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Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.

Agriculture et société : le constat de Jean Le Douar, journaliste breton de Ouest-France


L’agriculture face aux défis du 21ème siècle 

 

Entre le 22 et le 29 novembre 2007, le quotidien Ouest-France avait publié une série d’articles sur le thème « Quel avenir pour les paysans ? ». En tant que lecteur, il me semble que ce journal a considérablement délaissé le secteur agricole depuis quelques années. Cette décision particulière vient compenser l’impression générale. Il est vrai que, sur le territoire breton, Jean Le Douar est très présent et perspicace sur les questions agricoles.

 

Le 22 novembre, il avait signé l’éditorial du journal et réalisé un entretien avec l’agronome, Marc Dufumier. Celui-ci était le seul, parmi les références choisies par le journaliste, à ne pas avoir été cité sur ce blog. Je me rattrape bien volontiers en reproduisant, ci-après, à la fois l’édito et l’entretien.

 

« Les nouveaux défis de l’agriculture »

 

« La flambée des cours de céréales, et des stocks mondiaux au plus bas, ont révélé aux consommateurs des pays riches que la sécurité alimentaire, qu’ils croyaient établie, est incertaine et fragile.

 

Pourtant, il faudra bien, un jour, non seulement nourrir les 850 millions d’êtres humains qui souffrent encore de la faim, mais aussi alimenter les 9 milliards d’habitants que la planète bleue comptera en 2030. Du coup, voici à nouveau l’agriculture placée sous les feux de la rampe.

 

Les attentes de la société à son égard se sont élargies. Elle ne demande plus seulement aux paysans de nourrir le monde, d’entretenir les paysages et de rendre la nature habitable. Elle souhaite aussi qu’ils produisent de l’énergie renouvelable, fournissent des matériaux biodégradables et développent une chimie verte.

 

La société veut encore, comme l’ont montré les débats au Grenelle de l’environnement, que l’agriculture contribue à la lutte contre le réchauffement climatique, à la préservation de l’environnement, de la biodiversité et de la ressource en eau. Il lui faudra enfin reconquérir des surfaces de terres arables. Car, pour satisfaire tous ces besoins, il sera nécessaire de doubler la production végétale et d’accroître les surfaces cultivées qui, pour l’heure, reculent devant la progression des villes et des routes, l’avancée des déserts et l’érosion provoquée par certaines techniques culturales.

 

Il faudra donc produire plus mais avec moins d’eau, de chimie et d’énergie. L’agriculteur est appelé à devenir le gestionnaire des écosystèmes, pour le compte de la société.

 

L’agriculture peut-elle relever de tels défis ? Oui, répondent Edgard Pisani et des agronomes, comme Marc Dufumier, Bruno Parmentier, Michel Griffon et Louis Malassis (1). Les réponses techniques existent. Ici même, à l’ouest, quelques paysans, encore très minoritaires, s’efforcent de devenir autonomes en énergie, tentent de reconquérir la fertilité de la terre grâce à des techniques agraires respectueuses de la vie du sol et réduisent l’usage d’engrais et de pesticides pour protéger l’environnement, leur santé et celle des consommateurs.

 

Les grandes filières agroalimentaires de l’Ouest peuvent y jouer leur partition si elles infléchissent leur modèle historique de production et se réorganisent. Car leur petite taille et leur éparpillement les fragilisent, face à leurs concurrents hollandais, danois et allemands, et les handicapent dans leur commerce avec la grande distribution (…).

 

Restent les conditions politiques. L’agriculture ne saurait relever de tels défis sans le soutien de la société et de l’aide publique. Aides qui seront légitimes et socialement acceptées si elles sont justes, équitablement réparties et bien expliquées. Nombre d’agriculteurs attendent de Bruxelles un aménagement de la Politique Agricole Commune en ce sens.

 

Les toutes récentes déclarations de Mariann Fischer Boel, la commissaire européenne à l’agriculture, sur le « bilan de santé de la PAC » vont-elles dans ce sens ? Trop tôt pour le dire. Autre condition : que les paysans du sud soient protégés et puissent vivre de leur travail. L’avenir de l’agriculture et celui du monde se joueront en grande part dans ces pays ».

 

 

Ce même jour, le 22 novembre 2007, dans le même journal, Ouest-France, Jean Le Douar interrogeait Marc Dufumier, agronome, professeur à l’Agro-Paris Tech.

 

« L’agriculture peut nourrir l’humanité »

 

Nourrir trois milliards de plus d’êtres humains d’ici 2050, cela ne vous fait pas frémir ?

 

C’est un énorme défi. Mais nous avons les moyens de relever le défi alimentaire. Cela implique de doubler la production végétale. Pourquoi ? D’abord parce qu’il y a plus de 850 millions d’êtres humains qui souffrent de famine. Ensuite parce que dans les pays émergents comme la Chine, l’Inde, le Brésil, les gens vont consommer plus de lait et de viande. Or, il faut de 3 à 10 calories végétales pour produire une calorie animale. Enfin, une partie de la production végétale sera détournée vers la production d’énergie.

 

L’agriculture sera-t-elle capable de relever ce défi ?

 

Oui. Et les pays du Sud ont un rôle à jouer. L’essentiel du surcroît de production végétale devra être produit dans ces régions. Nous disposons aujourd’hui dans le monde de 1,5 milliard d’hectares de surfaces cultivables. D’ici 2050, on peut doubler cette surface sans toucher à la forêt, nécessaire à la régulation climatique, en cultivant la savane, en produisant le maximum de biomasse dans ces régions. Une biomasse qui servira à alimenter les hommes et à accroître le taux d’humus de ces terres.

 

Cela ne risque-t-il pas de nuire à l’environnement ?

 

Evidemment, il ne faut pas le faire n’importe comment. Il faut reconstituer des écosystèmes avec des haies et des arbres, associer des céréales et des légumineuses qui captent l’azote de l’air et le renvoient dans le sol ; faire en sorte que pas un rayon de soleil ne tombe sur du sol nu mais sur des feuilles. Il faut s’appuyer sur la nature. Prenez l’acacia. C’est un arbre mais aussi une légumineuse, dont on sait qu’elle multiplie par 2,5 le rendement de céréales cultivées sous lui.

 

Techniquement c’est possible mais, alors, pourquoi cela ne se fait-il pas ?

 

Parce que les paysans du sud sont trop pauvres. Ils ne parviennent ni à gagner leur vie, ni à épargner et, encore moins, à investir. Or, la pauvreté des gens aggrave celle des écosystèmes. Pour que les paysans du sud aient des revenus suffisants, il faut que leurs pays mettent en place des droits de douane qui les protègent du dumping et des surplus européens. Il faut que l’aide alimentaire cesse d’être la variable d’ajustement de nos excédents ».

 

(1) Louis Malassis : « Ils vous nourriront tous, les paysans du monde,…si », éditions Cirad-Inra. (Voir, sur ce blog, l’article paru le 10 11 07, catégorie Agriculture et PAC).

Michel Griffon : « Nourrir la planète, la révolution doublement verte », Odile Jacob. (Voir, sur ce blog, l’article paru le 20 11 06, même catégorie).

Bruno Parmentier : « Nourrir l’humanité », La Découverte. (Voir, sur ce blog, l’article paru le 17 12 07, même catégorie).

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