La gauche est inaudible sur la question néolibérale
Il faut se rendre à l’évidence : les dirigeants du monde capitaliste, après le G20 de Londres, font tout pour sauver le système et rien pour le changer, ou si peu. Nous ne devons pas être dupes.
Sur les questions les plus importantes, les réponses du G20 sont clairement en faveur de la continuité du système qui a failli. Non à la nationalisation des banques, non au protectionnisme, non à un autre système monétaire, qui ne serait pas lié au seul dollar (voir, à ce sujet, G20 : la refondation du système monétaire international, non abordée - 5 avril 2009).
Et la gauche n’aborde aucun de ces sujets fondamentaux. Elle semble attendre le salut du président des USA et elle se trompe, car Barack Obama n’a pas l’intention de remettre en cause les thèses néolibérales, qui sont pourtant à l’origine de la crise du capitalisme.
Voici quelques informations, afin de mieux comprendre ce qui se passe en réalité.
Jean-Luc Gréau: «Le G20 a sauvé le soldat libre-échange» (site de Marianne, 6 avril)
Ne surtout rien changer, si ce n’est à la marge. Donner l’impression que l’on agit, mais ne pas s’attaquer de front aux véritables problèmes. Invité à participer à un forum du club Gauche avenir, ce week-end, à l’Assemblée nationale, Jean-Luc Gréau a affirmé que les « puissants de ce monde » réunis à Londres ont réussi leur coup : « L’objectif du G20 était de sauver le soldat libre-échange ». L’économiste en veut pour preuve tous les sujets sur lesquels l’impasse a été faite. Il évoque notamment « la titrisation » alors que l’on connaît aujourd’hui parfaitement la responsabilité de cette pratique dans la crise des subprimes. Mais ce qu’il regrette aussi, c’est que le G20 n’ait pas donné « un diagnostic purement économique » de la crise.
Lui qui « il y a quinze ans, [était] libre échangiste », lui qui se définit comme étant de « tradition libérale de droite » (il a œuvré comme expert au Medef, ndlr), livre sans hésiter son interprétation de la crise. Il évoque en premier lieu « la sous-rémunération du travail » qui a conduit à « l’endettement des ménages » : « Il a pris une intensité particulière depuis quinze ans. Nous sommes passés d’un régime d’endettement acceptable à un régime d’endettement inacceptable. »
Il voit donc derrière la tempête financière, économique et sociale (et peut-être bientôt politique ?) que nous traversons, « une crise de la demande ». Mais il distingue deux types de pays parmi les premières victimes de cette crise. D’une part, les pays qui ont joué le jeu du surendettement à outrance (Etats-Unis, Angleterre, Espagne, etc.) et, d’autre part, les pays qui apparaissaient comme étant « les plus compétitifs » : « Ce sont ces pays qui ont été les plus touchés : le Japon, la Corée, l’Allemagne. Il faut rappeler ça aux partisans du libre-échange ».
Jean-Luc Gréau a aussi proposé une batterie de mesures pour réformer le système. L’auteur de La Trahison des économistes (1) propose pêle-mêle de « revaloriser le travail », de « nationaliser les banques » (« A la faveur de la crise, explique-t-il, les banquiers ont pris le pouvoir » !), de « rétablir un marché coopératif du crédit », d’« encadrer la titrisation » et de lancer « un nouveau Bretton Woods ».
« Il faut ouvrir le débat sur le protectionnisme »
Mais il propose, aussi et surtout, d’« ouvrir le débat sur le protectionnisme » : « Le G20, s’indigne-t-il, l'a clôt avant qu’il n’ait commencé » ! Et de se moquer de ceux qui voient dans le protectionnisme « une maladie », comme Pascal Lamy dont il fait semblant de ne plus savoir s’il est directeur général de l’Organisation mondiale du commerce ou de l’Organisation mondiale de la santé !
Jean-Luc Gréau réfute par ailleurs en bloc l'argument maintes fois utilisé par les opposants au protectionnisme qui consiste à dire que son application au moment de la crise de 1929 a conduit à la catastrophe : « On est en train de falsifier l’histoire des années 1930. Les deux secteurs moteurs de l’économie américaine étaient l’automobile et le logement. Entre 1929 et 1932, la construction chute de 80%, l’automobile de 75%. Ce sont des marchés intérieurs qui se sont effondrés… »
Voilà pourquoi il n’hésite pas aujourd’hui à « [appeler] de [ses] vœux » la mise en place d’un « protectionnisme européen » : « Il faut refonder l’Europe avec une nouvelle doctrine de la concurrence européenne. Cela permettra d’établir une concurrence loyale, équitable. Mais il faut un protectionnisme moderne, intelligent, éclairé, partiel… » Intelligents et éclairés, les « 20 », ne l’ont pas été assez à son goût. Reste les responsables politiques français ? Jean-Luc Gréau regrette d’avoir si peu vu le protectionnisme évoqué dans les programmes des partis pour les élections européennes…
(1) La Trahison des économistes. Editions Gallimard, 2008, 250 pages, 15,50 euros.
Dans le même sens, Laurent Pinsolle (Marianne, 6 avril) : G20 : on ne change pas un système qui perd.
A noter, venant des USA, le point de vue critique de Joseph Stiglitz (Les Echos, 9 avril) :
Joseph Stiglitz : "Ni les Etats-Unis ni le G20 ne proposent un cadre convaincant de régulation"
Chargé par les Nations Unies de piloter une commission indépendante d'experts sur la crise financière, l'économiste Joseph Stiglitz (Columbia University), prix Nobel 2001, porte un regard critique sur le bilan du G20 de Londres.
Le G20 de Londres représente-t-il un succès pour Barack Obama à vos yeux ; quels sont les véritables gagnants ?
D'un point de vue politique, ce sommet lui a donné une occasion de déployer ses talents diplomatiques et de jouer un rôle de médiateur. Sa conférence de presse finale était très claire et impressionnante. Compte tenu de la position délicate initiale des Etats-Unis qui étaient largement considérés comme "la source du problème", il a réussi à désamorcer l'hostilité potentielle. Mais le bilan est beaucoup plus maigre en termes de substance par rapport aux quatre priorités initiales : effort de relance globale, système de régulation renforcé, aide aux pays en développement et prévention du protectionnisme. Il n'y a pas de vrai gagnant (…).
A signaler, aussi, le message de Julien Landfried, membre du secrétariat national du MRC, qui souligne l’intérêt de l’analyse de l’Institut Montaigne sur la crise (à lire sur le site de Libération, 28 mars).
http://www.liberation.fr/economie/0101558601-le-liberal-institut-montaigne-pique-une-crise-d-altermondialisme.
Cet article est le 70ème paru sur ce blog dans la catégorie Capitalisme .