A quoi faut-il s’attendre ? A une révolution ?
L’un des porte-parole de l’UMP, Frédéric Lefebvre, a indiqué, ce 28 décembre, que la fusion des départements et des régions est proche (voir Le Monde, La fusion des départements et des régions est "pour bientôt", assure Frédéric Lefebvre).
Quel sens donner à cette déclaration, alors qu’une commission a été mise en place pour faire des propositions au gouvernement avant le 1er mars 2009 ? Voici le texte officiel, sur le site du Premier ministre, relatif à la création du comité pour la réforme des collectivités locales (cliquer sur le titre).
Collectivités territoriales - Création du Comité pour la réforme ...
François Fillon a présenté le 22 octobre 2008 le décret portant création du Comité pour la réforme des collectivités territoriales. Le président de la République, Nicolas Sarkozy, attend de ce comité conduit par l’ancien Premier ministre, Edouard Balladur, et composé de manière pluraliste, des propositions "innovantes, volontaristes et audacieuses".
"Depuis 20 ans, on a beaucoup approfondi la décentralisation, on a transféré beaucoup de compétences, on a créé de nouveaux échelons d’administration, a déclaré le président de la République, mais on a peu réfléchi aux structures profondes de notre organisation locale, presque rien changé à la fiscalité locale, laissé dériver les finances locales. Cette situation ne peut plus durer."
"La sensibilité et la complexité" de la réforme territoriale, "la nécessité de proposer des solutions innovantes, volontaristes et audacieuses, ont donc imposé la constitution d’un Comité de réflexion et de propositions de haute envergure, composé de manière pluraliste, avec des personnalités aux expériences et aux profils différents", a expliqué Nicolas Sarkozy en installant ce comité.
Selon le décret portant création du comité, celui-ci est chargé "d’étudier les mesures propres à simplifier les structures des collectivités locales, à clarifier la répartition de leurs compétences et à permettre une meilleure allocation de leurs moyens financiers, ainsi que de formuler toute recommandation qu’il jugera utile à la réforme des collectivités locales".
"La fiscalité locale est devenue archaïque et injuste, la taxe professionnelle nuit à l’attractivité économique de la France, a notamment insisté Nicolas Sarkozy. Mais nous sommes impuissants à lui substituer un autre système de financement, dynamique, responsabilisant et vertueux, garantissant l’autonomie financière des collectivités."
En effet, "le financement des collectivités locales ne distingue pas assez les dotations de l’Etat et les impôts locaux. Aujourd’hui, l’Etat prend en charge un quart de la fiscalité locale. La responsabilité fiscale des collectivités locales en est profondément brouillée."
"Tous enfin nous savons que le rétablissement de nos équilibres financiers est impossible sans maîtrise des finances locales, a-t-il poursuivi. Entre 2000 et 2006, chaque année 48 000 emplois ont été créés dans l’ensemble des collectivités locales, hors transferts de compétences et de personnels. En 2007, l’augmentation des dépenses des collectivités locales a représenté 14 milliards d’euros."
Le comité est présidé par Edouard Balladur, ancien Premier ministre et ancien député. Il comprend, en outre, des responsables politiques comme l’ancien Premier ministre, Pierre Mauroy, et des experts.
Il remettra son rapport au président de la République avant le 1er mars 2009.
Nicolas Sarkozy avait annoncé le lancement de la réforme des administrations locales dans son discours du 25 septembre à Toulon sur la politique économique (lire l’article). Il a de nouveau insisté, lors de l’installation du comité, sur la nécessité de poursuivre les réformes en temps de crise.
Le site du quotidien, Libération, avait abordé cette question, le 27 septembre 2008, sous ce titre :
Trop de départements ou trop de régions ?
Collectivités. Elysée et gouvernement envisagent la suppression d’une strate administrative.
C’est simple, imparable : «Moins d’échelons, c’est moins d’impôt, plus d’échelons, c’est plus d’impôt !» Lancée par Nicolas Sarkozy, la formule a beaucoup plu au public du discours prononcé, jeudi soir, à Toulon. Le chef de l’Etat a annoncé l’ouverture du «grand chantier» de la réforme des collectivités territoriales.
L’ambition est immense. Il s’agit d’en finir avec l’empilement des collectivités territoriales et peut-être même, audace suprême, avec le cumul des mandats. Communes, communautés de communes, départements, régions : depuis plus d’un quart de siècle, tous les gouvernements se désolent de cette exception française, source de gâchis et de confusion. Tous constatent le mal, aucun n’ose le remède. Pas même les décentralisateurs convaincus comme Deferre ou Raffarin (lire interview).
Dans son rapport pour «libérer la croissance», Jacques Attali proposait de clarifier la décentralisation en transformant les intercommunalités en agglomérations et en faisant «disparaître, en dix ans, l’échelon départemental». Pour rassurer les élus locaux, Nicolas Sarkozy déclarait, en janvier, le jour même de la remise du rapport : «Je ne crois pas que les Français sont prêts à renoncer à la légitimité historique des départements.»
Six mois plus tard, les Français seraient-ils mieux disposés ? Fin juin, lors d’un déplacement à Limoges, le chef de l’Etat revient sur la nécessaire réforme des collectivités territoriales. Et, le 17 juillet, il annonce, dans un entretien au Monde, que l’année 2009 sera celle d’une «réflexion approfondie» sur l’administration territoriale. Nicolas Sarkozy fait même de ce dossier la condition d’une éventuelle réforme du mode de scrutin aux élections régionales de 2010. En attendant ce big-bang territorial, le secrétaire d’Etat en charge des collectivités, Alain Marleix, présentera, en janvier, un projet de loi visant à rationaliser et à démocratiser les intercommunalités. Il ne s’agit, précise Marleix, que du «premier étage de la fusée». Pour la suite, l’Elysée a laissé entendre qu’une mission pourrait être confiée à Edouard Balladur. Sujet tabou depuis l’échec cuisant du général de Gaulle en 1969, le référendum serait sérieusement envisagé (…).
