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Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.

Génocide des Tutsis au Rwanda : la France visée par un rapport


La vérité historique ne s’arrête pas aux frontières

 

La France était du côté des auteurs du génocide des Tutsis en 1994 au Rwanda. C’est une tache qui ne sera jamais effacée dans l’histoire de notre pays. Encore faut-il que la lumière soit faite sur l’ensemble des responsabilités.

 

Il est logique que le pouvoir en place à Kigali (accusé par la justice française d’avoir commandité l’assassinat du président rwandais Juvénal Habyarimana, une mort qui fut, le 6 avril 1994, le signal déclencheur du génocide) prenne les moyens de la contre-attaque.

 

En tant que citoyens, nous avons le droit de savoir la vérité sur ces faits et de connaître les raisons qui ont pu conduire à ce génocide. Si, comme on le découvrira, les pouvoirs publics français ont été à l’origine de décisions dans un sens favorable aux auteurs du génocide, il serait encore plus grave, pour l’honneur de la République, de vouloir le nier et de refuser une enquête objective et contradictoire concernant ces évènements.

 

J’ai eu le privilège d’accéder à des informations qui m’ont été communiquées par l’une de mes connaissances de mes années étudiantes (voir les articles parus sur ce blog classés dans la catégorie L'Afrique et, notamment Génocide des tutsis en 1994 au Rwanda : Bernard Patureau milite pour le devoir de Mémoire -  5 01 08 et Des informations et un film à voir sur Arte concernent le génocide des tutsis au Rwanda - 11 02 08).

 

On peut comprendre que les responsables politiques n’aient pas envie de traiter ce sujet, mais la gravité des accusations est telle qu’ils doivent avoir le courage, désormais, de le traiter à fond. C’est ce que demande Rémy Ourdan, journaliste au Monde, dans l’article, ci-après, paru hier sur www.lemonde.fr et, ce 7 août, dans l’édition papier.

 

Le génocide au Rwanda, un devoir de vérité

 

Le verdict est sans appel : "La France a participé à la mise en exécution du génocide" des Tutsis du Rwanda. Le récit des années de guerre de la France au Rwanda (1990-1994) rédigé par les sept rapporteurs rwandais est terrifiant. Complicité dans la préparation et l'exécution du génocide. Complicité aux plus hauts échelons politiques, diplomatiques et militaires, entraînement des soldats et des milices hutues, livraisons d'armes et de munitions. Et, sur le terrain, participation aux tueries ou passivité complice face aux tueries, assassinats, viols, tortures, pillages.

La "Commission nationale indépendante chargée de rassembler les preuves montrant l'implication de l'Etat français dans le génocide perpétré au Rwanda en 1994", nommée par Kigali, détaille la participation de la France au "crime des crimes". Si ce que décrit ce document est vrai, rien ne s'oppose à ce que des responsables français rejoignent les dirigeants hutus sur le banc des accusés des tribunaux chargés de juger les auteurs du génocide.

Mais l'affaire n'est pas si simple. L'histoire de la Commission rwandaise est ancrée dans dix-huit ans d'affrontements – militaires, diplomatiques puis judiciaires – entre Paris et le mouvement de Paul Kagamé, le chef de la rébellion tutsie devenu président du Rwanda.

Ce travail ne commença d'ailleurs que lorsque M. Kagamé fut accusé par le juge Bruguière d'avoir commandité l'assassinat du président rwandais Juvénal Habyarimana, une mort qui fut, le 6 avril 1994, le signal déclencheur du génocide. Or Kigali, dont neuf dirigeants sont visés par des mandats d'arrêt internationaux, avait prévenu que, sans abandon des accusations du juge Bruguière, la France devait être prête à voir ses dirigeants mis en cause, en retour, pour le génocide de 1994. On est davantage dans la tractation politique que dans le devoir de justice… Cette lutte de près de deux décennies entre la France et Paul Kagamé n'est toutefois pas une raison pour rejeter le rapport de la Commission rwandaise, ou présumer que les témoins cités, survivants du génocide ou ex-compagnons d'armes des soldats français, mentent.

Le récit, dense, précis, avec des noms, des lieux, des dates, relate l'histoire d'une guerre dans laquelle François Mitterrand engagea la France, presque sans réserve. L'histoire d'une guerre qui vit l'armée et les services de renseignements français être, de la première attaque du Front patriotique rwandais (FPR) en octobre 1990 à l'organisation au Zaïre, après le génocide, d'une rébellion hutue, les très fidèles compagnons d'hommes qui ont perpétré, en cent jours au printemps 1994, l'extermination de la communauté tutsie du Rwanda.

Quels que soient les doutes sur la véracité des témoignages, recueillis dans un pays où le FPR a instauré une dictature et peut orienter les récits, voire en fabriquer, comme la justice internationale le soupçonne d'ailleurs de l'avoir fait par le passé, la France ne peut pas ne pas répondre aux accusations.

D'abord parce que le rapport rwandais évoque des faits précis – parfois appuyés par des documents inédits – sur l'engagement français, les relations avec les génocidaires, les "coups tordus", les livraisons d'armes, les aides financières, qui contredisent des témoignages de responsables français entendus par la Mission d'information parlementaire à Paris en 1998. Ensuite parce qu'en ce qui concerne les crimes au Rwanda, Paris ne peut pas décréter que ses soldats, pris dans l'engrenage d'une guerre terrifiante aux côtés de tueurs implacables, n'ont pas commis les assassinats, viols et violences dont ils sont accusés.

L'attitude de la France, qui affirme depuis 1994 qu'elle n'a rien à se reprocher, n'est pas tenable. Par ailleurs, la tractation diplomatique – retrait des accusations Bruguière contre retrait des accusations rwandaises –, dont on sent qu'elle est une tentation tant à Paris qu'à Kigali, ne pourrait faire disparaître les terribles soupçons qui pèsent sur la France. Le droit à la justice des tutsis rwandais ne sera jamais pleinement satisfait. Les tueurs hutus se comptent par centaines de milliers. Certains de leurs soutiens ne seront jamais jugés.

Mais il existe en revanche, envers les victimes et les survivants, un devoir de vérité. Paris ne peut pas rejeter ces récits sans enquêter en profondeur et sans répondre point par point à chacune des centaines d'accusations. L'enjeu est d'établir avec exactitude les responsabilités dans le dernier génocide du XXe siècle. La France, qui tient et qui a contribué à ce que la lumière se fasse sur le génocide des juifs d'Europe durant la seconde guerre mondiale, ne peut pas refuser de se confronter aux effroyables récits rwandais, au motif que ses dirigeants étaient, disent-ils, animés de louables intentions, et qu'une aventure africaine a mal tourné.

Voir aussi les autres articles du Monde sur le même thème : France-Rwanda : de l'alliance à la rupture diplomatique et Génocide rwandais : Paris dénonce des "accusations inacceptables".

 

Le site Rue89 s’exprimait ainsi, le 5 août, sur le même sujet (possibilité de télécharger le rapport) : Génocide rwandais: politiques et militaires français à la barre?

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A
J'attends vraiment qu'un politique français prenne ce dossier en main et demande une enquête indépendante sur ce sujet. C'est honteux d'ignorer à ce point cette histoire!
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P
Jean-Pierre Chevènement, qui en l’occurrence sait de quoi il parle, dira de l’opération Turquoise qu’elle « n’a été présentée comme une opération humanitaire qu’aux naïfs ».
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