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Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.

Henri Nallet souligne les conséquences des actuelles négociations de l'OMC

 

L’Europe ne cesse de travailler contre elle-même

 Dans Le Monde daté du 13 avril, Henri Nallet fait œuvre utile en alertant les responsables politiques sur ce qui risque de se passer à court terme lors des négociations internationales (volet agricole) dans le cadre de l’Organisation Mondiale du Commerce. Il ne cite pas Ségolène Royal, mais on peut supposer que ce texte lui est destiné.

 Henri Nallet était récemment invité par la FDSEA de Maine-et-Loire pour parler du 50ème anniversaire du Traité de Rome, comme le rapporte un article de l’Avenir agricole (30 mars-5 avril 2007) www.aveniragricole.net . « L’ancien ministre de l’agriculture des gouvernements Fabius et Rocard s’est posé en défenseur de la Politique Agricole Commune et a pris position en faveur d’une agriculture européenne forte ».

 Conseiller de la FNSEA à la fin des années 1960, puis conseiller de François Mitterrand à partir de 1981 pour les affaires agricoles, avant d’être trois fois ministre (agriculture, justice), Henri Nallet semble s’être éloigné des responsabilités politiques. Ces articles de l’Avenir agricole et du Monde montrent qu’il reste très informé des questions agricoles internationales. Toutefois, il se situe dans un registre traditionnel de la politique agricole, pas très différent des positions de la FNSEA.

 J’invite lectrices et lecteurs de ce blog à se reporter à mes articles agricoles (catégorie « Agriculture et PAC »), notamment celui du 1er avril dernier, pour compléter leurs informations à ce sujet.

 « L'Europe agricole en perdition » par Henri Nallet

 « Les principaux candidats à l'élection présidentielle se proposent tous d'agir pour "réguler la mondialisation", c'est-à-dire, en fait, pour tenter, si cela est possible, de protéger les populations française et européenne des conséquences néfastes de la globalisation marchande.

 Celui ou celle qui sera élu(e) aura l'occasion de montrer, très vite, sa détermination dans ce domaine particulier de la responsabilité présidentielle qui concerne les relations commerciales internationales. En effet, les négociateurs américain, brésilien et européen sont proches d'un accord sur le volet agricole de la négociation de Doha, qui dure maintenant depuis six ans dans le cadre de l'OMC.

 Il est donc temps d'apprécier du point de vue des intérêts européens l'accord qui se dessine par rapport aux objectifs de départ, qui cherchaient à libéraliser davantage les échanges dans les secteurs agricole, industriel et des services et où tout le monde devait donc retrouver son compte dans le fameux et libéral "gagnant-gagnant". Mais on sait que, faute d'avancer sur les autres sujets, la négociation s'est concentrée, une fois encore, sur l'agriculture.

 L'Union européenne savait qu'il lui serait demandé de renoncer aux dernières protections de son agriculture. C'est pourquoi elle décida, pour des raisons tactiques, de procéder en 2003 à une profonde réforme de son système d'aides à l'agriculture. Il n'y avait alors en effet ni stocks invendables ni crise financière, rien qui justifiât un tel chambardement. On sépara les soutiens financiers de l'acte de production ("découplage"), afin que les dernières aides européennes n'aient plus aucun effet de distorsion sur les échanges. Elles devenaient ainsi, aux yeux des juges de l'OMC, paradis des aides permises !

 La raison de ce coup de bonneteau était claire : on montrait que, la réforme de la PAC étant faite, c'était aux autres, en particulier aux Etats-Unis, de réduire leurs aides liées aux prix ou à la production et qui perturbent les échanges commerciaux. Le commissaire à l'agriculture de l'époque déclarait en juin 2003 : "Notre politique est respectueuse des échanges. Nous abandonnons l'ancien système des subventions, qui fausse considérablement les échanges... L'Union européenne a fait son devoir, aux autres maintenant d'agir pour assurer le succès des négociations commerciales de l'OMC... Un désarmement unilatéral est hors de question. La balle est à présent dans le camp des autres pays, comme les Etats-Unis, dont la politique agricole est plus que jamais de nature à fausser les échanges."

 Que reste-t-il aujourd'hui de ces bonnes dispositions tactiques compte tenu de ce que l'on sait du possible accord final ? Il semble bien que l'on soit assez loin du résultat escompté. Loin de contraindre les Etats-Unis à réduire leurs subventions aux exportations et autres paiements contracycliques (compensation des effets des baisses de prix) qui concurrencent les productions des pays en développement (le cas du coton), les pays européens ont accepté en 2004 la création d'une nouvelle catégorie d'aides autorisées aux agriculteurs (baptisée "nouvelle boîte bleue") dont le seul objet est de mettre les paiements contracycliques américains à l'abri de toute contestation à l'OMC. Les Européens n'utilisent pas ce type d'aides ; ils ont donc fait un cadeau aux Américains, sans la moindre compensation.

 Ensuite, à Hongkong, l'Europe s'est engagée à supprimer toute subvention à l'exportation à compter de 2013. Bonne nouvelle pour les pays en développement, mais les Etats-Unis n'ont pas pris d'engagements aussi clairs et précis et pourront continuer à financer des exportations agricoles sous forme d'aide alimentaire. Nous avons abandonné une belle carte sans contrepartie réelle...

