Mobiliser les citoyens sur la base d’un projet politique
Les derniers mots du texte que j’ai publié hier soir « rien n'indique que le rose et le vert se marient harmonieusement » (voir La gauche social-démocrate paie sa dépendance au néolibéralisme - 16 juin 2009) m’ont rappelé ce que j’avais écrit dans ma profession de foi de candidat aux élections législatives 2007.
Voici l’extrait de ce texte (voir Circulaire - profession de foi - de Michel Sorin, candidat MRC à Laval - 24 mai 2007), qui me semble d’actualité :
La gauche a un objectif historique : construire un grand parti républicain et socialiste réunissant la gauche de gouvernement en France.
La gauche que je représente est :
- Républicaine car fidèle aux principes et aux valeurs de la République.
- Radicale car son projet est à l’opposé de celui de la finance mondialisée.
- Raisonnable car elle recherche le meilleur équilibre possible par le compromis.
Face une droite qui accepte le jeu de la mondialisation libérale (fonctionnant selon les intérêts du capital financier mondialisé), la gauche doit prendre en charge les intérêts du monde du travail, ce qui correspond dans le long terme à l’intérêt général de la société.
Tout récemment, le 17 mai 2007, sur mon blog j’ai résumé ainsi les principales orientations que la gauche, à mon avis, devrait adopter demain :
- Construction d’une Europe indépendante et consolidation du modèle social et républicain national,
- Adoption d’une politique énergétique cohérente et relance d’une croissance écologique, riche en emplois,
- Nouvelles règles pour le commerce international et priorité à la sécurité alimentaire partout dans le monde.
La réorientation européenne et la recherche de l’indépendance stratégique de l’Europe ne font qu’un. C’est une nécessité absolue si l’on veut préserver notre modèle républicain et jouer un rôle dans la façon dont s’organise la vie sur la planète.
Le réchauffement climatique est une réalité qu’il faut combattre par une politique énergétique avisée. Celle-ci doit rechercher les économies d’énergie, l’efficacité énergétique et la capacité, non seulement à ne pas polluer l’atmosphère, mais à relancer la croissance en la réorientant dans un sens plus écologique.
La libéralisation du commerce international n’est pas la priorité si l’on considère les besoins des populations dans le monde. La priorité, c’est la sécurité alimentaire, en quantité et en qualité. L’agriculture doit être productive et intensive, tout en étant économe et écologique, afin de nourrir une planète marquée par d’énormes disparités.
Dans un « Point de vue » publié le 16 juin sur le site de Libération, le philosophe Jean-Claude Monod (voir Jean-Claude MONOD - Fiche personnelle - Nonfiction), chercheur au CNRS, propose de relier le social et l’écologie dans la recherche d’un nouvel équilibre d’ensemble de la gauche.
Je ne partage pas complètement ce point de vue. Mais il a le mérite de poser des questions, mises sur le devant de la scène depuis les élections européennes. Des compromis seront nécessaires entre les différentes sensibilités de la gauche, afin de proposer un projet républicain, social et écologique. Le mouvement Europe Ecologie, qui rassemble des tendances diverses et se situe au niveau européen sur des bases libérales, devra choisir entre les projets de la gauche et de la droite.
L’urgence d’une social-écologie (Extrait)
Bien au-delà d’un résultat conjoncturel, l’égalisation des niveaux électoraux du parti socialiste et des Verts pourrait constituer une chance de recomposition de l’équilibre d’ensemble de la gauche. Cette recomposition implique de reconnaître que le PS a perdu non seulement sa vocation hégémonique «naturelle» sur la constellation de la gauche de gouvernement, mais aussi les conditions de son hégémonie sur les demandes sociales «de gauche».
Hégémonie n’est pas ici à entendre en un sens péjoratif, mais au sens qu’ont élaboré des théoriciens marxistes et post-marxistes comme Gramsci et, plus récemment, Ernesto Laclau : dans des sociétés démocratiques et capitalistes aussi complexes que les nôtres, la gauche ne représente plus «une» classe (ouvrière), elle doit construire des «chaînes d’équivalences» et organiser des alliances autour de mots d’ordre qui agrègent des demandes sociales diverses émanant de groupes transversaux.
Ces groupes ne se constituent plus à partir d’une identité de condition, mais à partir de leurs revendications ou de leurs aspirations. La gauche socialiste a un temps su combiner son identité de parti ouvrier et de chambre d’écho des mouvements sociaux, pour l’extension des droits des femmes, des homosexuels, des immigrés, des prisonniers, etc. Elle n’y parvient plus, pour des motifs à la fois intellectuels, organisationnels et sociologiques.
- Motifs intellectuels : le socialisme a été pensé dans le cadre de la société industrielle ascendante et triomphante, pour rendre possible une autre organisation de la production.
Le productivisme implicite de cette philosophie politique a été mis en cause depuis des décennies, par des théoriciens restés marginaux, comme André Gorz, dont la conclusion était la nécessité d’une refondation du socialisme sur deux piliers, le social élargi au-delà de la base ouvrière initiale, et l’écologique, en rupture avec la glorification stalinienne de la grande industrie.
Faute d’avoir opéré cette refonte du socialisme en social écologisme, le socialisme risque d’être balayé par l’urgence écologique et par l’inquiétude, scientifiquement fondée, pour l’avenir très proche de la Planète. Avoir fait de cette inquiétude un souci «bobo» en lui opposant le primat du social a été une erreur durable de certaines franges du PS.
Au plan doctrinal, la social-démocratie européenne ne semble offrir qu’un horizon de protection et de préservation des acquis de l’Etat-Providence, là où une social-écologie pourrait prendre motif de la faillite du capitalisme spéculatif et destructeur pour proposer un projet mobilisateur, enthousiasmant, d’invention de modes de production fondés non sur l’exploitation indéfinie des ressources et des hommes, mais sur un souci de justice et de viabilité. Les inventions sociales en matière de commerce équitable, de microcrédit, de banque pour les pauvres, de notation sociale des entreprises, pourraient ici se conjuguer avec les propositions de reprise en main du secteur bancaire, de taxation des banques d’affaires et de contrôle des banques de dépôt, etc (…).
Cet article est le 105ème paru sur ce blog dans la catégorie Gauche refondation.