (OMC) dont l’objectif est de favoriser partout le libre échange et d’ouvrir à la concurrence le marché des services.
C’est pourquoi le MRC tient à présenter tous les éléments qui ont trait à cette question. Voici des extraits du texte (la première partie, historique) qui a été publié hier sur son site.
La véritable histoire de la privatisation de La Poste
"Tout bien, toute entreprise dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité". Article 9 du préambule de la Constitution.
Dans un article paru dans Le Monde du 19 septembre 2008, le sénateur UMP de Côte d'Or Louis de Broissia déclare : "Quant à la privatisation de La Poste, le gouvernement n'y est pour rien. C'est l'Europe qui nous oblige à ouvrir les entreprises publiques à la concurrence."
L'ouverture du capital de La Poste est aujourd'hui au coeur de l'actualité et elle a suscité une réaction unanime d'opposition de la gauche qui a entrepris de lancer une pétition en vue de l'organisation d'un référendum sur cette question.
Cette nouvelle possibilité offerte aux parlementaires et aux citoyens par la révision constitutionnelle du 21 juillet dernier serait, si elle aboutissait, une occasion de sanctionner la politique du gouvernement sur une question hautement symbolique, de surcroît avec un outil qu'il a lui-même mis en place.
Le Mouvement Républicain et Citoyen (MRC) s'associe, tout naturellement, à cette initiative de référendum sur le sujet central de la défense d'un de nos services publics. Mais il serait réducteur et malhonnête de passer sous silence le long processus qui aboutit aujourd'hui à l'ouverture du capital de la Poste.
En effet, cette décision n'est pas le dernier éclat d'un gouvernement qui s'emploie avec assiduité à mettre en oeuvre un désengagement massif de l'Etat dans de nombreux domaines. L'ouverture du capital de la Poste n'a ainsi rien à voir avec la révision de la carte judiciaire ou celle de la carte militaire.
Elle résulte d'un démantèlement méthodique des services publics d'intérêt général dans l'Union européenne (UE) et dans le cadre plus global de l'Organisation mondiale du Commerce (OMC) dont l’objectif est de favoriser partout le libre échange et d’ouvrir à la concurrence le marché des services.
Revenons en arrière :
15 décembre 1997
La Commission adopte la Directive 97/67/CE qui ouvre le marché postal de l'UE à la concurrence pour le courrier de plus de 350 grammes ou taxé cinq fois le prix de base.
10 juin 2002
Le Parlement européen et le Conseil adoptent la directive postale 2002/39/CE qui modifie la directive postale de 1997.
Cette directive ouvre le marché postal de l’UE à la concurrence :
- pour le courrier de plus de 100 grammes et dont le prix est supérieur à trois fois le tarif public, à partir du 1er janvier 2003
- pour le courrier de plus de 50 grammes et dont le prix est supérieur à deux fois et demi le tarif public, à partir du 1er janvier 2006.
Enfin, cette directive prévoit le 1er janvier 2009 comme date éventuelle d’achèvement du marché intérieur des services postaux.
31 juillet - 1er août 2004
La réunion du conseil général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) fixe en juillet 2005 la date butoir pour la remise par les États membres de leurs propositions en matière de libéralisation des services. La libéralisation des services (Accord général sur le commerce des services, AGCS) constitue le troisième volet de l’Agenda de Doha, initié au Qatar en 2001.
20 mai 2005
Promulgation de la loi relative à la régulation des activités postales. La loi transpose les directives européennes limitant le champ du monopole postal pour permettre l’ouverture du secteur à la concurrence. Pour concurrencer La Poste sur ces marchés, il sera nécessaire d’obtenir une autorisation délivrée par l’Autorité de régulation des télécommunications électroniques et des postes (ARCEP). Le principe de la fourniture par La Poste d’un « service universel postal » est cependant réaffirmé.
2 juin 2005
La Commission européenne transmet à l’OMC la nouvelle offre des 25 Etats membres en matière de libéralisation des services. L’Union européenne dépose formellement devant l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) ses propositions révisées d’ouverture à la concurrence étrangère d’une gamme de secteurs des services (services postaux, informatique et télécoms, distribution, services en matière d’environnement, services financiers, tourisme et transports).
18 octobre 2006
La Commission européenne rend publique dans un communiqué une proposition visant à ouvrir totalement à la concurrence les marchés des services postaux de l’Union européenne d’ici à 2009. Les opérateurs nationaux ne disposeront plus du monopole, appelé "domaine réservé", pour les envois d’un poids inférieur à 50 grammes.
20 février 2008
La Parlement européen et le Conseil adoptent la Directive 2008/6/CE modifiant la directive 97/67/CE qui concerne l’achèvement du marché intérieur des services postaux de la Communauté.
Elle précise ainsi les modalités selon lesquelles le marché des services postaux pourra être ouvert :
(23) « (…) Les États membres peuvent retenir l’une ou plusieurs des options suivantes: laisser aux forces du marché le soin de fournir le service universel, charger une ou plusieurs entreprises d’en fournir tel ou tel volet ou de couvrir telle ou telle partie du territoire, ou avoir recours à des procédures de passation de marchés publics. (...) »
L'ouverture à la concurrence des envois d'un poids inférieur à 50 grammes, qui est donc prévue pour le 1er janvier prochain, signifie concrètement l'ouverture à la concurrence de l'essentiel du service public postal utilisé par la majorité des usagers, et particulièrement les services aux particuliers. Cela signifie concrètement que les services les plus rentables, fournis dans les zones les plus densément peuplées seront convoités par différents opérateurs et donc plutôt correctement couverts et les services les plus coûteux, particulièrement dans les zones peu peuplées seront délaissés ou de mauvaise qualité (…).
Nous sommes donc aujourd'hui à ce stade d’un processus lancé en 1997. Et rappelons-le, l’achèvement du marché intérieur des services postaux au 1er janvier 2009 était prévu et programmé par la directive postale du 10 juin 2002.
Le lancement d’une pétition en vue d'obtenir un référendum sur l’ouverture du capital de la Poste doit donc nous faire prendre pleinement la mesure de ce à quoi nous nous opposons.
C'est la Commission européenne qui dispose de la compétence de négocier pour les Etats membres de l'Union européenne les accords commerciaux signés au niveau de l'OMC. Ces accords, une fois signés, s'imposent aux Etats membres et ont une force juridique supérieure à la loi nationale.
Il s'agit donc par là de remettre en cause, au-delà de l'ouverture du capital de la Poste, la lente dépossession des peuples de leur pouvoir de décision et de contrôle démocratique au profit d'instances supranationales dont l'action est pourtant éminemment politique (…).