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  • : Michel Sorin
  • : Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.
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14 mars 2009 6 14 /03 /mars /2009 15:30

Le tournant libéral et européen du PS en 1983

 

Le parti socialiste a besoin de beaucoup de temps pour fermer ce que Jospin présentait, en 1983, comme étant une parenthèse libérale. Cela m’incite à évoquer cette période (j’étais premier secrétaire du PS en Mayenne depuis 1979 et délégué au congrès PS en 1983).

 

Sous la houlette de Jean-Pierre Chevènement, notre courant de pensée (le CERES - Centre d’étude, de recherche et d’éducation socialistes), qui était allié à François Mitterrand depuis le congrès de Metz (1979), s’est battu contre ce tournant libéral lors du Congrès de Bourg-en-Bresse, en 1983, ce qui lui a valu de quitter la majorité. Jean-Pierre Chevènement en a tiré les conséquences en démissionnant du gouvernement (il était ministre de la technologie et de l’industrie) de Pierre Mauroy en 1983.

 

Depuis 26 ans, le PS s’est maintenu dans sa logique de soutien à l’Europe libérale, justifiant son vote en faveur de la ratification du traité constitutionnel européen le 29 mai 2005 (référendum) et du traité de Lisbonne en 2008 (Parlement).

 

L’hebdomadaire Marianne avait publié, le 21 février 2009 (n° 618), une libre opinion du philosophe Paul Thibaud, sous le titre « Une gauche imperturbable et stérile » (voir La tribune de Paul Thibaud).

 

Dans l’édition du 14 mars (n° 621), il offre à Jean-Pierre Chevènement l’opportunité de répondre. Pour l'ancien ministre et actuel président du Mouvement Républicain et Citoyen, le PS a sacrifié ses valeurs au capitalisme financier. Et reste incapable de réinventer un système de valeurs collectives.

 

Voilà pourquoi notre gauche est muette

 

Selon Paul Thibaud (Marianne du 21 février), la gauche, depuis 1962, n’est plus capable de refonder et de « relancer le destin national ». Son échec dans la décolonisation la poursuivrait encore aujourd’hui à travers le désir de revanche incarné de 1958 à 1981 par François Mitterrand, qui aurait étouffé tout effort de refondation intellectuelle et morale.

Paul Thibaud incrimine l’immobilisme idéologique, celui du programme commun contre le « mouvement d’émancipation culturelle et générationnelle » de 1968 débouchant sur le vide politique. C’est la raison pour laquelle la victoire politique de 1981, celle d’un « volontarisme politique artificiel », se serait révélée « creuse ». La gauche serait toujours aujourd’hui sur la ligne mitterrandienne (« la foi sans les œuvres », d’où un « immobilisme agité, velléitaire, dangereux, qui déprime les Français »).

Certes, il y a du vrai dans la description de Paul Thibaud : François Mitterrand n’était pas porté sur l’autocritique, mais de Gaulle non plus. Il s’est servi de l’Union de la gauche pour venir au pouvoir, mais surtout il a substitué au projet de transformation sociale de 1981 – non sans hésitation, d’ailleurs – une Europe technocratique et libérale tournant le dos aux aspirations populaires.

La relance par de Gaulle de l’histoire nationale, après 1962, s’est exprimée dans des choix (des institutions stables, la dissuasion, la sortie de l’Otan, l’indépendance de notre politique extérieure) beaucoup plus que dans une modernisation économique entamée, elle, par la IVe République, sur la base du programme du Conseil national de la Résistance, programme d’union nationale mais marqué par la gauche. Pour relancer de nouveau l’histoire nationale, en 1981, la gauche devait rebattre les cartes en matière économique et sociale.

Ce n’est pas la passion de la revanche (passion bien ordinaire) qui a nourri l’immobilisme idéologique de la gauche, c’est son incapacité à rendre compte du tournant qu’elle a opéré dans les années 80, en cédant au vent néolibéral qui soufflait d’Amérique : revalorisation de la Bourse, réhabilitation du profit et d’abord dans le partage de la valeur ajoutée, sacralisation du principe de la concurrence à travers l’Acte unique, libération des mouvements de capitaux et enfin, et peut-être surtout, dévalorisation de la nation à travers le mythe européen.

 

Cette incapacité à « refonder » va de pair avec le choix libéral et européen qui renvoie la nation aux oubliettes. La vision instrumentale de l’Union de la gauche a relégué à l’arrière-plan l’effort conceptuel qui avait été fait pour donner à la gauche un projet moderne : politique et restructurations industrielles à travers les nationalisations, priorité à la recherche et à sa valorisation, modernisation du « dialogue social », etc. Cette politique a été bel et bien torpillée par l’ouverture de la « parenthèse libérale » en mars 1983.

Naturellement, on peut discuter à l’infini de la faisabilité d’une « autre politique ». Constatons simplement où a conduit « la seule politique possible » : à l’éloignement des couches populaires à l’égard de la gauche et à la crise actuelle de la mondialisation libérale à laquelle le PS a sacrifié l’originalité de son projet et de ses valeurs.

Relancer le destin national ? De Gaulle n’y pouvait parvenir seul dans les années 60 avec l’appui d’une droite qui se méfiait de lui. La translation opérée de droite à gauche à travers la stratégie d’union de la gauche était alors le seul moyen de sauver ce que la Ve République apportait de fondamentalement positif (des institutions stables, une défense moderne reposant sur la dissuasion, une politique extérieure indépendante). Mais cela supposait aussi que la gauche fût capable d’innover par une politique industrielle et par un projet national adaptés.

La stérilité actuelle de la gauche procède de son autotrépanation de 1983, de son incapacité à avoir su devancer la crise (bien au contraire elle a contribué – en pratique et en théorie – à installer le capitalisme financier dans notre pays) et de son absence de réponse face à ses développements. Elle s’est réfugiée dans une vieille incantation (Europe ! Europe ! Europe !), plutôt que de chercher dans une vision moderne de la République, en France et en Europe, le moyen de refonder un système de valeurs et de croyances collectives. C’est pourquoi le PS se trouve pris à contre-pied par la crise au moment même où il vient de ratifier le traité de Lisbonne et d’officialiser son ralliement au libéralisme. Et voilà pourquoi « notre gauche » est muette.

Je partage cependant la conclusion de Paul Thibaud : « C’est encore à la gauche de renouer avec l’éthique de responsabilité, le devoir de faire société, de retrouver la capacité de synthèse qui donne espoir à un peuple, à une nation. » Mais peut-être lui faudrait-il d’abord se réconcilier avec la nation, dans sa conception républicaine, évidemment…

Cet article a été publié le 13 mars sur
Le blog de Jean-Pierre Chevènement.

 

 

Cet article est le 95ème paru sur ce blog dans la catégorie CHEVENEMENT.

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