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Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.

Laurence Roudart fait l'historique des négociations internationales concernant l'agriculture

 

L’objectif de sécurité alimentaire s’oppose au libéralisme

 Dans le livre « La fracture agricole et alimentaire mondiale », Laurence Roudart a écrit le chapitre « Les politiques agricoles et alimentaires au risque des négociations internationales ». Son grand mérite est de montrer comment, à partir des années 1980, à l’initiative des USA et de la CEE, les politiques agricoles ont été soumises à l’épreuve des négociations commerciales internationales, d’abord dans le cadre du GATT en 1986 (cycle de l’Uruguay) puis de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), qui a pris le relais du GATT en 1995.

 Je vais m’efforcer de résumer ce chapitre. Les politiques agricoles et alimentaires sont un sujet de discorde dans les relations internationales depuis que celles-ci sont commandées par la volonté d’imposer une libéralisation de tous les échanges. De plus en plus nombreux sont ceux qui s’opposent à la libéralisation de ce secteur parce que l’agriculture est à la base de l’alimentation et, donc, de la vie d’une part, et que, d’autre part, il est nécessaire de revaloriser l’intervention publique afin de réguler l’offre de certains biens et services dont la production est liée à l’activité agricole, mais pour lesquels il n’existe pas de marché.

 Historiquement, les Etats ont voulu garantir le mieux possible la sécurité des approvisionnements alimentaires de la population. C’est l’un des fondements du contrat social qui lie chaque Etat à ses ressortissants.

 

      Une politique agricole est fondamentalement une politique alimentaire mais, par l’espace qu’occupe l’activité agricole, elle est aussi une politique environnementale, une politique d’aménagement du territoire et une politique d’emplois et de revenus en milieu rural.

En réalité, les raisons qui justifient l’intervention publique en agriculture sont multiples, de nature économique, sociale et politique.

 Je passe sur les moyens, nombreux et divers, qui ont été mis en œuvre dans les pays développés entre les années 1930 et 1990 : garantie de prix, subventions à certains facteurs de production, aides directes aux revenus des agriculteurs, financement public en amont de la production…    De nombreux gouvernements (les USA, des pays de la CEE) considéraient l’agriculture comme un secteur beaucoup trop stratégique pour l’exposer à la libéralisation. C’est pourquoi, pendant 40 ans, l’agriculture est restée en dehors des négociations du GATT  (Accord général sur les tarifs et le commerce).

 A partir du début des années 1980, à l’initiative des USA et de la Communauté européenne, le libéralisme s’est imposé comme courant de pensée économique dominant à l’échelle internationale, entraînant dans son sillage la remise en cause du rôle de l’Etat dans l’économie, y compris dans le secteur agricole, la référence rituelle au libre fonctionnement des marchés, à la libre entreprise, à la libre concurrence et à la spécialisation de chaque pays en fonction de ses « avantages comparatifs ».

C’est ainsi que les USA et la CEE décidèrent d’engager des négociations commerciales intégrant pour la première fois l’agriculture, dans le cadre du GATT. C’était en Uruguay en 1986. Il s’agissait « d’établir un système de commerce des produits agricoles qui soit équitable et axé sur le marché ». Ce cycle de négociations fut conclu à Marrakech en 1994, par la signature d’un accord global, comportant 29 accords distincts, dont l’accord sur l’agriculture. A partir de là, l’OMC a pris le relais et, depuis lors, les politiques de tous les pays membres sont sous surveillance internationale.

 Les axes principaux de l’accord sur l’agriculture étaient de :

 - diminuer les transferts internes à l’agriculture ayant des effets sur les volumes produits et donc sur le commerce international,

 - réduire les subventions à l’exportation,

 - abaisser les protections à l’importation.

 Dans presque tous les pays développés, entre 1986 et 2002, les transferts à l’agriculture ont baissé en termes réels et leur composition a été modifiée : les soutiens par les prix ont diminué (les prix payés aux producteurs ont baissé, se rapprochant des cours internationaux) et, en compensation, les aides directes aux revenus des agriculteurs ont augmenté.

 Les négociations internationales concernant l’agriculture ont repris en 2000, avec pour objectif de poursuivre la libéralisation de la production et du commerce agricoles dans tous les pays membres de l’OMC.  Après un échec à Seattle (USA), marqué par les oppositions des altermondialistes et des pays en développement, un nouveau cycle de négociations a été lancé à Doha (Qatar) en novembre 2001. Des divergences d’intérêts et des désaccords profonds sur les questions agricoles n’ont pas permis de respecter l’échéancier fixé à Doha.

 Quelles sont les positions des différents pays ou groupes de pays ?

 - L’Union européenne et les USA, qui soutiennent leurs agricultures, sont surtout préoccupés de la compatibilité entre leurs politiques agricoles et le futur accord.

 - Certains pays « amis de la multifonctionnalité » (Corée du Sud, Japon, Norvège, Suisse), qui soutiennent fortement leurs agricultures et sont importateurs nets, défendent l’idée que tous les transferts sont acceptables dans la mesure où ils permettent au secteur agricole d’assurer des fonctions non marchandes, notamment la sécurité alimentaire.

 - A l’autre extrême, les pays du groupe de Cairns, qui sont exportateurs et soutiennent fort peu leurs agricultures, sont demandeurs d’une libéralisation importante des politiques et des échanges agricoles.

 - Les pays en développement se divisent en plusieurs sous-groupes, dont certains sont attirés par davantage de libéralisation et d’autres, parmi les pays pauvres, par des solutions favorables au développement.

 Depuis l’insuccès de la conférence de l’OMC à Cancun en 2003, les pays en développement n’acceptent plus que les pourparlers se fassent sur la seule base d’un accord euro-américain. La concertation a été relancée en 2004 par un accord-cadre élaboré par le Brésil, l’Inde, l’Australie, les USA et l’UE. La compétition se durcit entre des groupes de pays aux intérêts divergents, principalement entre ceux qui exigent une diminution forte et rapide des interventions publiques (leurs agricultures étant très compétitives) et les pays interventionnistes (USA et Europe, notamment) qui freinent au maximum cette évolution.

 Ainsi, les négociations internationales continuent sur la base et les principes des années 1980. Ces négociations, qui impliquent des pays de plus en plus nombreux, ont un caractère positif. Ce qui doit être remis en cause, ce sont les objectifs qui sont visés, c’est-à-dire la libéralisation des échanges internationaux, le démantèlement des politiques agricoles et alimentaires et l’alignement des prix agricoles dans les pays sur les prix internationaux.

 Il est temps d’assigner à ces négociations un objectif de sécurité alimentaire, en quantité et en qualité, pour toute l’humanité, fondé sur la souveraineté alimentaire de chaque pays, ou groupe de pays, c’est-à-dire sur le droit des populations et des Etats à définir leurs propres politiques agricoles et alimentaires, sans que celles-ci causent préjudice aux agricultures d’autres pays.

 Mais ce droit à l’alimentation ne fait pas partie du mandat de l’OMC.

 Rappelons que la balle est dans le camp des chefs d’Etat et de gouvernement membres de l’OMC. Ce sont eux qui fixent les orientations de cette organisation. Il leur revient la responsabilité politique de se mettre d’accord sur ce nouvel objectif.

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