La France de demain n’attend rien de ce président
Le bilan positif de la journée de mobilisation du 29 janvier ne fait aucun doute. Cela met le pouvoir politique dans une fâcheuse posture.
D’un côté, les nouvelles venant de Washington concernant la crise financière et économique, aux USA, sont catastrophiques.
De l’autre, il est clair que la convergence des mouvements de protestation et de résistance est bien amorcée (bonne entente entre les organisations syndicales de salariés et rapprochements entre celles-ci et les partis politiques de gauche).
Nous ne sommes plus dans les conditions de la campagne présidentielle du printemps 2007. Le candidat qui séduisait les foules sur la promesse de l’amélioration du pouvoir d’achat a été élu grâce au soutien des dirigeants des grandes entreprises et des banques, afin de faire une politique nettement en faveur des plus favorisés.
Le président est en porte-à-faux en raison de la crise. Il n’est plus l’homme de la situation. Pire, il va vite apparaître comme un obstacle aux décisions à prendre pour redresser l’économie. A moins que, par opportunisme, il opère un retournement de sa politique, ce qui est peu vraisemblable.
L’avenir s’inscrit dans le prolongement du mouvement du 29 janvier. Les forces politiques qui l’ont soutenu ont la responsabilité de préparer les bonnes réponses à une situation radicalement nouvelle, des réponses aux niveaux national, européen et mondial.
Voyons les articles de presse les plus significatifs sur ce point.
Dès le 27 janvier, sur le site de l’hebdomadaire Marianne, celui qui signe Malakine décelait des caractéristiques particulières dans cette journée de manifestations dans toute la France.
Le 29 janvier, première grève politique
(…) La mobilisation du 29 janvier prochain sera d'une nature différente des grandes grèves qui l'ont précédée. Pour une fois, il ne s'agira pas d'un mouvement corporatiste destiné à promouvoir quelques revendications catégorielles sous couvert de défense du service public, ni d'un mouvement rétif contre une réforme qui aura été le bouc émissaire de toutes frustrations et le vecteur de tous les fantasmes.
Il s'agira d'une grève politique. Au sens noble du mot. Une grève destinée à réveiller le peuple des citoyens et à faire pression sur le gouvernement pour l'inciter à agir concrètement et efficacement face à la crise. Jamais on n'aura vu dans l'histoire récente un mouvement syndical (et espérons le populaire) aussi profondément positif.
Pour sa part, dans un éditorial de L’Humanité après le 29 janvier, Patrick Le Hyaric tirait les enseignements de cette journée d’action et de mobilisation.
M. Nicolas Sarkozy ne pourra plus déclarer comme il l’a fait le 6 juillet dernier en bombant le torse que « désormais quand il y a une grève en France, personne ne s’en aperçoit ».
Après avoir tout fait depuis plusieurs jours avec ses ministres pour empêcher cette forte mobilisation, il doit maintenant se rendre à l’évidence et prendre acte de l’immense protestation qui s’exprime dans tout le pays contre sa politique ultra-réactionnaire. Qu’une telle mobilisation soit possible alors que les périodes de crise tendent à pousser les individus au repli est tout à fait symptomatique. Près de 70% de nos concitoyens ont soutenu ce mouvement.
Que le pouvoir ne tente pas de détourner le sens de cette journée. Du plus petit village jusqu’à Paris, les salariés, les retraités, les privés d’emplois et les précaires, qu’ils soient du secteur public ou privé, des petites et moyennes entreprises se sont fait entendre avec une force que nous n’avions pas connue depuis très longtemps.
En quelque sorte, pour la première fois depuis le règne de M. Sarkozy, le peuple a voulu dresser un barrage sur le chemin de sa contre-révolution néo-conservatrice.
Pierre Haski, sur son site Rue89, réagissait ainsi, le 30 janvier.
Grève générale : cette fois, Sarkozy s'en est aperçu
Il a donc remarqué... S'il fallait un symbole pour juger du succès de la journée de grève et de mobilisation, il aura été donné par la réaction très rapide de Nicolas Sarkozy. En qualifiant de "légitime" l'inquiétude des Français manifestée dans les cortèges massifs enregistrés dans toutes les villes du pays, et en invitant les syndicats à une concertation à l'Elysée en février, le président de la République a pris acte de la force de la mobilisation dans la rue.
Il faut dire que le pari unitaire des syndicats a été largement gagné: un immense cortège à Paris, entre Bastille et Opéra -où se sont déroulés quelques incidents violents en fin de cortège-, et des mobilisations comme on en a rarement vues dans la plupart des villes du pays. Avec, de surcroît, une participation du secteur privé au côté des gros bataillons de la fonction publique, notamment de l'éducation nationale et des services de santé. Il y avait même quelques policiers dans les cortèges, pour réclamer "du fric pour les flics"...
2,5 millions de personnes au total, selon la CGT, alors que, guerre des chiffres habituelle, la police limitait ce chiffre à 1,08 millions. Mais, au-delà du chiffre, le succès de la journée d'action était indéniable, même si la situation des transports a été meilleure que prévu.
Le message: les travailleurs sont les principales victimes de la crise
Les partis politiques de gauche étaient eux aussi présents, avec en particulier le grand retour du Parti socialiste dans le mouvement social, ou plutôt à côté puisque les dirigeants du PS, Martine Aubry en tête, n'étaient pas dans le cortège mais sur le côté, face au Cirque d'hiver, près de la place de la République. Le PCF, le Parti de gauche, et les formations d'extrême gauche étaient également très présents.
Le message principal était le refus que les travailleurs, privés ou publics, soient les principales victimes de la crise alors que des milliards sont disponibles pour renflouer les banques ou l'industrie automobile. Ce message a été massivement scandé à travers le pays, et obligera sans doute Nicolas Sarkozy à ajuster le tir pour tenir compte de l'odeur de poudre qu'a laissé ce 29 janvier.
La contre-attaque de l'Elysée devrait notamment prendre la forme d'une grande émission de télévision en février pour faire de la "pédagogie de la crise" auprès des Français. Mais si on peut donner un conseil au président de la République, c'est de prendre conscience que les manifestants de jeudi ne se contenteront pas de pédagogie.
Nicolas Sarkozy disait récemment: "J'écoute, mais j'en tiens pas compte." Peut-être, là aussi, l'ampleur de la mobilisation l'amènera-t-elle à "tenir compte".
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