 Au total, le projet d'accord auquel la Commission semble prête à souscrire est déséquilibré. Le marché européen sera largement ouvert aux importations puisque les droits de douane agricoles seront vraisemblablement réduits en moyenne de 50 % à 55 %. Seul un tout petit nombre de produits sensibles seront mieux protégés. De leur côté, les Etats-Unis ne feront que de modestes concessions sur le montant de leurs aides aux agriculteurs, qui sont liées aux prix ou à la production. Ils ne prendront aucun engagement de réduction sérieuse du niveau actuel de leurs aides, ce que confirme la préparation de la prochaine loi agricole (Farm Bill) américaine...

 Si l'accord qui est en vue se confirme, l'Europe ouvrira largement ses marchés, abandonnera ses subventions à l'exportation et se retrouvera unilatéralement désarmée face à une concurrence internationale, américaine notamment, qui aura à peu près réussi à conserver intégralement son potentiel de nuisance, sans craindre d'être un jour condamnée, comme ce fut le cas pour le coton, puisque la commission est prête à accorder aux Américains le renouvellement d'une "clause de paix" qui les mettrait à l'abri de tout contentieux à Genève ! Cette dernière concession est d'autant plus étonnante que, depuis la réforme de 2003, la PAC n'a plus grand-chose à craindre des contentieux genevois...

 Ces résultats, qui du point de vue commercial sont, pour l'Europe, mauvais parce que déséquilibrés, auront une autre conséquence lourde de sens. En effet, désormais privée de moyens de protection à la frontière, la Commission sera, paradoxalement, obligée d'aller au bout de la libéralisation en supprimant les derniers instruments (quotas de production, intervention publique...) qui protègent encore un peu des crises de marché... Elle l'a compris et prépare déjà le terrain en annonçant, avec un sens certain de l'humour noir, un "bilan de santé" de la PAC... Le résultat de cette négociation est donc la remise en question de la réforme de 2003, qui devait être le grand atout de l'Europe...

 Ce mauvais résultat pour l'agriculture européenne sera-t-il au moins compensé par des succès dans les aspects non agricoles de la négociation de Doha ? Sur les tarifs industriels, où l'Europe a des intérêts offensifs importants, il ne semble pas, à ce jour, que des résultats substantiels aient été obtenus. Ni le Brésil ni l'Inde ne sont disposés à faire des concessions qui seraient, par le jeu de la clause de la nation la plus favorisée, automatiquement accordées à leur concurrent le plus redoutable, la Chine. Sur les autres sujets, rien ne paraît réellement avancer.

 Cette absence de progrès sur les questions non agricoles a deux conséquences : elle rend impossible, pour l'Europe, tout équilibre dans l'appréciation de Doha ; c'était pourtant un des principes de base retenus au départ. Mais il y a plus grave. Si cet accord se confirme, il démontrera une fois encore que l'Europe a toujours autant de mal à faire valoir ses légitimes intérêts, à peser de son juste poids dans les affaires du monde. Surtout il manifestera que tous les beaux discours sur la nécessité de maîtriser la mondialisation par des règles communes et négociées sur les services, les marchés publics, la propriété intellectuelle, etc., sont pure rhétorique puisque cette régulation ne parvient même pas à s'accomplir à l'OMC. Alors le reste, la régulation sociale ou environnementale, n'y pensons même pas...

 Ces résultats décevants ne sont pas encore acquis, car les Etats-Unis peuvent refuser de conclure sur les bases actuelles. Le Congrès à majorité démocrate peut vouloir conserver les mains libres pour discuter le prochain "Farm Bill" et priver, du même coup, George Bush d'un succès à l'OMC dont le fonctionnement multilatéral n'est pas très à la mode, en ce moment, à Washington... Cependant, s'ils sont rationnels, les dirigeants américains devraient accepter cet accord dans la mesure où ils font très peu de concessions et obtiennent beaucoup de l'Europe. Et, dès que l'acquiescement américain sera connu, au plus tard le 1er juillet, la Commission demandera au Conseil de l'avaliser à son tour, ce qui peut se faire à la majorité qualifiée, qui sera obtenue sans peine. Avec ou sans la France, dont le (la) représentant(e) viendra à peine d'être élu(e) ?

 Le chef de l'Etat français peut-il inaugurer son mandat en acceptant un mauvais accord, si éloigné des engagements de la campagne ? La Commission peut-elle tenter de passer en force en mettant en minorité la France sur une question où ses intérêts nationaux sont en jeu ? Les uns et les autres ont-ils intérêt à ouvrir une crise au moment où ils doivent rechercher des accords sur la question institutionnelle, la relance des politiques communes, l'élargissement ? Récemment, le président Barroso reconnaissait que les Européens ont besoin qu'on leur démontre que l'Europe les protège plus efficacement qu'ils ne le feraient s'ils étaient seuls. Ce n'est pas avec un "accord" du type de celui qu'on évoque qu'on parviendra à persuader les Européens que l'Europe est une absolue nécessité !

 Nous devons alors compter sur l'intelligence politique de la présidence allemande pour désamorcer le piège et prendre le temps de faire ce qu'il faut pour ne pas ajouter une crise à la crise. Mais suggérons aussi aux candidats à la présidence d'envoyer sans tarder les bons messages aux bons endroits ».

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