Une logique contraire à la logique républicaine
A la mi-juillet, le gouvernement a dévoilé ses propositions concernant la réforme des collectivités territoriales, en s’inspirant des conclusions du rapport Balladur (voir Réforme territoriale : le gouvernement a présenté un avant-projet de loi - 24 juillet 2009).
En conclusion du colloque organisé le 26 mai sur ce thème par la Fondation Res Publica (voir les actes, ci-après), Jean-Pierre Chevènement avait présenté son point de vue, dont je vais reprendre ensuite l’essentiel.
Actes du colloque de la Fondation Res Publica : Réforme territoriale et développement
· Accueil de Jean-Pierre Chevènement, président de la Fondation Res Publica
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Introduction de Patrick Quinqueton, Conseiller d’Etat, élu de la communauté d’agglomération du Val de Fensch
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Une réforme territoriale au service de l’aménagement du territoire, par Jean-Pierre Duport, Ancien délégué à l’aménagement du territoire et à l’action régionale (DATAR), ancien préfet d’Ile-de-France, conseiller d’Etat, au colloque du 26 mai 2009, Réforme territoriale et développement.
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Les Pôles de compétitivité : réalités et enjeux pour les collectivités territoriales, par Philippe Lefebvre, de l’Observatoire des pôles de compétitivité
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L’organisation intercommunale face aux défis économiques. Le cas du bassin sidérurgique nord-mosellan, par Patrick Quinqueton, Conseiller d’Etat, Elu de la communauté d’agglomération du Val de Fensch
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Conclusion de Jean-Pierre Chevènement
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Débat final
Voir le dossier en ligne sur le site de la Fondation Res Publica.
Le point de vue de JP Chevènement sur le rapport Balladur
(Extraits de la Conclusion de Jean-Pierre Chevènement, colloque du 26 mai))
Si la réforme territoriale est à l’ordre du jour, ce n’est peut-être pas un hasard. Ce thème s’inscrit dans la recherche d’une compétitivité accrue du territoire – ou des territoires – par voie d’amaigrissement de l’Etat. On n’a pas assez parlé de cette dimension de la compétitivité des territoires ou de la place des territoires dans la compétition mondiale. Je crois que là est le problème central (…).
Regardons en face la réforme territoriale selon Edouard Balladur.
Elle a une logique tout à fait contraire à la logique républicaine traditionnelle : la commune et le département, lieux de démocratie et d’organisation qui faisaient litière des anciennes frontières de l’Ancien régime. Je n’en fais pas un argument décisif.
La réforme Balladur, c’est l’intercommunalité et la région :
L’intercommunalité s’y fait aux dépens des communes. On va même vers des communes nouvelles (autorisées par l’article 11 de son projet de loi) : il suffit que les communes le décident, selon les règles de majorité qualifiée que j’ai rappelées, pour que le préfet puisse transformer 15, 20 ou 30 communes en une seule.
Au niveau des départements et des régions, on procède plus prudemment parce que les présidents de conseils généraux sont puissants dans notre pays, mais on y va quand même ! Le fait d’élire, semble-t-il, selon la méthode des listes PLM, les conseillers généraux et les conseillers régionaux sur la même liste aura quand même un effet d’absorption des départements par la Région.
Il en est de même pour l’élection au suffrage universel des responsables de l’intercommunalité, à laquelle je ne suis pas très favorable. Le fléchage va aboutir à une politisation excessive de l’intercommunalité qui ne sera pas toujours saine. (…)
Je crois que les préfets ont un rôle à jouer et j’approuve la partie de la réforme Balladur qui vise à achever la carte de l’intercommunalité.
Ce qui a été oublié par la réforme Balladur, c’est la réforme de la fiscalité qui fait pourtant l’objet d’un excellent rapport du Conseil économique et social et qui, des points de vue du développement économique et de la démocratie, vaudrait la peine qu’on s’y attache (…).
Conclusion de Jean-Pierre Chevènement
(…) Nous sommes engagés, à travers la réforme Balladur, dans une certaine direction. J’aurais pu évoquer la RGPP, réforme de l’Etat qui va exactement dans le même sens que la réforme territoriale dite « réforme Balladur », c’est-à-dire vers la régionalisation, la concentration au chef-lieu de région de toutes les compétences d’où s’ensuit une certaine désertification administrative des départements dont le chef-lieu n’est pas chef-lieu de région.
Nous allons vers une certaine sous-administration de la France, avec beaucoup de problèmes en perspective. Je ne sais pas comment les conflits qui éclateront dans des départements mal connus du chef-lieu de région pourront être traités. Je ne suis pas très favorable à la disparition des départements dont je pense qu’ils correspondent à quelque chose de puissamment vécu dans notre pays.
On peut essayer de limiter les dégâts, on peut tirer de la réforme Balladur les éléments positifs. Mais, fondamentalement, le problème se situe au niveau des grandes transformations économiques que nous vivons. Les Occidentaux, l’Europe, pourront-ils maintenir un tissu industriel permettant à leur population de conserver leur niveau de vie, dans une certaine stabilité ? Ou bien irons-nous, comme je le crains, vers une précarisation croissante ? Rien n’empêche d’améliorer ce qui existe en matière d’organisation territoriale pour essayer d’enrayer cette évolution de long cours. (…)
L’idée des métropoles serait bonne si on avait répondu à la question excellente posée par Jean-Pierre Duport : Que deviennent les départements résiduels ? De plus, le chiffre de 11 métropoles est excessif. Une demi-douzaine suffirait largement ... et encore !
Il n’y a pas que de bonnes idées dans le rapport Balladur.
La spécialisation des départements va les empêcher de contribuer à ces financements croisés dont - à tort - on dit beaucoup de mal. Beaucoup de projets ne se seraient pas réalisés sans financements croisés. D’ailleurs l’Etat y fait constamment appel pour le financement des TGV ou à travers la procédure des contrats de plan qu’on ne peut pas offrir d’un côté en même temps que de l’autre main on fustige d’un doigt vengeur ces fameux financements croisés ! La plupart de nos communes sont trop petites pour porter à elles seules des projets qui méritent d’être aidés par d’autres niveaux de collectivités. Je ne suis donc pas très favorable à cette spécialisation (…).
Cet article est le 9ème paru sur ce blog dans la catégorie Collectivités territoriales
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