Les réflexions vont bon train un peu partout. On a vu dans Ouest-France, le 26 décembre, le géographe breton, Jean Ollivro, régionaliste, tenace partisan du rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne, préconiser la refonte des six régions de l’ouest en quatre « mieux identifiées », l’essentiel étant d’aboutir à une Bretagne reconstituée, avec cinq départements.
Je ne partage pas ce point de vue. La solution qui me semble raisonnable est un rapprochement entre les deux régions de Bretagne et des Pays de la Loire. Mais il faut prendre connaissance des arguments avancés par ce géographe, auteur de publications très opposées au centralisme, telles que La machine France. Le centralisme ou la démocratie ? (Jean Ollivro). Il est professeur à l'Institut d'études politiques de Rennes, géographe spécialiste de l'aménagement du territoire et du développement régional. Voici son point de vue. Il faut en débattre.
« L'Ouest à quatre régions fortes, un atout économique »
La commission Balladur au travail. « Chargée de la réforme des institutions, la commission Balladur apparaît comme un espoir pour les régions de l'Ouest. En effet, tout le monde souligne que le fonctionnement actuel de la France est trop complexe, dispendieux, et qu'il génère de multiples doublons. Le gouvernement s'attaque donc, avec raison, à un sujet essentiel, puisque des études démontrent qu'une gouvernance efficace joue le rôle d'un levier pour la prospérité économique des territoires.
La question intervient au moment où nos sociétés sont frappées par une crise financière et économique majeure. Le temps presse. La réforme actuelle peut apporter un nouveau souffle donnant de l'espoir aux gens en montrant les efforts de l'État pour se caler sur les réalités vécues par les citoyens. Si l'État avance de façon timorée, les gens vont être déçus.
S'il initie une véritable modernité - et c'est possible - c'est l'ensemble de son image qui sera rénovée. »
Quatre régions au lieu de six. « Dans l'Ouest de la France, un projet utile à tous et permettant de passer de six à quatre régions est, depuis plusieurs années, proposé par les universitaires et reçoit l'appui des populations (71 % des Normands sont pour la fusion des deux régions). En effet, si le problème de la Bretagne administrée est majeur, d'autres dysfonctionnements naissent actuellement d'une Normandie divisée, d'une région Pays de la Loire très artificielle, peu reconnue par les populations et correspondant peu aux mobilités ou à la réalité des échanges économiques (les habitants du Mans sont plus tournés vers Paris que vers Nantes qui apparaît comme une capitale excentrée).
Ce nouveau projet permet de passer de six régions faibles à quatre régions fortes. Il reçoit l'assentiment des populations et offre de multiples avantages. À l'échelle de l'Europe, la solution crée quatre régions démographiques et économiques de dimension comparable qui se rapprochent des grandes régions européennes (Bavière, Catalogne, Emilie-Romagne...). »
Dynamiser et rééquilibrer les territoires. « Ce nouveau projet pour l'Ouest crée quatre régions lisibles (l'appellation Val de Loire est reconnue patrimoine mondial de l'humanité par l'Unesco). Ces identités claires sont utiles pour la promotion économique et touristique des territoires (Normandie ou de Bretagne bénéficient d'une notoriété internationale).
À l'échelle de la France, la création de quatre régions fortes est un atout pour dynamiser la façade atlantique et rééquilibrer le territoire français. En effet, cette façade atlantique est pour l'heure inorganisée, avec des régions trop faibles, incapable de dynamiser une péninsule qui est la projection naturelle de la France et de l'Europe sur le monde. Le renforcement économique de cette pointe (notamment l'affirmation de son rôle maritime) créera un contrepoids à la dorsale européenne et permettra ainsi de recentrer la France dans l'Europe. »
Jouer la complémentarité entre les villes. « À l'échelle des régions, les avantages sont aussi conséquents. Outre la limitation des doublons et des coûts de fonctionnement, on crée des échelles administratives en correspondance avec les territoires vécus par les populations, ce qui est un atout essentiel pour promouvoir un développement durable, car adaptées à la singularité et à l'identité des lieux.
Par exemple, il existe une identité propre aux habitants de Saumur, Orléans, Tours, Angers... avec une image commune autour de la Loire, des vignobles, des châteaux, une forme de douceur et de qualité de vie... Dans les sondages, environ 70 % des habitants de Loire-Atlantique se sentent aussi Bretons et plus personne ne conteste la réalité d'un sentiment culturel breton en Loire-Atlantique.
Enfin, soulignons que cette affirmation des régions peut permettre aux villes d'être moins concurrentes que complémentaires. Au-delà de rivalités existant entre Rouen et Caen ou entre Nantes et Rennes, cette réforme peut être l'occasion (à la lumière de ce qui existe aux Pays-Bas ou en Suisse) de limiter le rôle parfois trop exclusif des « capitales » et de renforcer les partenariats urbains dans l'Ouest.
A une époque où il va falloir se serrer les coudes, avancer ensemble avec des appellations claires est un levier pour lancer la France sur la voie d'une réelle régionalisation. »
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