Les vignerons français ont fait de gros efforts d’organisation en faveur de la qualité. En dehors de l’Europe, les superficies de vignobles ont augmenté sans limites et sans réglementations. Les exportations des vins des USA, du Chili, d’Australie, d’Afrique du Sud, ont augmenté selon des pourcentages allant de 160 à 770% ! L’offre étant plus importante que la demande, en l’absence de protections liées à des critères de qualité, les prix baissent et ne permettent plus la rémunération du travail à un niveau normal. Le Languedoc-Roussillon, première région européenne pour la place de la viticulture dans la production agricole, fait vivre 30 000 personnes directement de la vigne.
Que propose la Commission européenne ? Elle trouve son inspiration du côté des USA, qui ne veulent pas de critères de qualité, et du côté des grandes compagnies, notamment françaises et italiennes, qui veulent pouvoir vendre en Europe les vins des domaines viticoles dont elles sont propriétaires dans les pays en pleine croissance de production.
La Commission avance quatre propositions, qui sont autant d’agressions : L’arrachage, aveugle, en cinq ans, de 400 000 ha de vignes européennes (sans tenir compte de la qualité des sols),
La suppression des mécanismes régulateurs du marché (dans la plus pure logique libérale), L’abandon de la preuve de la qualité sur l’étiquetage (alignement sur la nomenclature de l’OMC), L’abandon des critères de qualité (au profit des méthodes de vinification pratiquées par les pays concurrents). Ainsi, la Commission européenne, aveuglée par son idéologie libérale, veut balancer par-dessus bord les AOC (ne conservant que l’indication géographique) et les qualifications relatives à l’origine et au cahier des charges (critères d'encépagement, maîtrise des rendements, méthodes de vinification, de stockage et de vieillissement du vin), ainsi que les bonnes pratiques oenologiques. Voudrait-elle effacer les règles existantes pour faciliter la vente de vins non européens en faisant disparaître la possibilité d'identifier leur qualité (ce qui ne manquerait pas de profiter aux fraudeurs, au détriment des consommateurs), qu’elle ne s’y prendrait pas autrement !...
La conclusion de l’auteur : « C'est un véritable plan de dénaturation des vins européens que l'Union européenne entend mettre en place. On renonce, pour plaire aux Etats-Unis, à tout ce qui fait la qualité de nos vins et on insulte ainsi le travail de générations de viticulteurs qui, inlassablement, ont recherché une qualité toujours plus grande. Le vin, notre vin, recèle du sens et de l'originalité. C'est cela qu'on veut détruire. Je souligne qu'il n'existe actuellement aucune obligation de la part de l'OMC, de négocier l'abandon de ce qui fait l'originalité du vin européen : un vin issu exclusivement de la fermentation du jus de raisin suite au travail patient et ingénieux du vigneron ». A cette formidable agression contre la civilisation européenne du vin, quelle riposte possible ? La crise qui frappe la viticulture est à bien des égards comparable à celle de 1907. Nos aînés ont su faire entendre le cri de désespoir qu'ils ont lancé alors. Et obtenir les réformes indispensables. Parce qu'ils avaient appelé à la grève de l'impôt et à la démission des municipalités, ceux qui s'étaient appelés eux-mêmes des "Gueux" ont bravé les soldats de Clémenceau avant que ces derniers ne fraternisent avec les vignerons. C'est grâce à eux que la définition du vin comme produit naturel a été conquise. Ce sont eux qui ont lancé le mouvement des caves coopératives. Aujourd'hui, l'agression est européenne, mais elle est européenne parce qu'il y a des complicités nationales. En effet, ce que la Commission européenne propose doit avoir l'accord des gouvernements. Certains suggèrent ce qu'ils appellent "un Grenelle de la viticulture". Je ne crois pas que cela suffise. Parce que le problème est à la fois national et européen. On ne peut donc se replier sur des solutions nationales qui n'auront qu'une efficacité limitée s'il n'y a pas en même temps une confrontation avec les institutions européennes. J'ai bien dit une confrontation. Il n'y a rien à espérer d'une Commission européenne qui dans tous les domaines entend faire disparaître la primauté de l'intérêt général. Il n'y a rien à espérer d'une Commission européenne qui ne propose pour toute politique que la dérégulation et la loi du marché. S'il est aujourd'hui une rupture qui s'impose, c'est celle qui consiste à dire : c'est terminé, on n'accepte plus le diktat d'une Europe qui se construit contre nous ». Pour lire les propos de Raoul Marc Jennar dans leur intégralité, consulter le n° 488 du journal sur le site de ReSPUBLICA : www.gaucherepublicaine.org