Pourquoi pas une circonscription avec Laval et les cantons proches ?
La délicate question du redécoupage des circonscriptions législatives a été traitée récemment sur ce blog (voir Redécoupage controversé des circonscriptions électorales législatives - 30 juillet 2009).
J’y reviens avec les réflexions que m’a adressées Jean-Yves Delort, ex-rédacteur en chef du Courrier de la Mayenne. Auparavant, il faut rappeler les règles. On les trouve dans deux articles de Vie publique.fr :
Le redécoupage électoral . FAQ - Actualités - Vie-publique.fr (15 avril 2009)
Découpage électoral : carte électorale, circonscriptions ... (4 août 2009).
L’Assemblée nationale compte 577 députés, élus dans des circonscriptions tracées pour les seuls besoins de leur élection, en fonction de la population. La répartition des sièges entre les 577 circonscriptions se fonde sur une méthode de répartition par tranches de population.
Le découpage électoral. issu de la loi du 24 novembre 1986 reposait, pour la définition des 577 circonscriptions, sur un double principe : chaque département devait avoir au moins 2 députés, un député supplémentaire était attribué pour chaque tranche supplémentaire de 108 000 habitants.
En 2009, la règle retenue est la suivante : la répartition des sièges entre les départements est effectuée à partir de leur population municipale depuis les résultats du recensement glissant de 2004. La répartition est toujours fondée une méthode de répartition par tranches de population mais le montant est dorénavant fixé à 125 000 habitants (un député supplémentaire est attribué pour chaque tranche supplémentaire de 125 000 habitants).
Lire + sur "Quelles sont les règles de délimitation des circonscriptions législatives ?"
Le Conseil constitutionnel tient à limiter les exceptions à la règle fondamentale selon laquelle l’Assemblée Nationale doit être élue sur des bases essentiellement démographiques. C’est pourquoi la Lozère (77 000 habitants) et la Creuse (122 000 habitants) ne feront plus exception. Elles n’auront plus qu’un député pour tout le département.
Dans la Lettre du Courrier des Maires, en date du 3 août 2009 (voir Le nouveau découpage de la carte électorale empêchera-t-il l'alternance ?), il est répondu aux objections de favoritisme politique.
La Commission consultative du découpage électoral, présidée par l’ancien président du Conseil constitutionnel, Yves Guéna, n’a pas souhaité repartir sur de nouvelles bases, avec des règles claires applicables partout. Elle s’est limitée à des échanges de cantons limitrophes. On peut le regretter, car cela ne résout pas les incohérences constatées.
La Mayenne, avec ses 300 000 habitants, conservera ses trois circonscriptions, mais il sera procédé à un remodelage des limites entre elles, de manière à réduire les écarts démographiques. Voici la pensée de Jean-Yves Delort sur ce point (texte écrit le 3 août).
Modifier les circonscriptions électorales en Mayenne : un projet impossible
Tripatouillage, charcutage : des qualificatifs souvent peu favorables ont accompagné les projets de réforme de circonscription électorale décidé par le gouvernement. Le précédent remodelage lancé par Charles Pasqua avait aussi été sérieusement critiqué. Mais pourquoi tous ces projets de réforme sont ils toujours mal accueillis ?
La raison est simple : chacun souhaite que les circonscriptions électorales (c'est à dire le territoire que représente le député à l'Assemblée nationale) soient à la fois toutes égales en population et en superficie. Or c'est véritablement impossible.
Dans le système électoral que nous connaissons sous la Cinquième République depuis 1958 (à l'exception d'une brève tentative de rétablissement du scrutin proportionnel par François Mitterrand en 1986), chaque député représente un territoire. En Mayenne, il y a trois circonscriptions et donc trois députés. Pendant longtemps, il y eut un député du nord Mayenne, un du centre et un du sud Mayenne, ces trois territoires à peu près égaux correspondant aux arrondissements administratifs.
