Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.
La consommation, religion d’Etat en France ?
Les consommateurs sont intéressés par l’ouverture des magasins le dimanche, mais les salariés ne le sont pas. S’agit-il bien des mêmes personnes qui répondent aux sondeurs ?...
Le fait est que la ministre de l’économie, Christine Lagarde, a déclaré, en septembre dernier, que l’ouverture des magasins le dimanche serait un moyen d’accroître la croissance économique, ce qui est loin d’être prouvé (voir Le Crédoc relativise l'intérêt de l'ouverture des magasins le dimanche (Le Monde, 27 novembre).
Certains députés de la majorité ont marqué clairement leur opposition (voir Des députés UMP rejoignent le front contre le travail dominical, Le Monde, 21 novembre), ce qui n’a pas empêché le président de la République d’imposer la mise à l’ordre du jour mardi, à l’Assemblée nationale, de la proposition de loi Mallié portant sur l’extension du travail dominical.
A force de vouloir la rupture avec les équilibres nécessaires de la vie sociale, le président prend le risque de voir un nouveau front se constituer face à lui, dans lequel vont se glisser beaucoup de ceux qui ont contribué à son élection il y a dix-huit mois. Car les députés de droite, contestataires, ont des arguments qui portent (Le Monde, 26 novembre) :
Le travail le dimanche, une mauvaise idée
C'est sans doute l'ironie de l'histoire. La liberté d'entreprendre et l'économie de marché triomphent partout et dans le même temps le profit voulu pour lui-même, recherché par tous les moyens et déconnecté de l'économie réelle, montre toute la puissance de sa nocivité.
Cela doit nous conduire sur le plan national à ne pas laisser au seul marché le soin de réguler l'activité. Ainsi, la proposition de loi en débat sur le travail dominical accroît quatre risques : la régulation des commerces par le seul marché, la compétition entre les territoires, la dichotomie entre le consommateur et le citoyen et l'inégalité entre les salariés.
Tout d'abord on veut limiter l'ouverture dominicale à certaines zones géographiques, des "groupements urbains d'un million d'habitants". Si la volonté de ne pas soumettre l'ensemble des territoires à cette autorisation est louable, il faut en craindre les effets. Que deviendront les commerces concurrents qui, situés du mauvais côté de la frontière, verront partir leurs clients du week-end vers "la zone" ? Et les commerces de proximité qui ont besoin d'un flux de passants pour vivre ? Ils seront à l'évidence appauvris et demanderont aux pouvoirs publics d'ouvrir à leur tour le dimanche. Alors, le marché aura eu raison des pseudo-frontières administratives ; d'ailleurs, c'est le cas partout. Et nous aurons abouti à un résultat dont visiblement personne ne souhaite l'avènement : la généralisation sans restriction du travail dominical.
Cette compétition entre les commerces affectera les territoires. Il est à craindre que le phénomène de "pompe aspirante" soit accentué, quand tout le monde en constate déjà la nuisance pour nos commerces de centre-ville. La logique pure de marché prévalant ainsi entre les territoires produira les effets habituels : une concentration accrue du commerce dans les mains d'un petit nombre d'opérateurs, et donc en un petit nombre de lieux.
Car c'est une des conséquences fréquentes de la liberté du marché livrée à elle-même : elle conduit presque toujours à des situations d'oligopole dont le bien-fondé social et économique n'est pas démontré. Remarquons, d'ailleurs, que les représentants des artisans, du commerce de proximité et des PME sont opposés à la perspective d'un élargissement du travail dominical car ils n'auraient pas les moyens de lutter contre cette concurrence déloyale.
Les sondages produisent des résultats partagés à souhait, et leurs commentaires sont parfois déviés. D'abord, la majorité de l'opinion n'est pas orientée aussi clairement en faveur de l'ouverture dominicale qu'on veut bien le dire. Ensuite, ceux qui accueillent volontiers cette perspective lorsqu'ils sont dans la posture des consommateurs deviennent très réservés lorsqu'ils peuvent être concernés comme travailleurs.
On veut bien avoir des services et des commerces à portée de la main, sauf s'il faut se lever de bonne heure le dimanche pour que cela fonctionne... Comment l'encouragement d'une telle schizophrénie pourrait nous procurer une croissance importante et durable ? A moins de considérer que la richesse se réduit à sa seule expression quantitative et monétaire, ce qui est indéfendable. Et à supposer que l'extension de l'ouverture dominicale crée des emplois, ce qui n'est pas démontré : toutes les études montrent qu'un emploi créé dans la grande distribution en détruit trois dans le commerce de détail.
Il est dit que les salariés concernés par ce projet seraient protégés par le volontariat ; ils ne pourraient donc encourir aucune sanction pour avoir refusé de travailler le dimanche. Il ne manquerait plus que ça ! Mais qui pourra reprocher à un chef d'entreprise, en bon gestionnaire, de privilégier la progression de carrière de ceux qui auront fait l'effort de se mobiliser les dimanches ? Personne. L'instauration du travail dominical sans limitation dans certains secteurs produira donc, à coup sûr, deux catégories de salariés, du fait d'une discrimination exagérément positive liée à la bonne marche de l'activité.
LES LIMITES DU VOLONTARIAT
Et puis, chacun connaît les limites du volontariat : sans faire de procès d'intention aux chefs d'entreprise, il est peu probable que les salariés sollicités le dimanche puissent avoir d'autre choix que celui d'accepter. Parfois même, les parents isolés seront mis dans la situation de devoir travailler le dimanche pour préserver leur métier et son évolution, avec la conséquence que l'on imagine sur la garde de leurs enfants : devront-ils dépenser la majeure partie de leur rémunération bonifiée (lorsqu'ils l'auront obtenue) pour rémunérer leur assistante maternelle ? Il est difficile d'entrevoir, dans les situations de ce genre, un réel progrès social.
Certes, ces différents risques ne sont pas l'intention des promoteurs de la proposition de loi en débat. Ils y sont cependant contenus en germe. Et il est tout de même très malvenu qu'un tel message soit adressé aux Français par les temps qui courent.
La crise mondiale devrait nous inviter à prendre le temps de réfléchir à ses causes et à ses conséquences. Alors que l'absence de repères personnels et sociétaux est de plus en plus cruelle, il n'est pas acceptable de faire courir aux Français ce risque de généralisation du travail dominical, proche ou lointain. Et, dans cette proposition de loi, ce risque est plus proche qu'on veut bien l'admettre. Pour cette raison, même s'il faut trouver les moyens de régler localement les situations aujourd'hui irrégulières, il n'est pas souhaitable qu'elle soit inscrite à l'ordre du jour de notre Assemblée.
La liste complète des députés signataires est disponible sur www.travail-dimanche.com.
La gauche a des alliés, au-delà des députés de la majorité (voir, ce 14 décembre, sur le site de Vendredi, un article de Patrice de Plunkett Travail le dimanche : le front Eglise-syndicats, face aux ultralibéraux) :
Alors que le projet de loi sur l’ouverture des magasins le dimanche doit être discuté dès mardi prochain, le cardinal-archevêque de Paris André Vingt-Trois a qualifié vendredi de « malsaine » l’évolution de la société qui permettrait une « généralisation des dérogations du repos hebdomadaire » pour travailler le dimanche.
Voir aussi sur la Toile Travail le dimanche : les droits et devoirs de chacun - La solution.
Cet article est le 34ème paru sur ce blog dans la catégorie Travail Economie.