La réforme la moins chère et la plus urgente
Le ministre Xavier Darcos avait exprimé une ferme volonté de réformer le lycée, mais il a dû, lui aussi, faire marche arrière (voir l’article précédent paru, hier, sur ce blog (La réforme du lycée est reportée d'un an en raison des manifestations - 20 décembre 2008).
Il admet qu’il va falloir repartir à zéro, tant les incompréhensions et les oppositions à son projet de réforme sont grandes (Xavier Darcos et les lycéens se donnent rendez-vous à la rentrée (Le Monde, 21 décembre).
En fait, celles-ci sont dues essentiellement à la suppression de postes d’enseignants. Comment ce gouvernement pourra-t-il procéder à des réformes libérales pendant que la crise s’avance à une vitesse qu’on n’a jamais connue ?
Le président de la République est très malin pour semer la zizanie politique chez ses adversaires socialistes. Il l’est moins pour comprendre que sa politique libérale, dans le contexte actuel, ne peut que monter la société contre lui. Et comme il veut tout régenter, s’il persiste sur cette voie, il court le risque de n’avoir le choix qu’entre la démission et la capitulation…
Pour ma part, je veux être constructif. Ayant participé aux conférences organisées par l’AFLEC Association Familiale Loisirs Et Culture Saint-Berthevin ... animées par Philippe Barrieu, professeur d’économie politique au lycée Ambroise Paré et à l’université populaire de Laval, il me semble important d’évoquer ici les réflexions de ce professeur.
Que dit Philippe Barrieu du système éducatif français ?
Il considère le système éducatif en France comme un cas d’école, révélateur des blocages de la société. D’un côté, des constats assez bien partagés sur les succès et les difficultés du système français. De l’autre, l’incapacité collective à réformer ce qui devrait l’être, sans toucher à ce qui fonctionne bien.
Un constat qui n’est pas flatteur
Au-delà de progrès incontestables, qui semblent s’arrêter depuis une dizaine d’années, le niveau moyen est faible sur deux aspects : le supérieur (après la licence) et la formation professionnelle qualifiée, au-delà du baccalauréat.
Les classements internationaux sont plus que médiocres : les universités (selon les critères, contestés, de Shangai) et les acquis des élèves âgés de 15 ans (classement PISA). De plus, une enquête du CNDP montre un recul du niveau d’acquisition des connaissances (deux ans entre 1980 et 2002). Le plus préoccupant est le décrochage d’une forte minorité d’élèves (classement PÏSA).
Le gros point noir est l’aggravation des inégalités sociales à l’école. Les résultats scolaires sont très liés à l’origine sociale des élèves.
Comment remédier à ces difficultés ?
Ce n’est pas un problème de moyens insuffisants. La France met 6% du PIB dans l’éducation, ce qui est correct. L’effort financier par élève progresse. Mais la dépense est mal répartie : trop dans le secondaire et les grandes écoles, pas assez pour le primaire et le supérieur universitaire.
Les résultats modestes et les inégalités sociales peuvent s’expliquer par l’inadaptation de ce qui est enseigné aux élèves (enseignement trop encyclopédique, trop de matières différentes, trop de théories, pas assez de savoirs pratiques et de mise en autonomie). Ce type d’enseignement favorise le bachotage.
Les réformes pourraient être de mieux définir les savoirs fondamentaux et les enseignements optionnels, de séparer l’essentiel de l’accessoire dans chaque discipline et de développer en priorité la capacité de l’élève à l’apprentissage, la curiosité et l’autonomie.
Le système français est fondé sur la spécialisation unique de l’enseignant (une seule matière), sur un excès de formalisme (y compris dans l’évaluation, notamment le baccalauréat), le cours magistral et la transmission passive du savoir.
Par contre, ce qui relève de l’apprentissage personnel, du travail dirigé, de la réalisation d’objectifs, du comportement individuel …passe au second plan. L’élève « idéal » est un être attentionné mais passif, soumis à la règle et à l’enseignant. Mais le problème, c’est que cela ne marche plus, ou mal.
Il faudrait beaucoup plus d’interdisciplinarité, de travaux dirigés orientés vers la découverte et la réalisation, moins d’épreuves académiques. Bref, former aux savoirs faire plus qu’aux simples savoirs.
En conclusion, s’agissant de la France, notre compétitivité par les prix est illusoire. Elle ne peut venir que de l’effort structurel et, en premier lieu, la formation. Le cas de la Finlande montre le lien entre la prospérité économique et la qualité du système éducatif.
Parmi toutes les réformes, celle du système éducatif est sans doute la moins chère et la plus urgente.
La conférence est mise en ligne sur le site de l’AFLEC*. Voir La Réforme du Système Educatif.
* J’avais déjà mentionné ces Conférences d'économie politique organisées par l'AFLEC Saint ... dans un article paru sur ce blog le 20 octobre 2006.
Cet article est le 14ème paru sur ce blog dans la catégorie L'école