Le problème, c'est que la démographie de ces trois circonscriptions électorale a évolué ; la région lavalloise a connu une forte croissance. Comme dans de nombreux autres départements français, ce déséquilibre a inquiété. Et l'on s'est mis en France à juger les députés au poids du nombre d'électeurs : tel député représentait une zone de 100 000 habitants et tel autre une zone de la moitié. Si aujourd'hui les circonscriptions électorales mayennaises respectaient les arrondissements, Guillaume Garot représenterait 140 000 électeurs, Yannick Favennec 90 000 et Marc Bernier 60 000. Impossible à envisager.
On tenta alors de corriger ce déséquilibre en retirant des cantons aux circonscriptions démographiquement les plus importantes et en les attribuant aux circonscriptions plus modestes. C'est ainsi que les cantons de Chailland et surtout de Laval nord-est ont été attribués à la troisième circonscription (nord Mayenne) tandis que ceux de Pré-en-Pail ou de Villaines-la-Juhel étaient associés à Laval. De même les cantons de Meslay, Loiron, Ste Suzanne, furent rattachés à la circonscription de Château-Gontier. C'est la situation en 2009.
On aboutit alors à des circonscriptions qui ont des formes particulièrement bizarres. Et l'électeur y perd son latin. Le député de Pré-en-Pail, c'est Guillaume Garot, le maire de Laval, et non Yannick Favennec. Pour y tenir une permanence, il doit faire 140 kilomètres. Et l'on peut dire qu'il existe deux députés de Laval : Guillaume Garot, certes mais aussi Yannick Favennec qui a été élu par les électeurs des Pommeraies et du quartier de la gare.
La quadrature du cercle
On arrive donc ici à la quadrature du cercle : donner aux trois députés mayennais des territoires démographiquement égaux et à peu près semblables en superficie. Le récent projet examiné par le conseil des ministres pour les élections législatives de 2012 établit un redécoupage à la hache : le canton de Loiron passe du sud au Nord Mayenne, celui de Saint-Berthevin passe dans le sud Mayenne ; le canton de Laval nord-est (gare, Changé...) repasse dans l'escarcelle du député de Laval mais ce dernier perd le canton de Laval nord-ouest (Hilard, Grenoux).
On aboutit donc toujours à des circonscriptions aux formes bizarroïdes : demain, Guillaume Garot s'il est réélu sera toujours le député de Pré en Pail et Marc Bernier (ou plutôt son successeur puisqu'il a indiqué qu'il comptait arrêter en 2012) sera le député d'une partie de Laval.
Et si Guillaume Garot n'était le député que de Laval Agglo ?
Il y aurait bien une solution pour arriver à trois circonscriptions égales sur le plan démographique. La Mayenne compte environ 300 000 habitants. On limiterait la première circonscription (celle de Guillaume Garot) à l'agglomération lavalloise qui compte 100 000 habitants, les deux autres députés se partageant tout le reste du département. (Nord et sud).
On voit tout de suite les limites d'un tel découpage : tandis que le député de Laval serait l'élu d'un territoire restreint, les députés du Nord et du sud Mayenne auraient certes des territoires de la même importance (100 000 habitants) mais ils devraient parcourir un très vaste territoire pour rencontrer leurs électeurs, assister aux réunions et manifestations, remettre des coupes ; de l'agenda de député ils passeraient à un agenda de ministre ! A moins de faire largement appel à leur suppléant (ce qui ne serait pas forcément une mauvaise chose). Notons quand même que leur territoire serait quand même moins grand que celui des sénateurs, des conseillers régionaux ou bien sur des députés européens.
Avec le régime électoral que nous connaissons (scrutin majoritaire à deux tours), on n’arrivera jamais à un bon système garantissant pour la Mayenne trois circonscriptions démographiquement égales et homogènes quant à leur superficie. Et toute tentative de modification du territoire sera forcément accusée de «charcutage» par l'opposition (de droite ou de gauche). On peut soit se satisfaire de cet état de fait, soit rêver à un autre système comme le système proportionnel. Sans doute ce système peut paraître plus juste (en fait seule une proportionnelle nationale serait vraiment juste) mais il éloigne l'électeur de son député. Et l'on a bien vu, lors des dernières élections européennes, que lorsque le représentant du peuple est trop loin de l'électeur, l'électeur a tendance à s'abstenir.
Cet article est le 25ème paru sur ce blog dans la catégorie République Parlement.